Quand l'idée d'organiser une Journée mondiale de la jeunesse fut lancée, en 1983, le Vatican se montra sceptique, jugeant ce projet totalement irréaliste. Aujourd'hui, comme en témoigne l'expérience de Sydney, ces Journées sont devenues l'un des événements d'évangélisation les plus importants dans l'Eglise.
Le cardinal Paul Josef Cordes, aujourd'hui président du Conseil pontifical « Cor Unum », était alors vice-président du Conseil pontifical pour les laïcs. Le 15 mars dernier, à l'occasion des 25 ans de la fondation du Centre international de jeunes San Lorenzo, à Rome, depuis toujours intimement lié aux JMJ, il a raconté l'histoire inédite de la création de ces Journées (cf. Zenit du mardi 15 juillet). Dans cette deuxième partie, il raconte l'histoire de la Croix de l'année sainte confiée aux jeunes par Jean-Paul II.
Les journées de la jeunesse sont devenues une chaîne qui unit pays et continents. On l'a vu clairement à Cologne quand le pays a été envahi par une armada de jeunes pacifiques du monde, enthousiasmés pour la première fois par un pape allemand. La force de communion de la foi s'incarne de manière particulièrement tangible toutes les fois que la croix de l'année sainte est remise lors de la journée de clôture. Etant donné l'importance de cette Croix, je voudrais conclure en disant ce que je sais de son histoire ; car cette histoire commence également à l'intérieur du Centre San Lorenzo.
Au début de l'Année sainte extraordinaire 1983/84 notre Saint-Père s'est aperçu que dans la basilique Saint-Pierre il manquait une belle croix suffisamment grande pour attirer le regard des fidèles en prière. Il a donc placé sur la Confession une croix en bois de deux mètres de haut et, après avoir passé pour la dernière fois le seuil de la porte sainte, il a remis cette croix aux jeunes du centre San Lorenzo. Comme en aparté, il a dit aux cinq jeunes qui la recevaient : « Je vous confie le signe de cette Année jubilaire : la Croix du Christ ! Portez-la dans le monde comme signe de l'amour du Seigneur Jésus pour l'humanité et annoncez à tous qu'il n'y a de salut et de rédemption que dans le Christ mort et ressuscité ».
Les jeunes du Centre sont revenus conquis. Ils étaient vraiment prêts à porter la croix dans le monde. J'ai pensé freiner leur élan en disant que chacun portait sa croix dans le monde. Mais eux avaient vraiment l'intention de suivre à la lettre les paroles du pape. J'ai donc fini par céder, devant leur insistance. Mais qui pouvait s'intéresser à une croix en bois, même si elle venait de Saint-Pierre au Vatican, même si elle exprimait un désir du pape ? Nous avons donc dû donner à cette Croix une place spécifique et créer un culte autour d'elle. C'est alors que nous sommes partis en petit groupe prier et chanter dans les rues de Rome, vers les centres des divers mouvements spirituels : Communion et libération, les charismatiques, la paroisse des Martyrs canadiens pour le Chemin néocatéchuménal. A la fin des processions, il y avait des catéchèses, une liturgie et une adoration solennelle de la Croix, souvent dans le style de la communauté monastique de Taizé.
Peu après (en juillet 1984) a eu lieu à Munich le Katholikentag. Protégée par une boîte métallique, notre croix a été transportée jusqu'en Bavière. L'évêque auxiliaire, feu Mgr Tewes, était à l'époque le responsable de la liturgie. Nous lui avons demandé de faire ériger pour la célébration de clôture dans l'Olympiastadion une croix en bois, grande et simple, qui serait visible par tout le monde. Mais il avait du mal à comprendre notre requête : apporter de Rome une croix en bois ! Pourquoi, n'y avait-il pas suffisamment de belles croix à Munich ? Nous avons insisté: il s'agissait de la Croix de l'Année sainte, et le pape nous avait demandé de la porter dans le monde comme signe du salut dans le Christ. Mais Mgr Tewes tergiversait encore. Alors, nous avons repris notre marche dans les rues, cette fois dans la capitale bavaroise, armés d'un mégaphone, priant et chantant. Et, à notre plus grande joie, l'évêque a fini par accéder à notre requête. La croix a eu sa place d'honneur durant la cérémonie de clôture.
Durant une rencontre que j'ai eue par la suite avec le Saint-Père j'ai pu lui dire : « Les jeunes du Centre San Lorenzo ont rempli leur mission de porter la croix de l'Année sainte dans le monde ». Pour toute réponse le pape a dit : « Bien, alors portez-la au cardinal Tomaček à Prague ». Ce qui était loin d'être facile, pour des raisons politiques. La Tchécoslovaquie était un des pays les plus fortement soumis au communisme. L'Eglise n'avait ni liberté ni espace vital. Et le grand opposant au régime, le cardinal de Prague, était totalement isolé et contrôlé à vue. Seul quelque stratagème nous aurait permis de porter la croix jusqu'au héros de la résistance anticommuniste, alors âgé de 80 ans, et lui apporter du réconfort durant sa mise en résidence surveillée.
Les jeunes ont alors échafaudé un plan : obtenir un visa d'entrée dans Prague pour un groupe d'étudiants de l'université de Tübingen. Les autorités communistes ont accordé les visas, et les jeunes, déguisés en maçons, ont réussi à entrer dans la maison du cardinal et à y transporter la croix en cachette. Le cardinal, ému jusqu'aux larmes, a béni tous ces jeunes téméraires qui, à leurs risques et périls, étaient venus lui manifester l'amour du pape. Ils ont pris des photos qui ont par la suite été publiées sur un des plus grands quotidiens allemands, et qui ont fait sensation.
Depuis, la Croix a pour ainsi dire fait carrière. Aujourd'hui, on ne l'appelle plus « La croix de l'Année sainte », mais « la Croix de la Journée de la jeunesse ». Le désir de l'avoir est tel qu'il a fallu la dupliquer, de manière à ce que tous puissent à ses pieds, dans le monde entier, se rappeler de l'amour de Jésus. Devant cette croix sont venus prier des jeunes de tous les continents et, grâce à leurs prières, certains ont redécouvert le lien entre leurs péchés et la passion du Seigneur et, après des années, ont retrouvé la voie du confessionnal. Vraiment la Croix a été un signe efficace de salut!Traduit de l'italien par Isabelle Cousturié
ROME, Mercredi 16 juillet 2008 (ZENIT.org)