Le procureur à l’origine des poursuites contre l’ancien journaliste de Telesur, William Parra, a été dessaisi du dossier et relevé de ses fonctions au sein de la section antiterroriste du parquet général de Colombie, le 9 septembre 2010.
Cette mesure était réclamée par le collectif d’avocats qui défend le journaliste. Aucune explication officielle n’a été donnée à cette décision, sachant que le dossier Parra comportait d’importantes irrégularités de procédure.
Ricardo Bejarano, militaire à la retraite, était à l’origine du mandat d’arrêt émis contre le journaliste actuellement exilé au Venezuela, soupçonné de “complicité” avec les FARC. Les accusations portées contre William Parra se référaient à des documents présumés, recueillis dans l’ordinateur de Raúl Reyes, l’ancien numéro deux des FARC, tué en 2008. Les avocats de William Parra avaient récemment réitéré leur demande d’accès à ces données, que Ricardo Bejarano n’a jamais fournies.
09.09.10 – Procédure tardive et douteuse contre l’ancien journaliste de Telesur William Parra
Un mandat d’arrêt a été lancé, le 6 septembre 2010, contre l’ancien journaliste de la chaîne Telesur et producteur indépendant William Parra, pour ses liens présumés avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Il est recherché par la justice pour “rébellion”, “association de malfaiteurs” et financement du terrorisme”. Le nom de William Parra apparaîtrait dans plusieurs courriers retrouvés dans l’ordinateur de Raúl Reyes, ancien numéro deux des FARC, abattu par l’armée colombienne en territoire équatorien en mars 2008.
Sandra Gamboa, avocate de William Parra, nous a fait savoir que la procédure judiciaire initiée contre son client comportait de multiples irrégularités, violant en particulier les droits de la défense.
Au vu des éléments portés à notre connaissance, et compte tenu des précédents opposant le gouvernement colombien à Telesur et à l’entourage de la chaîne, nous avons le droit de mettre en doute une réactivation du dossier aussi tardive. Pour l’heure, William Parra doit bénéficier de toutes les garanties juridiques prévues par la loi et le droit international.
“La procédure s’appuie notamment sur la loi 600 disposant que le prévenu a le droit de connaître toutes les preuves et leurs moyens d’obtention. En l’occurrence, nous n’avons pas eu connaissance de ces preuves. Cette loi établit un délai maximum de 18 mois pour que le procureur prenne une décision concernant la poursuite ou le classement de l’affaire”, a déclaré l’avocate à l’organisation.
“Il n’est pas possible de passer d’une procédure à une autre car l’enquête doit se baser sur la date à laquelle les faits ont été instruits. Il faut obtenir la révocation du mandat d’arrêt auprès du juge des garanties et engager une action de tutelle signalant l’irrégularité de la procédure”, nous a par ailleurs expliqué un juriste spécialiste du sujet.
Selon Sandra Gamboa, ce mandat d’arrêt international violerait également les règles de droit international. William Parra, en exil au Venezuela, y a en effet obtenu le statut de réfugié en mars 2010. Le journaliste ne peut donc a priori être livré aux autorités colombiennes et celles-ci ne peuvent solliciter son extradition. Reporters sans frontière espère fortement que cette condition sera respectée.
L’organisation du Collectif des avocats, dont Sandra Gamboa fait partie, a enfin signalé n’avoir jamais reçu notification de ce mandat d’arrêt.
Le journaliste colombien Jorge Enrique Botero a déclaré à Telesur que cette affaire relevait de “l’une des multiples provocations de la part du gouvernement de Bogotá à l’encontre de toute voix qui tenterait de s’élever contre sa vérité officielle”. Concernant William Parra, “le gouvernement lui fait payer sa détermination dans l’exercice de son métier. William Parra a eu l’audace et la curiosité de franchir certaines lignes et de couvrir en direct la réalité la plus cachée du conflit armé qui perdure en Colombie depuis plus de 50 ans”.
William Parra est dans la ligne de mire des autorités colombiennes depuis 2006, date de son entrée à Telesur qu’il a quittée deux ans plus tard. Devenu producteur indépendant, il a par la suite réalisé trois documentaires pour la chaîne. En 2007, le directeur de la police nationale colombienne, le général Oscar Naranjo, l’avait accusé de “manipulation et complicité avec les FARC” dans l’enlèvement, le 4 juin 2007, du capitaine Guillermo Javier Solórzano. Le journaliste avait réalisé une interview de l’otage. Un autre correspondant colombien de Telesur, Freddy Muñoz, avait été menacé et détenu en 2006 par des paramilitaires pour sa prétendue appartenance aux FARC, après la diffusion d’une photo trafiquée.
Cette affaire marque une période difficile pour la presse colombienne un mois seulement après l’investiture de Juan Manuel Santos. Parmi les cas récents les plus graves : la tentative d’assassinat du directeur de la revue El Norte, Marco Tulio Valencia, le 30 août dernier dans le département de Tolima ; les menaces répétées contre le correspondant de Teleantioquia Noticias, Luis Carlos Cervantes ; ou encore le sabotage, le 29 août, de la radio communautaire Puerto Wilches Estéreo, désormais réduite au silence.
Reporters sans frontières redoute, dans ce lourd climat, une nouvelle campagne de stigmatisation contre des journalistes connus pour leurs prises de position et surveillés de près sous l’administration d’Alvaro Uribe.