Il y a 150 ans, Marie apparaissait pour la première fois à Bernadette Soubirous à Lourdes. Pour cet anniversaire, point d'orgue de l'année jubilaire, 50.000 pèlerins
dont 26 évêques et 800 prêtres sont attendus. « Une promesse qui ne trompe pas » : tel est le titre de l'homélie prononcée dimanche matin à la Grotte des apparitions, par Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes, lors de la messe télévisée retransmise en eurovision.« Le calendrier liturgique de 2008 est assez proche de celui de 1858 puisque nous entrons tout juste dans le Carême » a relevé Mgr Perrier tout en rappelant que sur les dix-huit apparitions, deux seulement ont eu lieu après Pâques. « Les apparitions de Lourdes comme le Carême nous posent la même question, celle de l'espérance à laquelle notre pape a consacré sa deuxième encyclique (spe salvi) : où plaçons-nous notre espérance ? A quoi sommes-nous prêts pour entrer dans la grande espérance ? » s'interroge Mgr Perrier. Le 11 février c'est la fête de Notre-Dame de Lourdes et le pape Jean Paul II lui a donné un relief particulier en instituant ce jour-là la Journée mondiale du malade. C'est donc un des moments importants de l'année jubilaire. Mais Mgr Perrier, au-delà des trois ou quatre événements clefs prévus tout long de l'année, tient à ce que cette année jubilaire soit considérée dans son ensemble. « Mon souhait pour ce jubilé est de montrer la place des sanctuaires dans l'évangélisation aujourd'hui », souligne-t-il dans son homélie mais également dans cet entretien accordé à ZENIT. Zenit – En cette année particulièrement importante pour votre diocèse, Mgr Perrier, quel est votre message à tous ces fidèles et pèlerins ?Mgr Perrier – S'ils viennent à Lourdes ils seront bien reçus et on leur proposera quelque chose de simple qui est de faire le chemin du Jubilé qui parcourt 4 lieux : le baptistère où a été baptisée Bernadette, le cachot, car c'est un lieu typiquement évangélique, évidemment les sanctuaires eux-mêmes et l'oratoire où Bernadette a fait sa première communion. Donc le message est de montrer que le phénomène des apparitions se situe dans une vie chrétienne qui est la vie chrétienne de Bernadette et la vie chrétienne de la paroisse de Lourdes. Donc il faut essayer de replacer la démarche du pèlerinage qui est une démarche actuellement en vogue dans une vie chrétienne ordinaire, l'Eucharistie, même s'il y a moins de prêtres aujourd'hui qu'autrefois. Ceux qui viendront pourront faire ce chemin. Le message de Lourdes n'est pas essentiellement dans des paroles mais c'est un ensemble d'actes, de paroles, de gestes, pour entrer dans l'esprit des apparitions par cette démarche à travers les 4 points de la ville et des sanctuaires.Et pour tous ceux qui ne peuvent pas venir, il y a des moyens de s'associer de loin (avec internet notamment). On a inventé une retraite, une neuvaine plus exactement, pour s'associer au chemin du jubilé, parce que l'on tient beaucoup à ce que des gens puissent vivre de l'esprit du Jubilé alors qu'ils n'ont pas la possibilité physique, au point de vue temps, au point de vue financier, de venir.Zenit – Cette année jubilaire est une occasion de marcher sur les traces de Bernadette Soubirous et de redécouvrir le message que la Vierge nous a transmis à travers elle. Pouvez-vous nous rappeler le contenu de ce message et nous dire ce qu'il en est aujourd'hui. Mgr Perrier – Il y a plusieurs aspects dans ce message. Il y a un aspect proprement évangélique et constant, c'est-à-dire que Dieu choisit les humbles et les petits, puisque Bernadette était entre autre, inculte. Elle était intelligente mais inculte. Elle ne savait ni lire ni écrire, elle n'allait pas au catéchisme, et elle était d'une famille ruinée. Et puis il y a l'aspect de la prière : tous les épisodes des apparitions se passent intégralement dans le cadre de la prière. Il y a l'aspect de la confidence aussi, c'est-à-dire qu'elles se parlent, et parfois même elles ne se parlent pas. La rencontre se fait dans le silence, 18 fois. Et donc il y a cette espèce de connivence, de familiarité réciproque entre Bernadette et la Dame. Et il en est resté quelque chose. Les gens n'ont pas peur à Lourdes. C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a tant de monde. Elle apparaît comme quelqu'un qui peut tout entendre et tout recevoir. Et il y a un aspect de pénitence qu'il ne faut pas oublier. Cet aspect-là n'est ni au début des apparitions, ni à la fin, mais est milieu. Cinq des apparitions sont quand même très centrées sur la pénitence et c'est dans ce temps de la pénitence qu'est découverte la source qui est aujourd'hui si fortement associée à Lourdes, puisque la diffusion de Lourdes à travers le monde s'est faite tout de suite. Et puis il y a le nom. Finalement la Vierge veut bien dire son nom : elle finit par dire je suis l'Immaculée conception. Donc cette pureté totale, cette innocence totale, cette intégrité parfaite de la liberté. Comme vous le voyez, il y a beaucoup d'aspects dans ce message. Et justement parce qu'il y en a beaucoup chacun peut y trouver quelque chose. En tout cas, ce n'est pas un message qui peut se résumer uniquement dans les quelques paroles qui ont été répétées. Le message comporte tout autant les gestes, les attitudes, le temps passé. C'est tout ça le message. C'est comme pour l'Evangile : ce ne sont pas seulement les paroles d'évangile que le Christ a prononcées, c'est l'ensemble de la vie du Christ dont les évangiles nous témoignent. Zenit – Quelles sont, par rapport à jadis, les attentes des fidèles et des pèlerins qui viennent à Lourdes ?Mgr Perrier – Il y a deux réponses à ça. La première, c'est qu'on n'en sait rien parce que justement on ne demande pas aux gens ce qu'ils veulent. Ils ne sont pas pressurés de questions, ils ne sont pas soumis à des sondages, ils n'ont pas de questionnaires à remplir. On ne leur dit pas si vous voulez telle chose prenez la file de gauche, si vous voulez autre chose, prenez la file de droite. Il y a une grande liberté spirituelle qui est laissée à chacun. Donc, de ce côté-là, il n'y a pas d'enquête d'opinion, nous n'avons pas une cible comme les gens qui font du marketing. Concernant les motivations des gens, on pourrait tout autant parier sur une certaine constance que parier sur un grand renouveau. Les deux thèses pourraient se plaider. Moi je ne suis pas sûr que les motivations d'aujourd'hui soient aussi éloignées de celles d'il y a un siècle, comme on pourrait le penser. Tout a changé dans le monde, mais je ne suis pas sûr qu'au plus profond le cœur de l'homme ait à ce point changé, car finalement on s'aperçoit que ce sont les mêmes symboles qui sont porteurs pour les gens : c'est le rocher, c'est la grotte, c'est l'eau, c'est la lumière. C'était comme ça il y a 150 ans. Ce qui veut donc dire que tout cela va rejoindre des zones profondes de l'être humain. Zenit – Que la figure du pratiquant ait aujourd'hui changé, que sa manière d'agir semble s'être transformée en un impératif intérieur plus personnel, influe-t-il sur le comportement même des pèlerins ou des fidèles dans leur manière de montrer aujourd'hui leur attachement à Lourdes ? Mgr Perrier – Le pèlerinage dans le christianisme n'a jamais été une obligation donc on n'est pas soumis au dédain de nos générations pour ce qui est obligatoire. Je pense que cela a toujours fait l'objet d'un véritable volontariat. Alors je crois qu'aujourd'hui cela correspond bien : tous les lieux de pèlerinage, tous les lieux de sanctuaire, dans toutes les religions, se portent très bien à l'heure actuelle.C'est à la fois bien et pas bien. C'est bien parce que cela permet tout de même à cette dimension spirituelle de l'être humain de se manifester, de ne pas être totalement réprimée. Les régimes totalitaires ont toujours cherché à empêcher les lieux de pèlerinage. Autour de Czestochowa, sous le régime communiste, il était impossible de trouver une pancarte disant où c'était. Donc, c'est bien que cela existe mais cela n'est pas suffisant car on ne peut pas bâtir une vie chrétienne, sans parler d'une vie militante ou engagée, uniquement sur le fait d'aller fréquenter un lieu de pèlerinage d'une fois tous les x années. Mais c'est mieux que rien. Donc les pèlerinages et les sanctuaires tiennent une place aujourd'hui reconnue dans l'évangélisation. Zenit – Le pèlerinage a longtemps été vu de l'extérieur comme une quête de guérison miraculeuse. Pensez-vous que cela soit encore le cas aujourd'hui ?Mgr Perrier – Je crois que personne ne vient d'emblée pour cela. Certainement dans l'histoire de Lourdes, cela a tenu une place importante. Mais je crois qu'aujourd'hui on parlera de guérison un peu dans tous les sens de ce mot. Cela peut être la guérison d'une relation, une guérison plus psychologique, une guérison physique, une guérison intérieure. Et puis il y a la réconciliation. Donc, c'est assez ouvert. Le mot guérison maintenant a une amplitude plus que seulement physique. Zenit – L'année dernière, Mgr Perrier, vous avez jugé nécessaire de faire un point sur la question des guérisons et miracles liés à Lourdes, définissant de nouvelles approches des guérisons. Pourquoi cette nécessité ?Mgr Perrier – Parce que la médecine a tellement changé que l'application des critères traditionnels devient très difficile. On est entré dans une ère du probabilisme. On vous dira que oui il y a de très grandes chances que cette personne ait bien eu telle maladie et qu'elle avait effectivement très peu de chances de guérir. Mais on vous dira rarement à 100% qu'on est absolument certain que cette personne avait telle maladie et que c'est absolument certain qu'elle serait morte trois jours après. Le médecin d'aujourd'hui parlera de pronostic de vie. Or les critères obligent normalement à dire de façon formelle et absolue ‘oui elle avait telle maladie et elle était totalement incurable'. Aujourd'hui on ne parlera plus comme cela. Donc, ce n'est pas que la théologie ait changé, mais c'est la médecine qui a changé. Zenit – Est-ce que vous recevez aujourd'hui encore beaucoup de demandes de reconnaissance de guérisons miraculeuses ?Mgr Perrier – Il se présente chaque année environ une quarantaine de cas au bureau médical mais on sait que c'est une très très faible proportion des gens qui, en fait, ont bénéficié d'une guérison, d'une grâce. Car beaucoup de gens ne savent pas que la procédure existe. Et parmi ceux qui le savent, beaucoup ne tiennent pas se présenter. Entrer dans la procédure de reconnaissance est un tel casse-tête qu'évidemment ils n'ont pas très envie de commencer. Il faut savoir que c'est aussi compliqué qu'un procès. C'est d'ailleurs un procès d'une certaine façon. Par contre, on reçoit d'innombrables témoignages très anciens, de choses qui se sont passées il y a 50 ans.Lourdes a eu un rayonnement mondial presque depuis le départ. Cela continue, alors servons-nous des moyens d'aujourd'hui pour que les gens puissent s'associer à notre action de grâce.Propos recueillis par Isabelle Cousturié Entretien avec Mgr Perrier
ROME, Lundi 11 février 2008 (ZENIT.org)