à l’Université pontificale Regina Apostolorum du 2 et 3 mars 2013. (cf. Zenit du 27 février 2013)
Les pères Rafael Pascual LC et Nicola Tovagliari LC, respectivement directeur de l’Institut Science et Foi et aumônier de l’Université européenne de Rome, expliquent aux lecteurs de Zenit que le Saint-Suaire « donne la possibilité de voir Jésus, et de voir quel visage il a voulu montrer, celui de Sa passion, le moment sommet de tout ce qu’il a donné, de sa générosité ».
Pourquoi ce congrès sur le Saint-Suaire à l’occasion de l’Année de la foi ?
P. Pascual – Cela fait des années que nous travaillons à ce sujet; plusieurs initiatives sont nées, dont la possibilité d’offrir un diplôme sur l’Etude du Suaire. Puis est arrivée l’Année de la foi et nous avons pensé qu’il y avait des choses à dire sur le Linceul, car nous voyons en lui un outil particulier qui peut transmettre la foi aux hommes de notre temps : il s’agit à la fois d’une image – et nous dans le monde nous sommes des images – et d’un message que nous devons transmettre.
Le dessein de la providence est par ailleurs très étonnant : le congrès s’inscrira dans un moment très particulier de l’histoire de notre siècle, puisque personne ne pouvait s’attendre à ce que, juste avant, se conclue le pontificat du pape Benoît XVI.
En quoi l’image du Suaire est-elle importante?
Le désir qui revient souvent est celui de voir le visage de Dieu. Chaque vraie rencontre avec l’autre personne passe par un face-à-face, regarder l’autre dans les yeux, pouvoir communiquer avec lui; ce désir, l’homme l’a aussi vis-à-vis de Dieu. Les Psaumes chantent ce désir : « montre-moi Ton visage », « Je veux voir ton visage », « ne me cache pas ton visage ». Dieu a voulu venir à la rencontre de ce désir, notamment à travers le Linceul: qui aurait pu imaginer qu’après deux mille l’image du visage serait comme une photo ? Certes, l’art aussi veut transmettre le visage de Jésus, mais cela reste une simple représentation artistique : le Saint Suaire nous donne la possibilité de voir Jésus, et de voir quel visage il a voulu nous montrer, celui de Sa passion, car c’est le moment sommet de tout ce qu’il a donné, de sa générosité; là jésus montre ce qu’il avait dit: « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13).
Cette image est-elle capable d’attirer de nouveaux chrétiens ?
Je dirais que oui, mais c’est une image que l’on doit montrer en utilisant divers moyens pour le faire, à travers des expositions permanentes, des congrès et des évènements dont l’objectif est de le faire connaître. C’est le visiteur interpellé par le saint linceul, qui essaie de comprendre son message.
Pour avoir accompagné tant de groupes, nous avons vu que le Suaire laisse des traces: beaucoup restent frappés ; nous avons aussi entendu les témoignages et les réflexions de personnes qui sont allées aux expositions permanentes, dont nous aurons l’occasion de parler durant le congrès.
A celle de Jérusalem, je me souviens d’un jeune garçon qui a dit : « je suis venu en Terre Sainte parce que je voulais essayer de trouver Jésus … je l’ai vu ici dans cette exposition ».
Le kérygme peut-il être concrètement renforcé par le signe du saint Linceul ?
P. Tovagliari – Le kérygme est déjà complet par l’annonce du Christ hier, aujourd’hui et toujours, il est renforcé par l’Esprit, mais s’actualise avec des grâces actuelles dans le parcours de chaque personne.
En réalité, le Suaire c’est quoi ? Ce n’est pas un objet de foi, mais cela peut être un vecteur, un canal, qui aide à ouvrir les esprits et les cœurs à la foi, et c’est en cela qu’il devient un outil pour évangéliser à nouveau. L’Evangile existe et il est toujours le même, mais il peut y avoir une nouvelle méthode, une nouvelle voie pour le transmettre.
Comment un signe muet peut-il parler ? N’est-ce pas contradictoire?
C’est la contradiction de l’Evangile : le Christ prêchait, puis il se retirait en silence pour prier, et ses disciples suivaient son exemple. Ils lui demandaient: « Apprends-nous à prier ». Le Suaire est un témoin qui, sans parler, révèle le moment où Jésus donne ce qu’il y a de plus haut, la passion, la mort et la résurrection. Dans ce visage silencieux mais lumineux d’amour, l’homme se sent interpellé: « Qui es-tu pour moi? » et « moi que puis-je faire pour Toi ? ».
Comment une image comme celle du Linceul, souffrante, peut-elle transmettre la beauté ?
Les images parlent, et c’est pour cela que l’Eglise, tout au long de son histoire, a construit des cathédrales ornées d’illustrations qui racontent l’Évangile. Mais celles-ci demandent une catéchèse adéquate, une explication adéquate.
Le Saint-Suaire se présente comme une image en sang, et c’est ça qui est bouleversant. Nous sommes habitués à voir sur nos lits, dans nos bureau, accroché au mur, le signe de la croix : le Linceul de Turin nous repropose la même image sous une forme vraiment bouleversante, certes crue mais en même temps humaine et divine : cette image de souffrance s’ouvre à une image d’amour, de transcendant et de résurrection.
Traduction d’Océane Le Gall
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