Reporters sans frontières s’inquiète du climat d’intimidation envers la presse paraguayenne, qui s’aggrave à l’approche des élections générales du 20 avril 2008. L’organisation condamne les déclarations du président de la République, Nicanor Duarte Frutos, proférées contre les médias paraguayens d’opposition,
le 12 novembre 2007 à Guarambaré (Est). Au cours du mois d’octobre, deux journalistes du quotidien ABC Color ont été menacés par des représentants du parti au pouvoir pour avoir publié des portraits critiques d’hommes politiques. “Il est décidément à la mode dans la région qu’un chef de l’État crie à la conspiration dès que la presse exerce son rôle de contre-pouvoir. Après les attaques personnelles du président colombien Alvaro Uribe contre certains journalistes, après les déclarations hostiles du président bolivien Evo Morales contre la presse, les diatribes du président Nicanor Duarte Frutos transforment à nouveau les médias en boucs émissaires. L’onction du suffrage universel expose par définition un élu à la critique publique. Elle n’est en aucun cas, sous prétexte de légitimité démocratique, un moyen d’entraver une profession dont la fonction est aussi de véhiculer l’opinion des citoyens. Les déclarations du président paraguayen tombent au plus mal en cette pré-campagne électorale, où des journalistes subissent déjà des pressions et menaces”, a déclaré l’organisation. Le 12 novembre dernier, alors qu’il inaugurait des logements sociaux en présence de l’ambassadeur de Taïwan, le président Nicanor Duarte Frutos a déclaré que l’opposition n’est pas l’“ennemie du Paraguay”, mais que l’“ennemi est le journalisme anticolorado”, en référence aux médias critiques à l’égard du parti Colorado, au pouvoir depuis soixante ans et dont est issu le chef de l’État. “C’est la presse qui veut détruire le futur de notre pays, les rêves de nos compatriotes”, a-t-il affirmé. Selon le Président, les propriétaires de médias sont des “entrepreneurs qui ont amassé leur fortune en exploitant des ouvriers, et qui prétendent aujourd’hui détruire la mystique du peuple”, ajoutant avec emphase qu’“ils se portent mieux à mesure qu’ils sucent le sang du peuple”. La campagne électorale s’annonce tendue en matière de liberté de la presse puisque des membres du parti Colorado ont intimidé deux journalistes du quotidien ABC Color au mois d’octobre dernier. Le pré-candidat au poste de gouverneur du département de Caaguazú (Sud), Francisco Alvarenga, connu sous le surnom de “député pistolero” pour avoir tiré sur une personne au cours d’un match de volley, a menacé de mort le correspondant du journal à Coronel Oviedo, Carlos Mariano Godoy. L’ancien élu a averti le journaliste par téléphone que s’il n’avait pas été candidat, il serait allé le trouver pour “lui mettre des balles”, avant d’ajouter que “pour lui ça ne signifiait rien de tuer quelqu’un” et qu’ils “se retrouveraient pour régler leurs comptes”. Le journaliste avait contribué à une série d’articles sur des candidats jouissant d’une mauvaise image. Le correspondant d’ABC Color à San Lorenzo, près d’Asunción, Aldo Benítez, a, quant à lui, été menacé pour les mêmes raisons par le maire de Piribebuy, Cayo González. Cayo González est le frère de Víctor González, candidat au poste de député, et de Roberto González, ministre de la Défense du gouvernement actuel. Les élections générales auront lieu le 20 avril 2008. Élu pour cinq ans en 2003, Nicanor Duarte Frutos ne peut briguer de second mandat.
Reporters sans frontières 14/11/07