Ils sont 12 acteurs, jeunes et talentueux. Ils ont en commun leur amour de l’art et du théâtre. Ils ont voulu partager leur passion avec les gens, dans la rue, leur faire vivre l’émotion sentie par les… gens du théâtre.
Spontanément, sans aucun préjugé, ils sont allés vers eux leur offrant, l’espace d’un moment, un spectacle différent dans ce lieu commun à tous, basé sur l’improvisation et l’interaction du public.
« Tout a commencé un peu par curiosité. L’envie d’expérimenter un jeu improvisé devant un public choisi au hasard, raconte Lucien Bourgeily, acteur et directeur de la troupe de théâtre Lebanese Street Performance. Pour notre premier spectacle, nous avons choisi Ain el-Mreisseh, lieu où les gens de différentes cultures et classes sociales se côtoient face à cette mer, pour vaquer et s’adonner à leurs occupations. Nous avons voulu briser la barrière existant dans un théâtre classique entre l’acteur et son public. Avec nous, le public est autant acteur que spectateur. Il participe et intervient au jeu et à l’émotion. »
L’originalité d’un théâtre de rue, c’est l’improvisation du lieu, du moment et du public. «Un théâtre de rue ne peut pas être préparé à l’avance, explique Bourgeily . Nous allons vers les gens au moment où ils s’y attendent le moins, dans cette rue qu’ils fréquentent tous les jours. À partir d’un thème choisi par la troupe, jalousie, compréhension…, nous créons la pièce qui se développe au rythme des réactions et répliques spontanées du public. Lorsque nous sentons que les gens ne réagissent pas, nous les secouons par un mouvement, un regard, une parole. Immédiatement le dialogue reprend. »
C’est cette interaction entre les acteurs et le public qui différencie le théâtre classique de celui des rues. « Là, il n’y a plus de barrière, explique Bourgeily. Nous sentons les réactions du public, et lui vit l’émotion des acteurs. Dans le théâtre de rue, le spectateur ajoute un plus à chaque pièce, alors qu’au théâtre classique, c’est un spectateur passif qui reçoit sans rien donner. »
« Make art not war »
La rue, qui a été le théâtre des pires affrontements ces derniers mois, a poussé ces acteurs à investir la chaussée et manifester à leur façon.
« Nous avons voulu prouver aux gens que cette rue pouvait être aussi un lieu d’art, de culture et de divertissements, raconte Lucien Bourgeily. En mai, alors que les affrontements faisaient rage dans une partie de la ville, nous avons choisi les escaliers de Gemmayzé pour improviser une pièce. Nous avons voulu lancer un message de paix, à notre façon, montrer que cette rue est porteuse d’un autre message que la haine et que le Liban peut être aussi symbole de paix et de culture. Mais cela, les médias ne l’ont pas couvert ce jour-là, ils n’ont montré que la face violente de cette rue. »
Depuis, ces « troubadours du théâtre » s’en vont à l’assaut de la ville, choisissant des rues différentes pour partager et faire vivre au public leur passion de l’art, du théâtre et de la culture. Ils seront présents au Festival du rire de
Hammana.
Les acteurs
Yusra Shaar, Raffi Féghali, Nazha Harb, Youssef Khawaja, Nayla Hajjar, Charbel Naïm, Alexandre Génadri, Sandra Noujaïm, Sara Abou Rjeily, Garen Darakjian, Sabine Ojeil, Maya Sébaaly, Tania Naïm.
Lamia DAROUNI- L'Orient Le Jour 19.07.2008