déplore Mgr Pontier qui plaide pour l’intégration des enfants d’immigrés par la scolarisation, des adultes par un logement et un travail. Il ajoute que la société ne se « grandit pas » par le « refus de solidarité et de fraternité ». Il invite à des choix « humanisants ».
Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France, a en effet prononcé le discours d’ouverture de l’assemblée d’automne des évêques de France, aux sanctuaires de Lourdes, ce 5 novembre, à 9h.
Un discours placé sous le signe de la Toussaint et du récit des Béatitudes, « un chemin qui mène au bonheur, à travers des choix de vie humanisants, sources de plénitude pour ceux qui les empruntent » : « le visage du Christ nous est apparu, du Christ pauvre de cœur, pur, doux, compatissant, assoiffé de justice, miséricordieux, artisan de paix, persécuté par ceux dont l’horizon du bonheur demeurait replié sur eux-mêmes et borné par leurs peurs ».
Insuffisance de moyens
« Que les Béatitudes proclamées et vécues par Jésus soient notre source d'inspiration. Le suivre et l'annoncer à tous sont notre désir. Nous savons bien que nous ne pourrons le faire qu'en portant un amour de prédilection pour tous les hommes, nos frères, les plus éprouvés particulièrement », a déclaré par ailleurs Mgr Pontier.
Et parmi les plus éprouvés : les enfants, les immigrés, les personnes en fin de vie. Rappelant le parcours « Diaconia 2013 », il dénonce l’absence de politique d’accueil: « Nous sommes particulièrement attentifs au sort qui est fait aux populations d'origine bulgare ou roumaine venues vivre dans notre pays. Depuis deux ou trois ans nous ne voyons se dessiner aucune politique autre que celle de leur refuser un accueil réalisable et souhaité par le plus grand nombre d'entre eux. Des expériences ici ou là le prouvent : des enfants, quand cela est rendu possible, s'intègrent bien en milieu scolaire ; des adultes soutenus par des associations souvent admirables quand elles leur offrent leur compétence sans les instrumentaliser, apprennent notre langue ; des projets naissent. »
Il déplore en même temps « l'insuffisance des moyens que notre société accepte de mettre pour l'accompagnent de ceux qui se comportent de manière raisonnable et pacifique » : « Le problème de l'habitat comme celui du travail sont cruciaux. Détruire un bidonville peut sûrement se justifier pour des raisons évidentes d'hygiène. Mais le détruire est-il plus urgent qu'abandonner, sans perspective, à une nouvelle errance ceux qui y avaient fait un refuge familial provisoire ? Et que dire des propos haineux à leur égard, prononcés sans aucune retenue ? Que dire des violences qu'ils subissent ? Nous ne pensons pas que notre société se grandisse par de tels propos ni par ce refus de solidarité et de fraternité, même si nous n'ignorons pas la complexité de la question, ses exigences compréhensibles et sa dimension européenne évidente à prendre en compte avec leurs pays d'origine ».
Le sens de la fraternité et de la solidarité
« Quand on ne veut pas se faire frère des plus démunis, on les stigmatise puis on les éloigne et enfin on les ignore », martèle Mgr Pontier. En revanche, « quand on se fait proche d'eux, et nous en avons de multiples témoignages, voilà que l'amitié naît et que les peurs s'estompent ». Il salue les chrétiens engagés sur cette voie, avant de dénoncer une instrumentalisation politique : « Comment ne pas redouter que le sort fait à ces femmes, ces enfants, ces grands-parents, ces hommes ne soit en fait trop influencé par des surenchères politiciennes locales ou nationales? »
Il constate que les temps « sont difficiles pour beaucoup », et « l'angoisse de beaucoup par rapport à leur avenir » : un « fossé » se creuse « encore et encore entre les plus riches et les plus pauvres de notre pays, comme entre les pays de la planète » et « l'aveuglement est grave » : « C'est une injure faite aux plus démunis ».
« Quand, interroge l’archevêque de Marseille, retrouverons-nous le sens minimum d'une fraternité et d'une solidarité réelles ? Quand s'arrêtera la course au toujours plus pour quelques-uns afin que chacun ait ce qu'il lui faut pour vivre ? »
Il avertit de la gravité de l’enjeu : « Il y va de la cohésion de nos sociétés et de la paix dans le monde », et salue en même temps ceux qui se sont engagés dans ce combat : « Nous voulons dire tous nos encouragements à tous ceux qui, dans leurs responsabilités, s'emploient à trouver les chemins d'une société plus juste : hommes politiques, élus, cadres d'entreprises, responsables syndicaux, membres si divers de la vie associative, citoyens conscients et solidaires. »
Il salue le choix du prochain synode des évêques sur le thème de la famille : « Au printemps dernier, beaucoup se sont manifestés en faveur de la défense de la famille et des droits des enfants. Chrétiens, nous nous savons appelés à entendre les cris de ceux qui vivent toutes sortes de souffrances dans la société et à donner aussi le témoignage heureux d'une vie en famille, ouverte à l'accueil des enfants, de tous les enfants, où l'amour sait traverser les épreuves et leur donner sens dans une fidélité féconde et sans cesse renouvelée. Nous nous réjouissons de la décision prise par le Pape François de convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Evêques en octobre prochain sur le thème : ‘Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation’. »
Les chrétiens d’Orient
Il invite « au respect total, à la solidarité durable, à l'attention sans faille à l'égard des personnes en fin de vie », et déclare inutile une nouvelle loi : « Une loi sage et équilibrée a donné l'outil législatif nécessaire en ce domaine. Avant de légiférer encore, qu'on se demande si ce serait pour donner un signe plus grand du respect de la personne humaine, d'une solidarité avec elle ou bien plutôt celui d'un nouvel affaissement de nos solidarités familiales et sociales, exigeantes parfois, porteuses de fruits toujours. »
Il prévient toute accusation d’ingérence en soulignant que si l’Etat est laïc, la société, elle, est plurielle: « Ce n'est pas contrevenir à la séparation des Eglises et de l'Etat qui préside de manière nécessaire à la vie ordinaire d'une société pluraliste. C'est bien l'Etat qui dans son fonctionnement se doit d'observer une neutralité bienveillante. L'Etat est laïc. Mais la société, elle, est composée de personnes et de groupes aux convictions diverses qui doivent apprendre à dialoguer, à se respecter, à ne jamais aller au-delà de ce qui pourrait troubler la vie publique ou exprimer une volonté d'hégémonie. L'Etat se doit de permettre ce vivre ensemble dans le respect de tous. Qu'il me soit permis de rassurer ceux qui pourraient en douter : croyants en Christ, nous sommes des citoyens qui aiment leur pays. Nous recherchons sans cesse ce qui est le meilleur pour tous. Notre foi chrétienne nous en fait une obligation. »
Enfin, la solidarité à laquelle Mgr Pontier appelle est sans frontière et il plaide pour la liberté religieuse des chrétiens du Moyen Orient : « Nos cœurs de pasteurs ne sont pas insensibles à la souffrance que connaissent les communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient et dans quelques autres pays du monde. Leurs patriarches et leurs évêques nous en donnent des témoignages bouleversants. Les épreuves n'épargnent aucune des familles vivant sur ces terres, celle de Syrie tout particulièrement, alors que pendant tant d'années elles avaient appris à vivre ensemble avec leurs différences. Nous ne pouvons pas oublier que ces baptisés sont les descendants des premières communautés chrétiennes sur ces terres saintes. Notre prière se fait forte pour eux en union avec celle de notre Pape François. Nous appuyons pleinement leurs souhaits : bénéficier d'une citoyenneté pleine et entière, d'une liberté de religion non discriminante et vivre dans des pays dont la constitution civile reconnaisse la pluralité de la population. Durant notre assemblée nous prendrons du temps pour évoquer le drame qu'elles vivent. »
Mgr Pontier évoque les autres thèmes à l’ordre du jour de l’assemblée : « le phénomène social de l'avortement et ses conséquences souvent indicibles, ainsi que sur l'éducation des jeunes à l'affectivité », l’Europe, avec l’exposé de Mme Sylvie Goulard, vu les « prochaines élections si importantes pour la solidarité et la paix sur notre continent », « la présence des catholiques dans la société contemporaine », « la diaconie, la charité, la place et le service des plus pauvres », la « formation des futurs prêtres », « la préparation à la célébration du mariage chrétien », « la pastorale des jeunes adultes ».
Enfin, il a exprimé à Mgr Nicolas Brouwet la solidarité des évêques étant donné « les fortes inondations du printemps », avec une pensé pour « les villages pyrénéens qui portent encore les stigmates et les traumatismes provoqués par cette catastrophe ».
Une partie importante du discours de Mgr Pontier a été consacré à la réception et la diffusion de l’enseignement du pape François, notamment lors de sa récente visite à Assise, de la JMJ de Rio, et du rassemblement des catéchistes à Rome.
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