Hier, mardi 27 décembre, les autorités du village de Huey, situé dans le district d’Adsaphangthong (ad-sapanthong) de la province de Savannakhet, ont refusé l’enterrement d’une chrétienne, décédée le 25 décembre dernier.
Le conseil du village – formé du chef, du responsable des ‘affaires religieuses’ et du dirigeant de la milice locale – a interdit à la famille de la défunte de procéder à une inhumation selon les rites chrétiens dans le village.
Sous la pression des autorités du village, mais également par crainte d’une aggravation de la décomposition du corps, la famille a finalement accepté à contre-coeur que soit pratiqué un rituel funéraire bouddhiste. Mais au moment d’entamer la cérémonie, le moine bouddhiste chargé d’officier a refusé d’effectuer les rituels pour une personne ayant été de confession chrétienne, rapporte l’organisation Human Rights Watch for Lao Religious Freedom (HRWLRF).
A Huey vivent huit familles chrétiennes, soit plus d’une quarantaine de personnes. Aucune n’a pu fléchir la décision du conseil de village et le corps de la défunte est actuellement sans sépulture.
Ce dernier incident survient seulement quelques jours après que quatre familles chrétiennes protestantes – soit près d’une cinquantaine de personnes – , aient été sommées par les responsables de leur village, toujours dans la province de Savannakhet, d’abandonner leurs pratiques chrétiennes sous peine de bannissement immédiat.
Le 21 décembre dernier, les représentants des familles de confession chrétienne du village de Natoo, dans le district de Palansai (Phalansay), ont été convoqués par le conseil de village. Il leur a alors été signifié qu’ils devaient « renoncer à toutes les croyances et pratiques liées à leur foi chrétienne [s’ils] voulaient continuer à vivre dans la communauté », faute de quoi ils devraient quitter le village dès le lendemain matin. Le responsable de la communauté chrétienne s’est rendu à la police locale afin de porter plainte contre cette violation des libertés religieuses inscrites dans la constitution du pays. Mais depuis, aucune information n’a filtré concernant le sort de cette communauté de 47 personnes – dont plusieurs femmes et enfants – menacée d'expulsion comme ce fut le cas les années précédentes pour d'autres familles chrétiennes bannies de leur village au même moment crucial des fêtes de Noël (1).
A 5 km de Natoo, le village de Boukham a quant à lui assisté à l'arrestation de huit responsables d’une communauté chrétienne de près de 200 personnes, dimanche 16 décembre alors qu’elle célébrait Noël (2), avec l’autorisation des responsables locaux. C’est le conseil de village, une fois encore, qui avait fait procéder à l’arrestation puis l'emprisonnement des chrétiens, au prétexte que la célébration de leur culte offensait les esprits tutélaires du village (3).
Si la caution de l’un des huit chrétiens (fixée à une centaine d’euros, une somme exorbitante pour le pays), a pu être payée par la Lao Evangelical Church, seul organe protestant reconnu officiellement par l’Etat, les autres sont toujours en détention, les mains et les pieds emprisonnés dans des carcans en bois.
Le mouvement lao pour la liberté religieuse (LMDH) ainsi qu’un regroupement de différentes ONG laotiennes et h’mongs (4) ont publié le 25 décembre dernier, un communiqué adressé au gouvernement du Laos, lui demandant de respecter ses engagements auprès des Nations Unies, et de cesser de violer les droits de l’homme inscrits dans sa propre constitution.
Dans cette déclaration intitulée « Joyeux Noël aux chrétiens menacés, intimidés et arrêtés au Laos », les ONG ont exprimé « leurs profondes inquiétudes concernant le sort des chrétiens en République populaire Lao (RDPL) qui sont victimes de menaces, d’arrestations et ces derniers jours, les cibles d’une campagne d’intimidation destinée à les empêcher de fêter Noël (…), jour de joie, d'amour et d'espérance pour la chrétienté du monde entier».
Le communiqué conclut sur la nécessité de libérer immédiatement et sans conditions tous les prisonniers détenus en raison de leur foi ou de leur opinion, et de stopper défintivement toute forme de répression religieuse dans le pays.
La communauté chrétienne représente aujourd'hui un peu plus d’1 % de la population du Laos, bouddhiste dans son écrasante majorité. Les articles 6 et 30 de la Constitution de la République démocratique populaire du Laos garantissent la liberté de religion, mais dans les faits et en dépit de l’ouverture croissante du pays aux échanges internationaux, celle-ci demeure restreinte. Les minorités ethniques récemment converties au christianisme sont également l’objet de campagnes de répression récurrentes.
(1) Le 23 décembre 2010, une dizaine de familles chrétiennes étaient expulsées manu militari de leur village de Katin (province de Sarawane) par le conseil de village, pour avoir refusé de renier leur foi. Sans vivres ni biens personnels, elles avaient dû rejoindre d'autres chrétiens de Katin, bannis eux aussi un an auparavant, vivant depuis dans des huttes à la lisière de la jungle, hors des terres du village. Voir EDA 524 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/laos/une-cinquantaine-de-chretiens-sont-arretes-par-les-autorites-pour-avoir-refuse-de-renoncer-a-leur-foi?SearchableText=
(2) Les « Eglises domestiques » peuvent fêter Noël selon un calendrier approuvé par par l’Eglise évangélique laotienne, organisme d’Etat, entre le 5 décembre et le 15 janvier. N’étant pas officiellement reconnues, ces communautés choisissent généralement une autre date que le 25 Décembre, afin de rester discrètes vis-à-vis des des autorités.
(3) Il y a un an, des arrestations lors de célébrations de Noël, qui avaient pourtant été autorisées par les responsables locaux, avaient également été menées par des conseils de village, au motif de protéger la culture lao et le culte des esprits. Le 4 janvier 2011, onze chrétiens dont de jeunes enfants, avaient été arrêtés par la police du village de Nakoo(province de Khammouane), alors qu’ils s’apprêtaient à célébrer Noël. A ce jour, le Rév. Wanna et le pasteur Yohan sont toujours emprisonnés pour 'crime contre l’Etat.' Voir EDA 543 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/laos/nouvelles-arrestations-et-expulsions-de-chretiens-pendant-la-periode-de-noel
(4) Center for Public Policy and Analysis (CPPA), Hmong Advancement, Hmong Advance, United League for Democracy in Laos, United Lao for Human Rights and Democrac , Laos Institute for Democracy, Laos Students for Democracy, Lao Veterans of America. Cf http://www.centerforpublicpolicyanalysis.org ; HRWLRF, communiqués du 21 et 27 décembre 2011