Reporters sans frontières estime dangereuses les modifications législatives ou réglementaires annoncées ces dernières semaines par le gouvernement vénézuélien, dans le seul but de punir des médias pour une ligne éditoriale jugée contraire aux visées gouvernementales.
“Le gouvernement bolivarien espère-t-il sérieusement que sa politique fera l’unanimité en entravant ou en censurant une presse insuffisamment docile ? Croit-il que les citoyens ne sont pas assez adultes pour se forger leur propre opinion ? Ces manœuvres législatives, réglementaires et judiciaires consacrent l’objectif de ‘protéger la santé mentale’ de la population. Les règles et les lois qu’un gouvernement change ou réinterprète pour imposer ce qu’il juge être la seule vérité médiatique possible ne sont que les instruments d’une croisade idéologique déjà bien entamée. Nous appelons le gouvernement à suspendre des mesures contraires aux principes constitutionnels fondamentaux et à la jurisprudence interaméricaine en matière de liberté d’expression”, a déclaré l’organisation.
Déjà visée par cinq procédures administratives qui menacent sa diffusion hertzienne, la chaîne privée d’informations Globovisión pourrait perdre plus rapidement que prévu sa concession de fréquence, pourtant valable jusqu’en 2013. Le 10 juillet, le ministre des Travaux Publics et du Logement, Diosdado Cabello – dont dépend la Commission nationale des télécommunications (Conatel) – a fait savoir que l’État cherchait à récupérer 50 % de l’adjudication de licence de la chaîne, l’un de ses concessionnaires venant de décéder.
Si la concession venait à lui être retirée, Globovisión pourrait néanmoins poursuivre sa programmation sur le câble, tout comme Radio Caracas Televisión (RCTV) dont la fréquence hertzienne n’a pas été renouvelée en mai 2007. Néanmoins, ces deux chaînes n’échapperaient pas aux “cadenas”, ces programmes institutionnels où le président Hugo Chávez lui-même prend la parole pour une durée indéterminée et réquisitionne dans ce cadre toutes les antennes hertziennes au même moment. Soumises à la Loi de responsabilité sociale en radio et télévision (Resorte), les chaînes câblées devraient apporter la preuve que plus de 70 % de leur production est d’origine étrangère pour pouvoir se soustraire aux “cadenas”. Accusée de “terrorisme médiatique” par les partisans du chef de l’État, Globovisión fait l’objet d’une véritable campagne de dénigrement répercutée par certains médias publics
Le 17 juillet 2009 a par ailleurs débuté l’évaluation de la légalité de diffusion de 240 stations de radio. Environ 40 % du paysage radiophonique est concerné par cette vaste révision. La fermeture possible des fréquences jugées “illégales” par le gouvernement s’accompagnerait de la saisie du matériel de transmission et l’interdiction de diffuser pendant cinq ans. Malgré les protestations de la Chambre de radiodiffusion vénézuélienne, le ministre Diosdado Cabello a exclu toute concertation avec un paysage radiophonique qualifié d’“oligarchique“. Les représentants des médias n’ont même pas eu la possibilité de défendre publiquement leur cas et les critères de révision des fréquences n’ont pas été rendus publics. Selon le ministre, “l’espace radiophonique est l’un des seuls lieux où la Révolution ne s’est pas fait sentir”.
Le 3 juillet dernier, le procureur général de la République, Luisa Ortega Díaz, a demandé à l’Assemblée nationale d’adopter une loi punissant les “délits médiatiques ”, lorsque les médias provoquent “angoisse, inquiétude et panique ” au sein de la population du pays. Cette annonce a fait suite à la diffusion de messages associatifs, diffusés sur les chaînes privées Venevisión, Televen, Globovisión, Meridiano TV et sur les stations Onda 107.9 et Fiesta 106.5, en faveur de la propriété privée.
RSF 21/7/2009