Prochainement tout cela sera révélé dans le livre « Mein Bruder, der Papst » (Mon frère le Pape), un entretien avec Mgr Georg Ratzinger, réalisé à Ratisbonne par l’historien Michael Hesemann. Leur conversation couvre les 256 pages du livre, qui renferme aussi des photos de famille. Le livre sera publié à Munich, chez Herbig, au mois de septembre, juste avant le voyage de Benoît XVI dans sa terre natale.
ZENIT a parlé avec Michael Hesemann de cet entretien.
Zenit : Pensez-vous que ce livre puisse aider à mieux comprendre la vocation de Joseph Ratzinger ?
Michael Hesemann : C’est bien l’intention du livre, qui a été écrit à l’occasion des 60 ans de l’ordination de Sa Sainteté le Pape et de son frère Mgr Georg Ratzinger. Ce livre montre comment sa « carrière », à la fois incroyable et tout à fait inattendue, a suivi une sorte de plan caché que seule la Divine Providence peut avoir accompli. Quand j’ai visité l’Emanuel School of Mission d’Altötting, le sanctuaire marial qui fut un point central dans l’enfance de Joseph Ratzinger, j’ai entendu la devise : « donne tout, et tu recevras plus ». C’est exactement le principe qu’il a suivi. Il a toujours tout donné, il a cherché à servir le Seigneur avec tout son potentiel et a reçu beaucoup plus que ce qu’il aurait pu imaginer ou désirer.
Apporte-t-il des éléments nouveaux sur la vie de Joseph Ratzinger ? Et sur celle de Georg Ratzinger ?
Certainement. Ce livre décrit des détails personnels de leur vie familiale. Et encore une fois nous avons une devise bien trouvée : « une famille qui prie ensemble, reste unie » . La famille Ratzinger a été une sorte de rempart contre les vagues de tant de périodes houleuses, y compris celle du régime nazi et des horreurs de la guerre. Et elle est devenue forte grâce à son fort sens du religieux et son intense vie religieuse. Surtout aujourd’hui, alors que problèmes familiaux et divorces déchirent tant de familles, les Ratzinger pourraient représenter un modèle positif de famille. Leur secret est d’être une famille soumise à Dieu, d’avoir transformé la famille en une cellule fondamentale de l’Eglise. S’il y avait plus de familles comme celle-ci nous n’aurions pas de carences dans les vocations !
Qu’est-ce qui vous a surpris au fil de ces conversations avec le frère du Pape ?
Beaucoup de choses, mais ma plus grande surprise a été de découvrir le chemin à la fois inattendu mais tout en ligne droite qui a conduit Joseph Ratzinger au Siège de Pierre. Le jour le plus important de sa vie fut sa consécration sacerdotale le 29 juin 1951, quand il a compris tout ce qu’il pouvait donner aux personnes s’il permettait à l’Esprit Saint d’agir à travers lui. Il était si content de devenir aumônier dans une paroisse de Munich ! Mais il était doté d’un esprit tellement brillant qu’on l’encouragea à enseigner la théologie, ce qui lui plût.
Il ne voulait pas devenir évêque, au point d’ailleurs qu’on a dû le convaincre. Puis le pape Paul VI l’a nommé archevêque de Munich. Quand Jean-Paul II l’a appelé à Rome, il a invoqué toute une série de raisons pour rester en Bavière, mais encore une fois, quelqu’un l’a convaincu. Et ce quelqu’un, cette fois-ci, c'était le pape : « Munich est importante, mais Rome est encore plus importante ».
A la fin il rêvait de se retirer, pour passer plus de temps avec son frère et écrire des livres, mais il a été élu pape. Cela m’a rappelé saint Pierre et les paroles de Notre Seigneur : « …un autre te mettra ta ceinture, pour t'emmener là où tu ne voudrais pas aller. » (Jn 21, 18). Une prophétie qui s’avèrera ensuite avec le martyre du Prince des Apôtres.. Mais cela décrit très bien ce qui est arrivé à Joseph Ratzinger. Si l’on suit sa vie, « quelqu’un » l’a préparé au Ministère de Pierre dès le début. Tout est œuvre de Dieu !
Mais mon autre surprise a été de voir la farouche opposition de sa famille aux nazis, dès le début. Le père des deux jeunes garçons, Joseph Ratzinger senior, était un lecteur assidu, peut-être même un abonné, de la publication catholique la plus antinazie qui existait « Der gerade Weg » (Le droit chemin), dont le rédacteur, Fritz Michael Gerlich, fut l’un des premiers martyrs catholique de l’Allemagne nazie. Ratzinger père était commandant de police dans une petite ville, Tittmoning, et s’est trouvé en grave difficulté avant la prise de pouvoir des nazis, pour avoir mis fin à diverses rencontres de nazis et avoir eu plusieurs fois des ennuis avec la SA nazie. Finalement, il a dû faire un pas en arrière dans sa carrière et continuer son service dans un petit village, Aschau.
L’entrée de Georg et Joseph au séminaire, leur décision de devenir prêtres catholiques, représentait à cette époque-là un évident refus du nazisme fortement opposé à l’Eglise. Ils ont subi railleries et discriminations à cause de cette décision, mais ont suivi leur conscience. Le père des Ratzinger, qui ne vivait à l’époque que d’une toute petite retraite, a refusé tous les avantages économiques de ceux qui adhéraient au parti nazi. L’adolescent Joseph Ratzinger a réussi à ne pas participer à la Jeunesse hitlérienne, même si la loi allemande obligeait à entrer dans cette organisation. Il n’y est tout simplement pas allé et quand on l'a obligé à devenir soldat, il a déserté. Seul un miracle l’a protégé de l’arrestation et de la pendaison prévue pour les déserteurs.
Quel est le rôle de la musique dans la vie de Georg ? Et dans celle de Joseph ?
La musique a toujours eu un rôle important dans la vie de la famille Ratzinger. Non seulement leur père chantait dans la chorale des jeunes de sa paroisse, mais il jouait du zither, un instrument populaire de la musique traditionnelle bavaroise. Leur mère, qui travaillait comme domestique chez un directeur d’orchestre, quand elle était jeune, a eu elle aussi des contacts avec la musique classique. Si bien que lorsque Georg a découvert son énorme talent, il a été encouragé par ses parents. Il était fasciné par un homme qui possédait un harmonium, si bien que son père lui en acheta un et il en jouera si bien qu’à dix ans à peine le curé de la paroisse lui demandera d’en jouer, en semaine, lors de la messe pour les jeunes.
Joseph partageait cet amour qu’il avait pour la musique et il a eu des professeurs de musique aussi bien pour jouer de l’harmonium que du piano. Encore aujourd’hui, comme pape, il joue du piano quand il en a le temps. Il aime la musique classique, surtout Mozart. Les jeunes Ratzinger ont réussi une fois à aller au festival de Salzbourg et à assister à quelque concert important. Aujourd’hui, quand Georg Ratzinger vient voir son frère, le Saint-Père lui demande régulièrement de jouer du piano pour lui. Il y prend beaucoup de plaisir.
Pouvez-vous nous décrire l’âme de Georg Ratzinger ?
Chaque rencontre avec lui a vraiment été très belle. Il a un cœur d’or. J’ai rarement rencontré un homme aussi modeste, aussi aimable et affable que lui. Mais j’ai en même temps été impressionné par sa mémoire, qu’il partage évidemment avec son frère. C’est un grand homme et il n’est certainement pas uniquement « le frère du pape », car il a eu lui-même une carrière exceptionnelle comme directeur du chœur de jeunes « Regensburger Domspatzen », célèbre dans le monde entier. Ils ont donné des concerts au Japon, aux Etats-Unis et dans tant d’autres régions du monde. Et c’est aussi un compositeur de talent. Mais il est avant tout un délicieux gentilhomme et un prêtre au grand cœur, croyant profondément en Dieu et doté d’un bon et sain sens de l’humour.
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