Le 26 février 2008, la section suédoise de Reporters sans frontières a organisé à Stockholm une table ronde sur la liberté de la presse en Ouzbékistan et sur l’assassinat du jeune journaliste Alisher Sayipov au Kirghizstan le 24 octobre 2007.
Elle y avait convié Shahida Tulaganova, une journaliste ouzbèke en exil ainsi que Elin Jönsson, une journaliste suédoise qui a travaillé avec Alisher Sayipov.
“Je suis pessimiste quant à la résolution de cette affaire. Les autorités nous doivent des explications”, a déclaré Shahida Tulaganova. Elle a ajouté être convaincue de la participation des services de sécurités ouzbeks dans la mort d’Alisher Saïpov. Cette thèse est également partagée par Elin Jönsson.
“Nous demandons aux autorités kirghizes de reprendre depuis le début l’enquête sur l’assassinat d’Alisher Saïpov, sans négliger la piste professionnelle étant donné les prises de position du journaliste à l’égard du pouvoir ouzbek”, a déclaré Reporters sans frontières.
Alisher Sayipov était un jeune journaliste appartenant à la minorité ouzbèke du Kirghizstan. Auteur de nombreux articles sur le régime d’Islam Karimov et la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan, il a souvent fait l’objet de campagnes de diffamation dans les médias ouzbeks. Nombre de ses collègues sont persuadés que sa mort est liée à son activité professionnelle.
Au lendemain de la mort d’Alisher Sayipov, le porte-parole du président kirghiz avait déclaré que “la résolution de cette affaire” était “une priorité”. Mais quatre mois après, l’enquête est suspendue et l’espoir est faible de voir les responsables condamnés.
Alors que pour les proches d’Alisher Saïpov les enquêteurs devraient étudier la piste des services de sécurité ouzbeks, dès le 30 octobre 2007, le ministre kirghiz de l’intérieur, Olzhobai Kazabayev, a écarté cette hypothèse en faisant état d’un rapport officiel prétendant qu’Alisher Saïpov entretenait des rapports avec des mouvements islamiques radicaux.
En décembre, Melis Turganbayev, le responsable du Département de lutte contre le crime organisé, a informé les journalistes que l’enquête se focalisait sur des extrémistes religieux et des groupes criminels. Il a ajouté détenir “les photos de deux suspects non identifiés”. Mais aucune arrestation n’a suivi et il n’y a pas eu d’informations supplémentaires sur ces deux suspects.
Le 4 février 2008, Olzhobai Kazabayev, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a déclaré sur Radio Free Europe que l’enquête était suspendue car les deux suspects n’avaient pas été arrêtés.
Ajoutant à la confusion, le ministre a lui-même précisé plus tard que l’enquête était suspendue pour diverses raisons, notamment parce que le délai de l’enquête préliminaire avait expiré. Il a ajouté que les investigations allaient reprendre en se focalisant sur des causes politiques, religieuses, ainsi que sur des liens du journaliste avec le trafic de drogue. Encore une fois, l’activité professionnelle du journaliste n’a pas été mentionnée.
Reporters sans frontieres- 29/02/2008