ont été sauvées des décombres et Benoît XVI a déposé là le pallium qui lui a été remis le jour de son intronisation, le 24 avril 2005, sous les applaudissements.
Ce geste symbolique prend une force extraordinaire en ce 11 février où Benoît XVI annonce sa démission : Célestin V avait lui, démissionné le 13 décembre 1294, quelque 5 mois après son élection, moine redevenant moine.
Il a fait allusion à ce geste un an plus tard, le 4 juillet 2012, lorsqu’il s’est rendu dans la région, à Sulmona pour le « pardon de Célestin V ». Dans son homélie, il a dit : « Je me suis moi-même rendu dans cette basilique, en avril de l’année dernière, après le tremblement de terre qui a dévasté la région, pour vénérer le reliquaire contenant sa dépouille et laisser le pallium reçu le jour du début de mon pontificat ».
Et voici comment il jugeait le pontificat de Célestin V : « Huit cents ans se sont écoulés depuis la naissance de saint Pierre Célestin V, mais il reste présent dans l’histoire en raison des célèbres événements de son époque et de son pontificat et, surtout, de sa sainteté. En effet, la sainteté ne perd jamais sa force d’attraction, elle ne tombe pas dans l’oubli, elle ne passe jamais de mode, au contraire, avec le passage du temps elle resplendit d’une luminosité toujours plus grande, exprimant la tension éternelle de l’homme vers Dieu ».
Plus encore, le pape a voulu tirer « plusieurs enseignements de la vie » du saint pape qui sont « valables également à notre époque ».
Tout d’abord, il voit en lui un «chercheur de Dieu», « un homme souhaitant trouver des réponses aux grandes interrogations de notre existence: qui suis-je, d’où est-ce que je viens, pourquoi est-ce que je vis, pour qui est-ce que je vis? Il se met en route à la recherche de la vérité et du bonheur, il se met à la recherche de Dieu et, pour écouter sa voix, il décide de se séparer du monde et de vivre en ermite. Le silence devient ainsi l’élément qui caractérise sa vie quotidienne. Et c’est précisément dans le silence extérieur, mais surtout dans celui intérieur, qu’il réussit à percevoir la voix de Dieu, capable d’orienter sa vie ».
Le pape en tire ce premier enseignement pour aujourd’hui, l’appel au silence, en disant: « Nous vivons dans une société où chaque espace, chaque moment semble devoir être «rempli» par des initiatives, des activités, des sons; nous n’avons souvent même pas le temps d’écouter et de dialoguer. Chers frères et sœurs! N’ayons pas peur de faire le silence en nous et à l’extérieur de nous, si nous voulons être capables non seulement de percevoir la voix de Dieu, mais également la voix de ceux qui sont à nos côtés, la voix des autres ».
Deuxième enseignement: la découverte du Seigneur que fait le futur pape « n’est pas le résultat d’un effort, mais elle est rendue possible par la grâce de Dieu lui-même, qui le prévient ».
Le pape actualise cet enseignement en soulignant que tout est don : « Ce qu’il avait, ce qu’il était, ne venait pas de lui: cela lui avait été donné, il s’agissait de la grâce, et il s’agissait donc également d’une responsabilité devant Dieu et devant les autres. Bien que notre vie moderne soit très différente, ceci vaut aussi pour nous: tout l’essentiel de notre existence nous a été donné sans notre contribution. Le fait que je vive ne dépend pas de moi; le fait que des personnes m’aient introduit dans la vie, m’aient enseigné ce que signifie aimer et être aimé, m’aient transmis la foi et m’aient ouvert les yeux à Dieu: tout cela est une grâce et n’est pas «fait par moi». Seuls nous n’aurions rien pu faire si cela ne nous avait pas été donné: Dieu nous précède toujours et dans chaque vie il existe du beau et du bon que nous pouvons reconnaître facilement comme sa grâce, comme un rayon de lumière de sa bonté ».
D’où cette conséquence : « Nous devons être attentifs, garder toujours ouverts les «yeux intérieurs», ceux de notre cœur. Et si nous apprenons à connaître Dieu dans sa bonté infinie, alors nous serons également capables de voir, avec étonnement, dans notre vie — comme les saints — les signes de ce Dieu qui est toujours proche de nous, qui est toujours bon avec nous, qui nous dit: «Aie foi en moi!». »
Une autre conséquence, la sauvegarde de la Création : « Je vous encourage dans cet effort, en exhortant chacun à se sentir responsable de son propre avenir, ainsi que de celui des autres, également en respectant et en sauvegardant la création, fruit et signe de l’Amour de Dieu ».
Surtout, le pape insistait sur la place de la Croix dans la vie du pape Célestin V : « La Croix constitua véritablement le centre de sa vie, elle lui donna la force pour affronter les dures pénitences et les moments les plus difficiles, de sa jeunesse à sa dernière heure: il fut toujours conscient que le salut vient de celle-ci. La Croix donna également à saint Pierre-Célestin une claire conscience du péché, toujours accompagnée par une tout aussi claire conscience de l’infinie miséricorde de Dieu envers sa créature. En voyant les bras grands ouverts de son Dieu crucifié, il s’est senti conduit dans l’océan infini de l’amour de Dieu ».
Voilà la fécondité de son sacerdoce : « En tant que prêtre, il a fait l’expérience de la beauté d’être l’administrateur de cette miséricorde, en donnant l’absolution des péchés aux pénitents, et, lorsqu’il fut élu sur le Siège de l’Apôtre Pierre, il voulut accorder une indulgence particulière, appelée «Le Pardon». Je désire exhorter les prêtres à devenir des témoins clairs et crédibles de la bonne nouvelle de la réconciliation avec Dieu, en aidant l’homme d’aujourd’hui à retrouver le sens du péché et du pardon de Dieu ».
Troisième élément souligné par Benoît XVI, la « fécondité pastorale » du pape démissionnaire : « Saint Pierre-Célestin, bien que conduisant une vie d’ermite, n’était pas «fermé sur lui-même», mais il était pris par la passion d’apporter la bonne nouvelle de l’Evangile à ses frères. Et le secret de sa fécondité pastorale se trouvait précisément dans le fait de «demeurer» avec le Seigneur, dans la prière, comme cela nous a été rappelé également dans le passage évangélique d’aujourd’hui: le premier impératif est toujours celui de prier le Seigneur de la moisson».
« Et c’est seulement après cette invitation, soulignait Benoît XVI, que Jésus définit certains engagements essentiels des disciples: l’annonce sereine, claire et courageuse du message évangélique — même dans les moments de persécution — sans céder ni à l’attrait des modes, ni à celui de la violence ou de l’imposition; le détachement des préoccupations pour les biens matériels — l’argent et les vêtements — en se confiant à la Providence du Père; l’attention et le soin particulier à l’égard des maladies du corps et de l’esprit ».
Il y voit les caractéristiques d’un pontificat qui ressemble au sien : « Ce furent également les caractéristiques du pontificat, bref et tourmenté, de Célestin V et telles sont les caractéristiques de l’activité missionnaire de l’Eglise à chaque époque ».
Un geste, à L’Aquila, en 2009 et une méditation, à Sulmona, en 2010 qui font percevoir quelque chose du pontificat que Benoît XVI décide d’achever le 28 février prochain.
Quelle place aura un pape « émérite » ? Comme Célestin, dans les pas monastiques de saint Benoît ?
On en peut pas penser que Benoît XVI fuie sa tâche – on pense au « laborem non recuso » de saint Paul. Mais il a vécu de près les dernières années du pontificat de Jean-Paul II, et tout en sachant la fécondité de la souffrance, il sait aussi que l’Eglise a besoin d’être gouvernée. Et l’humble serviteur a vu ses forces diminuer : il le reconnaît dans une déclaration historique, en date de dimanche 10 février, publiée ce matin : "Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié".
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