Des centaines de chrétiens ont ainsi manifesté hier à Karachi, Faisalabad, Lahore et Peshawar pour demander des mesures de protection. Dans la capitale Islamabad, plus de 600 manifestants ont bloqué une grande artère pendant plusieurs heures à l’heure de pointe, provoquant d’importants embouteillages, a constaté un journaliste de l’AFP. Quelque 200 personnes se sont rassemblées à Peshawar et une centaine devant l’église de Tous-les-Saints pour réclamer justice. Ils ont violemment critiqué l’homme politique et ancienne star du cricket Imran Khann, dont le parti, le Mouvement du Pakistan pour la justice, est à la tête du gouvernement de la province.
Selon un ancien ministre pakistanais chargé des questions œcuméniques, Paul Bhatti, il s’agit de l’attaque la plus meurtrière visant la minorité chrétienne du pays. « Les chrétiens ne sont pas les seuls visés par l’attaque, tout le Pakistan est victime du terrorisme », a déclaré M. Bhatti, aujourd’hui président de l’Alliance de toutes les minorités du Pakistan (APMA). Les écoles chrétiennes resteront fermées pendant trois jours, a-t-il précisé.
La Junood ul-Hifsa, une faction du Mouvement des talibans pakistanais, a dit au téléphone être l’auteur du double attentat. « Nous continuerons à frapper des étrangers et des non-musulmans jusqu’à ce que les attaques de drones s’arrêtent », a déclaré Ahmad Marwat, un porte-parole de ce groupe.
Mais le principal porte-parole du TTP a démenti une action de son mouvement. « Nous n’avons pas fait cela, nous ne nous attaquons pas à des innocents », a assuré Shahidullah Shahid par téléphone d’un lieu non dévoilé. « C’est une tentative de saboter l’atmosphère pour les pourparlers de paix », a-t-il ajouté.
« Un attentat contraire aux préceptes de l’islam »
En effet, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, dont le gouvernement a récemment proposé des négociations de paix au TTP, a condamné un attentat « contraire aux préceptes de l’islam ». Depuis Londres, il a indiqué que son gouvernement « ne pouvait pas poursuivre le processus » des pourparlers après cet attentat contre une église.
Un haut responsable de la police de Peshawar, Najeeb-ur-Rehman, a assuré pour sa part que la sécurité autour des églises de la ville serait renforcée. Les rescapés du double attentat redoutent cependant de nouvelles violences. « Nous avions de très bonnes relations avec les musulmans, il n’y avait pas de tensions avant les explosions, mais nous craignons maintenant que ce soit le début d’une vague de violences contre les chrétiens », a témoigné Danish Yunas, un chauffeur chrétien blessé dans les explosions.
À la fin d’une visite pastorale en Sardaigne (Italie), le pape François a de son côté dénoncé « le mauvais choix, un choix de haine et de guerre », tandis qu’au Pakistan, le Conseil des ulémas a fustigé cet acte « honteux ». La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, s’est pour sa part déclarée « horrifiée » par cet attentat et a appelé Islamabad à agir avec davantage de fermeté pour prévenir la répétition de tels actes. Elle a conclu en encourageant « tous les Pakistanais à se rassembler pour promouvoir la tolérance ».
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