L’année de la foi sous le patronage du père Lagrange ?
Dans son Journal spirituel inédit, le père Lagrange confie les grands événements de sa vie spirituelle à l’intercession de tel ou tel saint : le saint du mois, le saint de la retraite spirituelle… Il me semble que l’Année de la foi, en lien avec la Nouvelle Évangélisation et le 50e anniversaire du concile Vatican II qui va du 11 octobre 2012 au 24 novembre 2013, pourrait le choisir comme patron et modèle de recherche de l’intelligence de la foi. Sa fidèle intercession apportera des grâces. Nombreux sont ceux qui témoignent déjà de l’action bienfaisante de ce serviteur de Dieu à travers ses écrits, son exemple d’obéissance dans les épreuves et sa prière à la Vierge Immaculée.
Brève biographie
Albert Lagrange est né à Bourg-en-Bresse le 7 mars 1855, fête à cette époque de saint Thomas d’Aquin. Après avoir suivi la formation du petit séminaire d’Autun, il entreprit des études de droit à Paris qui furent couronnées par une thèse de doctorat. Séminariste pendant une année au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux, il entra comme novice dominicain pour la Province de Toulouse le 6 octobre 1879 au couvent de Saint-Maximin (Var) dans le diocèse de Fréjus-Toulon. Le frère Hyacinthe-Marie Cormier, prieur provincial, béatifié par le bienheureux pape Jean-Paul II en 1994, lui donna l’habit de lumière de saint Dominique et le revêtit de sa propre ceinture en signe d’amitié.
En 1880, à la fin de son noviciat, il dut quitter la France pour le couvent de Salamanque avec tous ses frères dominicains suite aux décrets politiques contre les congrégations religieuses. Ordonné prêtre à Zamora le 22 décembre 1883, il put retourner à Toulouse en 1886 où il enseigna la philosophie, l’histoire de l’Église et l’exégèse biblique. En 1888, le frère Réginald Colchen, prieur provincial, l’envoya à l’université de Vienne pour parfaire sa connaissance des cultures et des langues orientales : hébreu, araméen, arabe, égyptien…
Choisi pour fonder l’École biblique de Jérusalem inaugurée en 1890, il créa aussi la Revue biblique en 1892. C’est à Jérusalem qu’il passa quarante-cinq années de sa vie au service de l’intelligence de la Bible.
Homme complet, unifié et illuminé par une vie de prière intense, il œuvra pour le salut des âmes en reliant la foi et la science ; l’esprit critique appliqué à l’histoire et l’esprit surnaturel ; les documents et les monuments ; la topographie et les textes bibliques.
De retour en France en 1935 pour des raisons de santé, il marqua par son exemple aussi bien les jeunes générations de dominicains que des universitaires d’Aix-en-Provence et de Montpellier.
Il partit vers le Père le 10 mars 1938 dans sa 83e année. Enseveli à Saint-Maximin, sa dépouille mortelle fut ramenée dans le chœur de la basilique Saint-Étienne de Jérusalem.
Sa cause de béatification est en cours. Serviteur de Dieu, il continue d’éclairer le chemin des chercheurs de Dieu par son intercession et par ses nombreux écrits.
Les nouveaux défis
À l’image des chrétiens d’aujourd’hui, le père Lagrange a dû relever des défis difficiles. Face au modernisme, philosophie rationaliste, qui réduisait la Bible au statut de simple production littéraire humaine sans origine divine, le père Lagrange a consacré sa vie dans la prière à l’étude scientifique et à l’enseignement de l’Écriture sainte.
Pour la foi catholique, le Saint-Esprit est l’auteur de la Révélation mais cette manifestation de la volonté de Dieu aux hommes est passée par l’inspiration des prophètes, des évangélistes et des apôtres, de manière telle que leur message était cent pour cent humain et cent pour cent divin. Loin d’être une dictée, la Révélation a tenu compte de la culture du peuple d’Israël. D’où l’importance capitale des médiations humaines pour accéder à la connaissance divine : les langues, les coutumes, l’histoire, les paysages, l’archéologie… Le Verbe s’est fait chair dans le sein d’une femme juive, Marie, et il a dévoilé la plénitude du mystère de Dieu que personne n’a jamais vu. « La Parole s’est faite chair dans des mots », comme aimait à le dire le théologien espagnol Cabodevilla . C’est pourquoi le père Lagrange s’attachera à l’étude des langues modernes (anglais, allemand, italien), et anciennes. Au petit séminaire d’Autun, il connaissait déjà par cœur l’Évangile selon saint Luc en grec.
Le père Lagrange répondra à la critique scientifique par la critique scientifique. Fin connaisseur de l’exégèse allemande libérale et des philosophies rationalistes, il établira un dialogue précis et respectueux avec ceux qui rejettent la foi catholique et sa Tradition, c’est-à-dire sa transmission de la Parole de Dieu commentée par les docteurs de l’Église qui l’ont actualisée au cours de l’histoire. Ce faisant, il apprend à « prendre les taureaux par les cornes ». Soucieux du salut des âmes, le père Lagrange étudie, dialogue, répond, corrige et montre la voie. Disciple de saint Thomas d’Aquin, il ne s’acharne point sur les personnes qui prônent des interprétations de la Bible opposées à la sienne, mais il relève les failles dans les démonstrations qui se veulent scientifiques.
Lors de la fondation de l’École biblique de Jérusalem le 15 novembre 1890, le père Lagrange crée aussi une école de théologie thomiste pour relier l’exégèse et la théologie. À Salamanque, pendant les quatre ans de sa formation théologique, le père Lagrange approfondit sa connaissance de la Somme théologique du Docteur Angélique. Par la suite, il continuera de citer saint Thomas d’Aquin dans ses commentaires de la Bible surtout à propos de la prophétie. Il arrive que des exégètes soient forts d’érudition linguistique mais faibles en théologie. Ce n’était pas le cas du père Lagrange qui trouva toujours un soutien sûr dans la pensée du « bœuf muet de Sicile », surnom qui lui était donné à cause de son amour du silence.
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