on a l'impression, dit-il, d'entrer dans « l'atelier du pape » dans le « monde vital » de Benoît XVI. Une « visite guidée ».
La salle de presse du Saint-Siège était comble ce matin pour la conférence de présentation de ce premier livre de Seewald avec le pape, alors qu'il a déjà publié « Le sel de la terre » et « Dieu et le monde » avec le cardinal Joseph Ratzinger. Le secrétaire du pape, Mgr Georg Gänswein y a lui-même assisté. La presse internationale était au rendez-vous.
Luigi Accattoli suggère d'ouvrir le livre comme on entrerait dans « l'atelier du pape » : le pape « ouvre la porte de son appartement » avec deux secrétaires et les quatre femmes consacrées, laïques, qui tiennent sa maison, les « Memores Domini » du mouvement Communion et Libération. Il regarde la télévision, voit une vidéo de Don Camillo…, parle de sa façon de prier… montre « le côté humain de sa façon de faire le pape ».
Laine noire et soutane blanche
Pour le journaliste « vaticaniste », ce portrait de Benoît XVI confirme « ce que Joseph Ratzinger a toujours été », sa « douceur », sa « proximité » des personnes, son « humanité », sa « simplicité », lui qui ne cherche ni « pouvoir » ni « gloire ».
Il rappelle la veste de laine noire dont les manches étaient visibles sous la soutane blanche du pape qui ouvrait tout grand les bras lors de sa première apparition publique à la Loggia des bénédictions de Saint-Pierre, le 19 avril 2005.
« La visite guidée, explique Luiggi Accattoli, nous dit quelque chose de l'homme en veste de laine, sur celui à l'habit blanc, et sur le rapport entre les deux ». Nous suivons la visite proposée par Accattoli, tout en ajoutant ici ou là des précisions.
Il remarque que l'on voit « Joseph-Benoît » dans ses interrogations et ses décisions, sa façon de conquérir ceux qui le rencontrent par sa simplicité, son « amitié ».
A cinq reprises, le pape s'interroge sur ses 83 ans, évoque la possibilité de démission pour un pape qui ne serait plus en mesure d'assumer sa charge, humainement, physiquement, spirituellement.
On ne fuit pas devant le danger
Mais il n'a pas songé à démissionner en raison du scandale de la pédophilie : « On ne peut pas fuir au moment du danger ». Accattoli rappelle que tous les papes depuis Pie XII se sont posés la question de la démission, mais c'est la première fois qu'un pape en parle publiquement.
Il manifeste la même franchise lorsqu'il s'interroge sur la justesse de se présenter aux foules, de se laisser acclamer, et il tranche : c'est le pape qu'on acclame, les gens ont « un grand désir de voir le pape ».
Un des sujets récurrents et approfondi est le conflit entre la foi chrétienne et le monde d'aujourd'hui, mais il reconnaît aussi l'existence d'une « modernité morale », d'une « modernité bonne et juste ».
Du passé, le pape n'hésite pas non plus à reconnaître les « atrocités » commises « au nom de la vérité », les « guerres de religion », les « rigorismes » par rapport au corps, qui ont fait qu'on a « appauvri l'homme ». Le pape invite à se demander : « En quoi la sécularisation a raison » et où il faut en revanche lui « opposer résistance ».
A propos de la levée des excommunications, le pape n'hésite pas à affirmer qu'on a dit des « bêtises », relève Accattoli. Le pape explique que l'excommunication était canoniquement motivée par la non-reconnaissance de la primauté du Successeur de Pierre. Il fait le parallèle avec les évêques chinois ordonnés de façon illicite. A partir du moment où ils l'ont reconnue, la sanction devait être levée.
Mais le pape regrette que les choses aient été mal préparées, et il note qu'en fait Mgr Williamson « n'a jamais été catholique » puisqu'il est passé de l'anglicanisme au lefebvrisme. Lever l'excommunication, c'est favoriser l'unité, comme cela se fait en Chine lorsqu'un évêque ordonné de façon illicite reconnaît la primauté du Successeur de Pierre. L'excommunication est levée. Mais il n'aurait pas levé l'excommunication de Mgr Williamson si une enquête approfondie avait révélé son négationnisme.
A propos du fondateur des légionnaires du Christ, le pape prend l'image biblique du « faux prophète », mais dit son estime de la communauté.
Le Christ rompt avec son temps : pas de prêtresses
Pour le sacerdoce, le pape souligne que le Christ n'a pas adopté la coutume de son temps en choisissant les Douze, des hommes : l'époque était pleine de « prêtresses » ! On ne peut pas dire qu'il y a 2000 ans cela aurait été « impensable » d'appeler des femmes au sacerdoce…
Qu'est-ce que la résurrection ? Une « forme nouvelle d'existence ». L'amour ? Une « trace » de la Trinité inscrite dans le génome humain. Le mystère eucharistique ? Une fission nucléaire. La découverte de la vocation de l'homme à l'infini ? Comme le « passage du mur du son ».
Le pape revient sur la « saleté dans l'Eglise » comme dans « Introduction au christianisme » (1968) et lors du Chemin de croix du vendredi saint 2005 au Colisée. Le « choc énorme » de la découverte de la dimension du scandale de la pédophilie. Et le rôle positif des médias a été d'aider à « conduire à la lumière de la vérité » : « C'est seulement parce que le mal était dans l'Eglise que les autres ont pu le retourner contre elle ».
Le pape comprend celui qui « quitte l'Eglise » en signe de protestation contre les scandales.
Il explique la nouveauté de la prière pour les juifs, défend Pie XII après s'être informé dans les archives non encore accessibles (dans 4 ans, une fois le classement achevé).
Il se dit optimiste sur la vitalité du christianisme et le retour nécessaire à la « simplicité » et à la « radicalité » de l'Evangile.
Il les demande à Dieu comme les plus grands dons nécessaires à l'Eglise aujourd'hui : « Il s'agit de mener à bien ce qui a été commencé » par Jean-Paul II (« nous tissons la même étoffe »).
« La visite guidée dans l'atelier papal touche d'autres pièces, mais celles que nous venons de traverser nous donne l'image d'un pontificat riche d'invocations à Dieu, et de questions posées aux hommes. La lecture de l'entretien aide à comprendre – et si possible à aimer – le monde de Joseph Ratzinger, sa destinée humaine singulière, et son service de l'Eglise », conclut Luigi Accattoli.
Anita S. Bourdin
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