Posée au creux de la vallée, sur la rive de Nahr el-Joz qui longe le village de Kaftoun, dans le Koura, l’église à trois nefs dédiée aux saints Serge et Bakhos a été bâtie vers le Xe siècle. L’architecture ancienne est loin d’être le seul attrait de l’église. Sa particularité tient à ses fresques datant des XIe, XIIe et XIIIe siècles.
Longtemps laissée à l’abandon, fortement endommagée par les crues du fleuve et le poids des siècles, l’église menaçait de tomber en ruine. La remise en bon état d’un tel patrimoine se révélant urgente, l’archevêché orthodoxe du Mont-Liban, en coordination avec la Direction générale des antiquités (DGA), décide alors d’agir. Les travaux de restauration lancés depuis l’été 2004 ont permis de reconstruire la nef nord dont une partie était détruite, de réparer la pierre et de consolider la toiture.
C’est d’ailleurs en procédant à cette opération que les ouvriers découvrent, encastrée dans les faux combles, une peinture murale représentant la tête de la Vierge et celle de l’archange Gabriel. Ils alertent les autorités religieuses et la DGA qui, sur le conseil de la directrice du musée de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Leila Badr, confient le chantier aux spécialistes de l’Académie des beaux-arts de Varsovie. Ces derniers, pilotés par le Pr Christofer Chmielewski, investissent l’église et entreprennent des « tests » (carrés à analyser) dans différents poins de l’édifice où ils découvrent des surfaces colorées. Au fil d’un travail minutieux, les murs, débarrassés de leur enduit, déballent le top : des fresques.
Des figures de saints, dont celles de Serge et de Bakhos, soldats martyrs des premiers temps chrétiens, d’apôtres et d’archanges décorent les piliers qui soutiennent les voûtes. Sur les frises, entre l’architrave et la corniche, des écritures en araméen, grec et arabe déversent les noms des disciples de Jésus, représentés sur les peintures murales. Dans l’abside, entouré de la Vierge à sa droite et de saint Jean-Baptiste à sa gauche, siège le Christ Pantocrator, que l’on peut traduire par « Tout-Puissant ». Il tient un livre et esquisse un geste de bénédiction, deux doigts tendus pour symboliser la double nature humaine et divine, et trois autres joints pour figurer la Trinité. Sous l’abside, se profilent les pieds de la Vierge et ceux de l’archange Gabriel découverts dans le toit et dont il faut démonter « une partie pour dégager le reste de la fresque », explique Chmielewski, soulignant qu’« autrefois, le toit s’étant affaissé, les ouvriers maçons chargés de sa réparation ont dû rogner sur cette vaste peinture murale ». « Il y a très longtemps, le toit de l’église, plat à l’origine, a sûrement subi des travaux de réaménagement qui ont rogné sur l’œuvre peinte », précise-t-il. Le restaurateur polonais signale également que « les fresques sont en très bon état et n’ont pas besoin d’être retouchées. Notre action se limite à les nettoyer et à les fixer pour les rendre résistantes aux chocs climatiques et conserver leur pérennité ».
Notre-Dame de Kaftoun
Surplombant la petite église Saints-Serge-et-Bakhos, Deir Saydet Kaftoun (couvent Notre-Dame de Kaftoun) présente également un intérêt historique. Cité dans certains textes du IXe siècle (librairie d’Oxford), le couvent adossé à flanc de rocher est une construction massive de pierres blanches qui a été bâtie en plusieurs étapes. Sa chapelle enchâssée dans la paroi rocheuse renferme une icône miraculeuse exhibant sur une face la Sainte Vierge (peinture des Xe – XIe siècles) et sur l’autre, le baptême du Christ (XIIIe siècle). Pour la petite histoire, l’icône a été volée deux fois, au cours des années 60, puis retrouvée à Londres par la police d’Interpol. En 1990, elle fut restaurée par le spécialiste belge, le R.P. Antoine Lamens, et exposée en France avant de reprendre le chemin de Kaftoun.
May MAKAREM- L'Orient Le Jour 09.09.2008