Cette mutation a, paradoxalement, montré que le désordre n’est pas une fatalité et que la préservation de l’identité libanaise peut parfaitement s’en dispenser. Le succès est total. « A job well done ! » a dit le patriarche.
Allégeances politiques exclues
Trait caractéristique de cette communauté : les allégeances politiques en sont exclues et gardées pour la vie privée. S’adressant au patriarche Raï, lors de la soirée, Nijad Farès – un orthodoxe – a défini cet effort collectif comme « un témoignage au message d’unité » du patriarche.
« La paroisse Notre-Dame des Cèdres a un rôle essentiel dans la préservation de notre identité, a-t-il confié à L’Orient-Le Jour à l’issue de la réunion, mais les maronites, au départ, étaient une minorité. Ceux qui ont construit l’église viennent de tous les horizons. Il y avait là et il y a toujours là des chrétiens de tous horizons et des musulmans. »
La veille, le patriarche avait défini le Liban comme « une synthèse des plus hautes valeurs des communautés qui le composent ». Le chef de l’Église maronite avait confié à ses auditeurs qu’au dernier sommet interreligieux de Dar el-Fatwa, c’est le mufti lui-même qui avait rétorqué aux représentants de minorités qui se sentaient exclus de la réunion qu’il n’y a pas de minorités au Liban, que notre pays est une mosaïque de minorités qui a formé une nouvelle identité, le Liban.
Mais dans son allocution, Nijad Farès a mis le doigt sur la plaie en affirmant : « Nous devons trouver une nouvelle façon de maintenir l’unité de notre communauté sans nous appuyer sur un parrainage étranger. »
Une leçon à nous donner
« Vous avez une leçon à nous donner, leur a déclaré en substance Mgr Raï. C’est celle de la solidarité. » Le patriarche s’est ensuite employé à expliquer aux membres de la communauté d’origine libanaise les avantages de conserver la nationalité libanaise ou de la retrouver. Rendant un hommage appuyé aux efforts de l’ancien ministre Michel Eddé qui, a-t-il dit, dépense des centaines de milliers de dollars au service de la Fondation maronite dans le monde, il a mis en évidence les deux grands avantages de la nationalité libanaise : la préservation du précieux équilibre démographique sur lequel repose le Liban, d’une part, et, de l’autre, les avantages de toutes sortes que les Libanais tirent au Liban même : celui de ne pas être des étrangers dans leur pays d’origine, de pouvoir y investir, ou y acheter et vendre.
« Qui sait, a-t-il dit en substance, comment les choses évolueront ? Comment savoir si, un jour, vous n’aurez pas besoin de rentrer au pays, comme vous avez eu un jour besoin de le quitter, pour vous faire un avenir et un avenir pour vos enfants ? »
Fier d’être libanais
Et dans une tirade finale dont il a le secret, le patriarche a conclu : « Je suis très fier de porter la nationalité libanaise. Je suis un orphelin dont les parents sont morts. Mais je ne serai jamais orphelin d’une patrie. »
Et d’insister sur le sens de la citoyenneté développée par les membres de la communauté d’origine libanaise, dans laquelle il a vu « un modèle à imiter, dans un Liban dont les institutions peuvent être bloquées, où la corruption est rampante dans certains secteurs de l’administration, où des groupes repliés sur leurs périmètres de sécurité donnent des leçons d’ouverture au monde ».
« C’est pourquoi nous disons : donnez votre citoyenneté à vos enfants. Enregistrez ici vos mariages et la naissance de vos enfants. Et s’il faut à tout prix racheter quelque chose avec son sang, que ce ne soit pas des chefs politiques, mais le Liban. »
« Rai Day » à Houston
Un des moments heureux de la soirée de Houston est venu de son shérif, Andre Garcia, qui a provoqué d’énormes rires dans la salle en annonçant qu’en l’honneur de leur hôte, un « Patriarch Rai Day » a été proclamé et que toutes les contraventions de la route, ce jour-là, seront pardonnées. Well done ! Vraiment.
Aujourd’hui, le patriarche se rend à San Antonio, qui, avec Houston, Austin et Dallas, est l’une des plus grandes villes du Texas. Il y restera un jour, avant de prendre l’avion pour Los Angeles qui, avec trois paroisses maronites, est l’un des centres de gravité de la présence libanaise aux États-Unis.