Journaliste chiite libéral opposé au Hezbollah et au régime syrien, Moustapha Moustapha Geha signe couramment des éditoriaux sur les sites électroniques des Kataëb et des Forces libanaises. Son père, Moustapha Geha, connu pour ses éditoriaux dans le journal al-Amal du parti Kataëb, avait été assassiné le 15 janvier 1992 à Sabtiyé de la même manière, criblé de balles alors qu’il se trouvait à bord de sa voiture. Libéral et proche de la ligne des Forces libanaises, il était opposé au dogme du wilayet el-faqih et au régime syrien, et avait signé plusieurs ouvrages hostiles à la ligne politique du Hezbollah, dont Crise intellectuelle dans l’islam et Khomeyni a choisi Zarathoustra. À l’instar d’autres écrivains assassinés et penseurs hostiles au régime syrien et/ou au Hezbollah et, comme Kamal el-Hage, ses livres avaient été bannis du marché par les forces de facto durant la période 1990-2005.
Dans un entretien accordé à la MTV dimanche, le jeune journaliste a refusé d’accuser directement une partie déterminée, pointant implicitement toutefois le Hezbollah et le régime syrien. « Les parties qui nous aiment ainsi que celles qui ne nous aiment pas sont bien connues », s’est-il contenté de dire, liant la tentative d’assassinat aux efforts qu’il déploie actuellement pour redynamiser l’action politique et intellectuelle initiée par son père. Le journaliste a ainsi indiqué qu’il œuvre actuellement pour la réouverture du dossier de l’assassinat de son père – il avait d’ailleurs tenu une conférence de presse dans ce sens le 16 janvier dernier – et qu’il est en passe de former un mouvement politique, le Rassemblement pour la souveraineté nationale, sur base des principes défendus par le journaliste assassiné. « Nos principes gênent tous ceux qui cherchent à porter atteinte à la souveraineté du Liban », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « Ces balles sont synonymes de haine et de lâcheté. Elles ne nous font pas peur. »
Condamnations en série
Dans un communiqué, le centre SKeyes a condamné la tentative d’assassinat du journaliste, estimant que l’objectif des commanditaires est de faire taire ce dernier et d’empêcher toute enquête sérieuse sur l’assassinat de son père. SKeyes a appelé les autorités sécuritaires et judiciaires à « ouvrir une enquête sur la tentative d’assassinat pour démasquer et sanctionner durement les auteurs, en faisant preuve de l’audace requise pour franchir les lignes rouges politiques qui continuent de permettre l’assassinat de journalistes en toute impunité ».
L’association Journalistes contre la violence (JCV) a également condamné l’attentat manqué contre Moustapha Moustapha Geha, qui « visait à liquider ce dernier et non à le terroriser », rendant hommage à la mémoire de son père, membre de la « tendance chiite libaniste qui a toujours cru dans la culture de la vie et la finalité de la personne humaine ».
« Cette tentative infructueuse fait suite à celle qui a visé le président des Forces libanaises, Samir Geagea, ce qui constitue un signe évident du climat d’insécurité qui prévaut dans le pays et qui marque un retour aux attentats visant des personnalités publiques. Le Liban est entré dans un climat sécuritaire dangereux où les assassins sévissent en toute impunité », a noté JCV. « Les réactions timides à la tentative d’assassinat de Samir Geagea ainsi que la campagne visant à minimiser cet attentat d’une manière préméditée pour assurer une couverture politique aux assassinats ont encouragé les criminels à continuer sur leur lancée dans le même style sanglant. Il est désormais clair que ce style donne le ton de la période actuelle en liaison avec la crise syrienne : le criminel commence à sentir que sa fin est proche ; le voilà donc qui retourne à son violon d’Ingres, en l’occurrence les méthodes terroristes pour se débarrasser de tous ceux qui refusent de céder face à la tutelle des armes et que le Liban soit une arène livrée aux milices syriennes et iraniennes », ajoute le communiqué de l’association.
JCV a appelé l’État libanais à faire toute la lumière sur cette tentative d’assassinat pour mettre la main sur les coupables, les déférer devant les tribunaux, les sanctionner et mettre fin au crime qui sévit, sans interruption. L’association a également appelé « la communauté internationale à protéger le Liban et assurer un parapluie sécuritaire à son peuple, ainsi que le peuple libanais à se mobiliser et s’unir pour faire échec aux tentatives de le soumettre et à se résigner face à l’état de fait ».
Il convient de signaler que le bureau de l’information au sein des Forces libanaises a également condamné la tentative d’assassinat de Moustapha Moustapha Geha, de même que le syndicat des maquettistes et des réalisateurs artistiques, dont M. Geha est membre.
L'orient le jour