La « Charte de l'action politique à la lumière de l'enseignement de l'Église » a été présentée hier à Dbayé. Un code civique à l'usage de tous les Libanais, gouvernants et gouvernés.
Une « Charte de l'action politique à la lumière de l'enseignement de l'Église et de la spécificité du Liban» a été présentée hier en public, au cours d'une cérémonie organisée au Centre des congrès de Dbayé par le Centre maronite de recherche et de documentation, qui en a supervisé la rédaction.
Fruit de six mois de réflexion d'un groupe mixte d'évêques et de laïcs, la charte est destinée à répondre à une exigence des temps et reflète les convictions de toutes les Églises au Liban, catholiques, orthodoxes et évangéliques. Les évêques membres de la commission de rédaction sont NNSS Youssef Béchara, Boulos Matar, Béchara Raï et Samir Mazloum, assistés de Monsignor Camille Zeidan, directeur du centre. Les membres laïcs de la commission sont l'ancien ministre Roger Dib, Élias Abou Assi, le député Farid el-Khazen et Nehmat Frem.
La charte aménage le principe de la séparation de l'Église et de l'État, dans un effort pour établir des rapports clairs entre la sphère du politique et celle du religieux, mais dans le contexte libanais, bien distinct de celui dans lequel vit l'Église catholique en Occident. Elle prend position sur certaines grandes questions politiques, se prononçant notamment en faveur de la « neutralité » du Liban, parallèlement à un renforcement de sa capacité défensive, mais contre la « laïcité à l'occidentale ».
La présentation générale de la charte a été faite par Mgr Béchara Raï, qui en a souligné la vocation libanaise, et non exclusivement chrétienne, relevant l'insuffisance de la culture politique des Libanais et la nécessité d'une « éducation à la citoyenneté ». L'action politique ou, pour mieux dire, la praxis politique, ne saurait être « improvisée », mais répond à des critères précis sans lesquels elle est « faussée », a expliqué l'évêque.
La charte est divisée en trois parties. Dans la première sont définis les principes généraux relatifs à la politique considérée comme « un art noble au service de l'homme et du bien commun », à la relation entre l'Église et l'État, à la participation des chrétiens à la vie politique et à son exercice. La deuxième partie est consacrée au Liban en tant que patrie avec sa spécificité, sa valeur, son pacte et sa formule de coexistence, la responsabilité commune dans son redressement et la construction de l'État civil et démocratique. La troisième partie résume la teneur de la charte sous forme d'articles.
Abordant la spécificité du Liban, le texte définit le « pacte national » comme « l'âme du Liban », en le transposant de son contexte historique de 1943 à celui qui prévaut aujourd'hui.
« Le pacte national, qui est comme l'âme de l'entité libanaise, est venu consacrer ce système intermédiaire à partir de la devise : « Ni Orient ni Occident » pour dire « non » à la fusion dans son milieu et « non » à l'allégeance à l'Occident. Aujourd'hui cette devise se traduit : « non » à la théocratie et « non » à la laïcité athée. Ses principes sont que le Liban est une république totalement indépendante, arabe par son identité et son appartenance, collaborant avec les États arabes et les États étrangers tout en maintenant l'équilibre entre tous, sans qu'aucun de ces pays n'exerce une tutelle ou ne jouisse d'un privilège, et sans qu'il n'y ait unité avec aucun d'eux (22) », affirme notamment le texte de la charte.
Sur les engagements généraux nécessaires pour la construction de l'État libanais et la protection de sa souveraineté, M. Roger Dib a pris la parole pour les présenter, en substance, comme suit : empêcher le blocage des institutions pouvant conduire à « l'ébranlement de l'entité libanaise » ; l'organisation des relations entre l'État libanais et l'Autorité palestinienne ; la concentration des armes libanaises entre les mains des forces armées légitimes : le renforcement de la confiance dans les forces armées, leur soutien et l'encouragement des jeunes à s'enrôler dans leurs rangs ; l'établissement avec la République arabe syrienne de relations normales (…) et le resserrement des liens de collaboration avec les autres pays arabes.
Sur ce thème également, la charte prône « la prise de distance à l'égard de la politique des axes régionaux et internationaux », la promotion de la neutralité, et la décentralisation élargie, considérée comme « une priorité nationale majeure ».
Précieuse « valeur de civilisation », « héritage pour l'humanité », carrefour de civilisations et de religions, « lieu de dialogue entre l'Orient et l'Occident », lieu privilégié d'initiatives œcuméniques, de liberté et de pluralisme politique, « modèle pour l'Orient comme pour l'Occident », le Liban et sa convivialité, fruit d'un brassage quotidien entre des hommes de religions différentes, reçoit les éloges que mérite notre patrie, dont on souligne par ailleurs – surprise – qu'elle doit être aimée.
« La sauvegarde de la terre, la protection de son environnement, l'exploitation de ses ressources, la jouissance de ses produits, le refus de la vendre aux étrangers sont un devoir national », affirme ainsi la charte.
La cérémonie a également donné l'occasion au ministre Ibrahim Chamseddine, représentant le chef de l'État, de rappeler que son père, le grand imam Chamseddine, était en faveur d'un État « civil » au Liban. Ont aussi pris la parole Ghassan Moukheiber, député, Mohammad Sammak, qui a cité Max Weber accordant pour attribut principal à l'État l'usage légitime de la violence, et Abbas Halabi. La charte et les textes de la cérémonie sont disponibles sur le site de Bkerké :
www.bkerke.org.lb
L'Orient le Jour 06.02.2009