Dans sa lettre au ministre Charbel, Wissam Saadé raconte ainsi qu’alors il traversait le scanner du poste de douane de l’aéroport de Beyrouth à son retour du Caire, un fonctionnaire zélé des douanes lui a demandé d’ouvrir son bagage à main, qui contenait les œuvres complètes de Rifaat el-Tahtawi, le célèbre auteur de L’Or de Paris, premier ouvrage phare de la Renaissance arabe, rédigé après son retour de la capitale française où il avait été envoyé en mission par Mehmet Ali de 1826 à 1831.
« Pourquoi avez-vous tous ces ouvrages en votre possession ? Avez-vous obtenu une permission de la Sûreté générale pour les transporter ? » a demandé le fonctionnaire zélé au journaliste, avant de souligner qu’ « au nom de la protection de la propriété intellectuelle, tout livre ou disque laser passant par l’AIB doit nécessairement obtenir un certificat de la Sûreté générale ». Le fonctionnaire a ensuite argué, selon Wissam Saadé, de la quantité des ouvrages transportés, qui « excéderait la quantité autorisée ». « Lorsque j’ai protesté en lui disant que j’étais professeur d’université, écrivain et journaliste, il m’a demandé pourquoi je m’emportais. Il a aussitôt fait appel à un autre agent, plus haut gradé que lui, dont je n’ai pu identifier l’appartenance sécuritaire. Ce dernier a commencé à mettre en question la quantité de livres, qui dépassait, selon lui, les limites autorisées. J’ai aussitôt fermé ma valise et leur ai affirmé qu’ils empiétaient sur ma liberté et mes droits en tant que citoyen, écrivain et chercheur », raconte l’éditorialiste.
« Ce qui s’est produit avec moi est inadmissible, M. le Ministre », poursuit Wissam Saadé dans sa lettre à M. Charbel. « Au moins, l’on pourrait souhaiter que celui qui veut fourrer son nez dans une valise sache qui est Rifaat el-Tahtawi ! La liberté de transporter des livres à l’AIB devrait être naturellement garantie dans les deux sens », a-t-il noté.
Dans un communiqué, l’association Journalistes contre la violence a reproduit le témoignage de Wissam Saadé sur les réseaux sociaux concernant l’incident, avant de stigmatiser le comportement de la Sûreté générale avec le journaliste à l’AIB. L’association a rejeté l’argument donné par les agents selon lequel « tout livre ou disque devrait obtenir un permis préalable afin d’entrer en territoire libanais ». L’association Journalistes contre la violence a renouvelé son rejet de « toute forme de censure préalable, et ce quel que soit l’organisme chargé d’appliquer cette censure », précisant qu’en cas de plainte, « il devrait revenir ultérieurement à la justice de trancher » de telles questions. « De tels actes portent atteinte à la réputation du Liban et à sa mission culturelle » a noté l’association, appelant à « la révision des lois en vigueur qui pourraient servir de prétexte à réprimer la liberté d’opinion et de pensée ».
Le démenti de la SG
La Sûreté générale a apporté un démenti au communiqué de l’association Journalistes contre la violence, estimant que « les faits relatés ne se sont pas produits avec le journaliste cité ». « La Sûreté générale exhorte l’association Journalistes contre la violence à s’assurer de la véracité des faits avant de les publier et à respecter la déontologie professionnelle dans ses communiqués, par respect pour sa crédibilité face à l’opinion publique », note le communiqué de la SG.
L'orient le jour