A l’occasion du septième anniversaire de la mort du pape polonais, et du premier anniversaire de sa béatification, Mgr Sławomir Oder raconte cette « aventure » qui se poursuit avec la seconde étape du procès, celle de la canonisation. Nous publions ici le premier volet de l'interview, qui sera suivie par un second volet demain, 9 mai.
Włodzimierz Rędzioch– Comment avez-vous vécu 2011, l’année de la béatification de Jean-Paul II ?
Mgr Sławomir Oder – 2011 a été pour moi une année très particulière avec la cérémonie de béatification de Jean-Paul II, le 1ermai, et la célébration de la première fête liturgique du nouveau Bienheureux, le 22 octobre. L’année dernière, après six ans d’un travail intense, j’ai atteint un objectif important : l’Eglise a enfin pu offrir au peuple de Dieu et au monde cette splendide figure du nouveau Bienheureux. Mais l’année 2011 n’a signé que la première étape parce que le procès ne s’est pas arrêté là. Du point de vue théologique, il n’y a pas de grande différence entre « saint » et « bienheureux ». Ce qui change, en revanche, c’est l’extension du culte : pour la personne bienheureuse, le culte est proposé localement ; dans le cas du saint, le culte est universel. Ce qui change aussi, c’est l’implication de l’autorité pontificale : lorsque la sainteté est prononcée, c’est-à-dire lors de la canonisation, c’est l’infaillibilité du pape qui est engagée.
Cela veut dire qu’on ne fait pas de nouveau procès pour canoniser un bienheureux ?
En ce qui regarde la canonisation, on ne refait pas de procès pour vérifier l’héroïcité des vertus puisqu’une telle héroïcité a déjà été certifiée. Pour arriver à la canonisation, la pratique de l’Eglise demande un second miracle qui doit se réaliser après le jour de la béatification.
Revenons aux années du procès : quels sont les moments saillants du procès de béatification qui vous ont marqué l’esprit ?
Certainement le moment où le cardinal vicaire du diocèse de Rome m’a confié cette charge. C’était le jour de la visite de Benoît XVI dans la basilique de Saint Jean du Latran, sa première rencontre avec le clergé romain. Ce jour-là, le pape avait fait connaître sa décision de dispenser du temps d’attente pour l’ouverture du procès. C’était un grand signe de confiance du cardinal à mon égard. Je suis vicaire judiciaire et je travaillais déjà comme président du Tribunal d’appel du vicariat de Rome. Cette nouvelle réalité s’est ajoutée à mon travail quotidien. C’était un grand défi professionnel, mais aussi personnel parce que je devais complètement réorganiser ma vie.
Le second moment important a été l’ouverture du procès, le jour de la solennité des saints Pierre et Paul, avec la présence de représentants des Eglises locales, parmi lesquelles l’Eglise de Rome et l’Eglise polonaise, mais aussi des représentants des Eglises sœurs comme le patriarcat de Constantinople. Le caractère œcuménique de l’ouverture du procès correspondait à l’un des traits les plus significatifs du pontificat de Jean-Paul II, qui était sa dimension œcuménique.
Puis a commencé le travail d’investigation : le recueil de documents et les rencontres avec les témoins. Parmi les témoins, il y avait les personnes qui, avec le pape, ont contribué au changement de l’histoire contemporaine. Du point de vue humain, j’ai vécu la belle expérience de pouvoir rencontrer ces grands protagonistes de l’histoire.
Un moment bouleversant a été lorsque, peu après l’ouverture du procès, j’ai été appelé en France pour prendre connaissance de l’événement, que l’Eglise a ensuite reconnu comme miraculeux : la guérison de sœur Simon-Pierre. J’ai vécu ce moment avec beaucoup d’émotion.
Je ne cache pas l’émotion avec laquelle j’ai vécu les différentes étapes du procès : la remise de la « Positio », la reconnaissance du miracle et la promulgation du décret sur l’héroïcité des vertus.
Mais le moment le plus gratifiant pour moi a été celui de l’échange du baiser de paix avec le pape au cours de la messe de la béatification. D’un côté, je voyais la grande joie du pape Benoît XVI qui, dès le début, avait voulu accompagner ce procès par sa bienveillance, sa prière discrète et à travers les diverses homélies et interventions qui ont été sa contribution indirecte à ce procès.
D’un autre côté, tout de suite après la messe, quand j’ai quitté la place Saint-Pierre, j’ai vu l’enthousiasme de la foule venue du monde entier, l’Eglise en fête, et j’ai alors éprouvé une immense gratitude envers Dieu et une grande satisfaction personnelle.
Que vous a apporté ce travail d’enquête sur la sainteté de Jean-Paul II ?
Le procès de béatification est devenu pour moi une aventure qui m’a amené à regarder de près une histoire sacerdotale, parce que Jean-Paul II a été pape, cardinal et évêque, mais il est toujours resté prêtre, il a vécu toute sa vie dans un esprit sacerdotal. « Enquêter » sur Jean-Paul II m’a permis d’approcher un modèle de sacerdoce magnifique, qui m’a enthousiasmé, a renforcé ma vocation et m’a beaucoup stimulé à progresser personnellement.
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