Pour le Père Bergoglio, « il faut soigner le malade, même lorsqu’il inspire de la répulsion ». « Cela me fait horreur d’aller dans les prisons, a-t-il raconté, parce que ce que l’on y voit est très dur, mais j’y vais quand même parce que le Seigneur désire que je sois en contact avec ceux qui sont dans le besoin, les pauvres, les personnes qui souffrent ».
On sait que Bergoglio avait l’habitude d’aller dans les quartiers les plus mal famés de Buenos Aires et qu’il a réussi à y faire émerger des vocations.
Lorsqu’il a rencontré les jeunes détenus le Jeudi saint, 28 mars, il a souligné que, en faisant le geste de laver les pieds des autres, le Seigneur qui est le plus important, celui qui est le plus élevé, nous montre que le devoir des plus grands est de servir les plus petits.
« S’aider mutuellement, a poursuivi le pape François, voilà ce que Jésus nous enseigne et c’est cela que je suis venu faire. Je le fais avec mon cœur parce que c’est mon devoir. En tant que prêtre et évêque, je dois être à votre service. Je vous aime, et j’aime faire cela parce que c’est ce que m’a enseigné le Seigneur, mais vous aussi, aidez-vous toujours les uns les autres et, en nous aidant ainsi, nous nous faisons du bien mutuellement. »
Le pape a une idée très claire de ce que signifie servir. Aux 132 chefs d’État et princes régnants qui sont venus à Rome pour la messe d’inauguration du pontificat, il a expliqué que « le vrai pouvoir est le service ». « N’oublions jamais, a-t-il souligné, que le vrai pouvoir est le service et que le pape aussi, pour exercer le pouvoir, doit entrer toujours plus dans ce service dont le sommet lumineux est la Croix. »
Avant de recevoir les représentants de trente Églises chrétiennes, il a fait supprimer le trône et l’a remplacé par un simple siège. Il les a reçus en tant qu’évêque de Rome et s’est présenté comme « serviteur des serviteurs ».
Toute sa vie, le Père Bergoglio a lutté contre lui-même pour être proche de Jésus. Il l’a cherché dans le visage des pauvres, des malades, des pécheurs, des détenus, de ceux qui sont loin ou désespérés. En rencontrant la souffrance, la douleur, le désespoir, la Croix, le Père Bergoglio revit la passion de Jésus ; en contemplant et en soignant les blessures, il croit – et il l’espère – que le sang du Christ continue de laver tous les péchés. C’est comme une Eucharistie vécue quotidiennement à travers le soin compatissant des corps et des âmes.
Le 7 avril, Journée de la miséricorde, il expliquait à ce sujet : « Dans ma vie personnelle, j’ai vu tant de fois le visage miséricordieux de Dieu et sa patience ; j’ai vu aussi tant de personnes qui avaient le courage d’entrer dans les plaies de Jésus en lui disant : Seigneur, je suis là, accepte ma pauvreté, cache mon péché dans tes plaies, lave-le par ton sang. Et j’ai toujours vu que Dieu le faisait, il écoutait, consolait, lavait, aimait. »
Lors de sa rencontre avec le collège des cardinaux, le 15 mars, le pape François leur a adressé une invitation à « ne jamais céder au pessimisme »: « Ne cédons jamais au pessimisme et au découragement, à cette amertume que le diable nous offre chaque jour », a-t-il insisté : « ayons la ferme assurance que l’Esprit-Saint continue d’agir et cherchons de nouvelles méthodes pour annoncer l’Évangile. »
L’humilité et la miséricorde
L’humilité est une des paroles fréquemment utilisées par le pape François et dont il témoigne. Dans un essai publié par la maison d’édition EMI et intitulé « Umiltà, la strada verso Dio » (« Humilité, la route qui mène à Dieu »), Jorge Mario Bergoglio a écrit : « C’est le Christ qui nous permet d’accéder à notre frère si nous nous abaissons ». Pour le pape François, « notre chemin sur la route du Seigneur implique d’assumer l’abaissement de la Croix. S’accuser, c’est assumer le rôle du coupable, comme l’a assumé le Seigneur en se chargeant de nos fautes », par conséquent « c’est le Christ lui-même qui permet d’accéder à notre frère à partir de notre abaissement ».
Le commentaire de l’archevêque de Buenos Aires s’inspire de certaines pensées de Dorothée de Gaza. Cet abbé, moine et ermite du VIème siècle écrivait en effet : « Crois que tout ce qui nous arrive, même les plus petites choses, vient de la providence de Dieu et tu supporteras sans impatience tout ce qui adviendra. (…) Crois que le mépris et les offenses sont des remèdes à l’orgueil de ton âme et prie pour ceux qui te traitent mal, en les considérant comme de véritables médecins ».
Et encore : « Ne cherche pas à connaître le mal qui est dans ton prochain et n’alimente pas de soupçons à son sujet. Et si notre malice en fait naître, cherche à les transformer en pensées bienveillantes ».
On raconte que Abba Zossima, un des maîtres de Dorothée de Gaza, disait qu’il faut penser à celui qui fait du mal « comme à un médecin envoyé par le Christ », « un bienfaiteur », parce que « tout est un appel à la conversion, à rentrer en soi-même et à découvrir la solidarité avec les pécheurs ».
La question de la morale
Comme beaucoup l’ont remarqué, la véritable nouveauté du pape François se trouve davantage au niveau du comportement qu’au plan doctrinal : « La première réforme, dit-il, doit être celle du comportement. Les ministres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de marcher avec elles dans la nuit, de dialoguer et même de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. Le peuple de Dieu veut des pasteurs et non des fonctionnaires ou des employés de l’État ».
« Je rêve, a-t-il ajouté, d’une Église qui soit mère et pasteur. Les ministres de l’Église doivent être miséricordieux, prendre en charge les personnes en les accompagnant comme le Bon Samaritain qui lave, nettoie, soulage son prochain. Cela, c’est l’Évangile pur. Dieu est plus grand que le péché. Les réformes d’organisation et de structures sont secondes, ce qui veut dire qu’elles viennent après. »
Il est vrai que certains se sentent orphelins de Benoît XVI et de Jean-Paul II, et disent qu’ils ne se retrouvent pas dans les paroles du pape François, surtout en matière de morale.
Et pourtant, lorsqu’il était archevêque, le Père Bergoglio a toujours été attaché et fidèle à la doctrine.
Sur l’accueil des personnes divorcées, sur la pratique de l’homosexualité, sur les personnes qui ont choisi une interruption volontaire de grossesse, sur le célibat, etc. le pape François n’apporte aucune nouveauté doctrinale ; il est extrêmement fidèle à ce qui est écrit dans le Catéchisme de l’Église catholique.
Il s’en est expliqué dans l’interview à « La Civiltà Cattolica » : « Nous ne pouvons pas insister uniquement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation des méthodes contraceptives. Cela n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces questions et on me l’a reproché. Mais quand on en parle, il faut en parler dans un contexte. La pensée de l’Église, de toutes façons, on la connaît et je suis un fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler sans cesse. »
« Je vois clairement que ce dont l’Église a le plus besoin aujourd’hui, c’est de la capacité à soigner les blessures et à réchauffer le cœur des fidèles, de la proximité, du contact. Je vois l’Église comme un hôpital sur un champ de bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol et si son taux de sucre est élevé ! Il faut soigner ses blessures. Ensuite, nous pourrons parler de tout le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Et il faut commencer en partant d’en bas. »
À l’Angelus du 7 avril, le pape a rappelé les paroles de Jésus : « Pierre, n’aie pas peur de ta faiblesse, aie confiance en moi » ; et Pierre comprend, il sent le regard d’amour de Jésus et il pleure. Comme il est beau, ce regard de Jésus, quelle tendresse ! Frères et sœurs, ne perdons jamais confiance en la patiente miséricorde de Dieu ! ».
Traduction Hélène Ginabat
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