Au coeur du quartier commerçant de Karrada, l'église Notre-Dame du Perpétuel secours porte toujours les stigmates de l'attaque, l'une des plus violentes commises contre la communauté chrétienne d'Irak. Les carreaux de ses fenêtres n'ont pas encore été remplacés, les boiseries demeurent déchiquetées et des traces de sang sont toujours visibles sur les murs.
Le 31 octobre, veille de la Toussaint, un commando armé attaquait la cathédrale en pleine messe, tenant tête pendant plusieurs heures aux forces de sécurité. Au total, 44 fidèles, deux prêtres et sept membres des forces de sécurité ont péri dans cette opération, ainsi que tous les membres du commando.
"Nous n'aurions jamais cru devoir un jour être ici pour nous joindre à cette tristesse", a dit le primat de l'église syrienne-catholique, Ignace Joseph III Younan, venu du Liban pour célébrer la messe. "Ils (les victimes) priaient Dieu pour que ce pays retrouve sa grandeur et pour l'unité des fils de l'Irak", a ajouté le patriarche. "Leur sang purifiera l'une des plus grandes erreurs au monde, qui consiste à tuer au nom de la religion."
Dans la cathédrale bondée, les proches des victimes ont pris place, de même que des rescapés de l'attentat, des représentants d'autres Eglises, des ambassadeurs et des dirigeants politiques irakiens, parmi lesquels l'ancien vice-président Adel Abdel Mehdi et Ammar al-Hakim, chef du Conseil suprême islamique d'Irak (chiite). Des posters géants à l'effigie des deux prêtres tués – le père Wassim et le père Taher – ornent le portail de l'entrée, et les photos des 44 autres fidèles tués sont affichées à l'intérieur.
Il est de tradition chez certaines communautés chrétiennes d'Orient d'organiser une messe à la mémoire des défunts 40 jours après le décès. "Cette messe vise à dire aux âmes des morts qu'elles sont désormais avec Jésus", a expliqué le père Karam Kamal.
A l'extérieur de l'église, une poignée de manifestants brandit des banderoles. "Arrêtez de tuer des chrétiens", peut-on lire sur l'une d'elles. Une autre demande les résultats de l'enquête sur l'attaque de la cathédrale.
Pour le patriarche syrien catholique, cet office est aussi l'occasion d'adresser un message, répété en arabe, en anglais, en italien et en français : "Prière de ne pas considérer l'Irak comme une terre d'opportunités économiques. Mais pensez à son peuple qui veut renaître dans la dignité."
La-croix.com