Reporters sans frontières exprime sa très profonde préoccupation pour sept journalistes de l’Union de la presse gambienne (Gambia Press Union – GPU) actuellement poursuivis en justice pour avoir critiqué le chef de l’Etat.
Le verdict pourrait être connu le 29 juillet 2009, à l’issue d’un procès qui s’est partiellement tenu à huis clos. Au même moment, le président gambien Yahya Jammeh tenait des propos inacceptables à l’encontre des professionnels des médias de son pays, qu’il a menacé de traiter "sévèrement".
"La situation de la liberté de la presse en Gambie est de loin la plus grave de toute l’Afrique de l’Ouest. Législation répressive, arrestations arbitraires et climat de peur : rien n’est épargné aux rares journalistes indépendants. Pour le gouvernement de Banjul, exprimer une opinion et oser critiquer les autorités est immédiatement considéré comme une atteinte à l’image du pays", a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
"Les provocations à répétition de Yahya Jammeh doivent enfin être condamnées par les institutions internationales dont la Gambie est membre. Nous exprimons un soutien sans faille aux journalistes qui travaillent courageusement dans un environnement si hostile et demandons que les membres de la GPU soient reconnus non coupables", a poursuivi l’organisation, qui a participé récemment à des manifestations aux Etats-Unis sur la Gambie.
Accusés de "publication séditieuse" et de "diffamation", les sept journalistes de la GPU sont jugés devant la Haute Cour de Banjul. D’abord confiée au Procureur général, Justice Wowo, l’affaire a été transmise, sur demande des avocats de la défense, au juge Emmanuel Fangbele. Certaines audiences se sont tenues à huis clos.
Depuis la mi-juin, les sept journalistes ont été incarcérés à deux reprises à la prison Mile Two de Banjul puis libérés sous caution. Lire le communiqué
Parmi ces journalistes, le directeur de publication du quotidien indépendant The Point, Pap Saine, est également accusé de "diffusion de fausses nouvelles" pour une affaire remontant au mois de mars dernier dans laquelle il avait d’abord été jugé non coupable.
Le 22 juillet 2009, dans une interview donnée à la chaîne de télévision publique GRTS à l’occasion du quinzième anniversaire de son accession au pouvoir, le président Yahya Jammeh a menacé les "journalistes qui écrivent uniquement pour ternir l’image du pays" de les traiter "sévèrement". "Tout journaliste qui pense qu’il ou elle peut écrire ce qu’il ou elle veut et s’en aller librement commet une grave erreur. Quiconque sera pris sera sévèrement traité", a-t-il déclaré.
Les 21 et 22 juillet, Reporters sans frontières et le Committee to Protect Journalists (CPJ) se sont associés aux manifestations organisées par Amnesty International devant l’ambassade de Gambie à Washington DC et le siège des Nations Unies à New York. Les organisations ont ensemble condamné les violations répétées des droits de l’homme perpétrées par le gouvernement de Banjul, notamment les arrestations de journalistes. Le 22 juillet est commémoré par les autorités gambiennes comme la "Journée de la liberté".
L’assassinat en 2004 du directeur du quotidien privé The Point et correspondant de Reporters sans frontières en Gambie, Deyda Hydara, et la disparition du journaliste du quotidien privé The Daily Observer, "Chief" Ebrima Manneh, depuis son arrestation le 7 juillet 2006, sont les deux affaires les plus tragiques de ces cinq dernières années. Les autorités gambiennes ont toujours refusé de mener une enquête sérieuse sur le meurtre du premier et nient détenir le second, alors que plusieurs témoins affirment l’avoir vu à la prison Mile Two de Banjul avant son transfert dans un lieu inconnu.
RSF 29/7/2009