Dans le monde arabe, le Liban jouit de la réputation d’être le pays le plus attaché à la liberté de la presse. Une liberté que les caricaturistes et dessinateurs locaux ne manquent pas de revendiquer mais qui, face aux tabous de la société libanaise, demeure une conquête de tous les jours.
Le dessin satirique et la caricature sont ancrés de longue date dans le paysage médiatique libanais. Dès les années 1920, Ezzat Khorchid croquait les puissants dans ad-Dabbour. Petit à petit, la presse s’est ouverte à cette nouvelle forme d’expression et une nouvelle génération de dessinateurs est venue remplacer les précurseurs. Pierre Sadek, Jean Machaalani, René Najjar, Mahmoud Kahil et bien d’autres ont fait vivre au dessin éditorial libanais son âge d’or. Les années 1960 et 1970 ont marqué son apogée. Aujourd’hui encore, la plupart des journaux, qu’ils soient arabophones, anglophones ou francophones, accordent une place de choix au dessin de presse dans leurs colonnes. Même la télévision s’y est mise et les émissions politiques aiment à commenter les dessins du jour.
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La religion, tabou des tabous
Responsabilité. Il semble que ce soit le mot-clé pour définir la caricature et le dessin de presse au Liban. Sous bien des aspects, le pays reste une poudrière, et aucun illustrateur n’a envie d’être l’étincelle qui y mettra le feu. « En quinze ans de métier, on ne m’a jamais dit de faire ou de ne pas faire un dessin », tranche net Armand Homsi quand on lui pose la question. Installé dans une bulle de verre, au cœur de la rédaction du journal an-Nahar où il travaille, le dessinateur reconnaît néanmoins qu’il y a des sujets qu’il est difficile d’aborder. « La religion, par exemple. On sait que ça ne mènera nulle part, que ça peut déborder largement le cadre du dessin. Je n’appellerais pas ça de l’autocensure pour autant, c’est plutôt une réflexion préalable de ma part. »
Ses dessins sans commentaires, travaillés à la plume, ne manquent pas de mordant pour autant. « Ce qui compte, c’est qu’on ne puisse jamais dire que le dessin est faux. On l’aime ou on ne l’aime pas, mais il relate une réalité. » Armand Homsi a fait sien l’adage qui veut que la caricature soit « l’art de déformer une image pour en faire un tableau plus vrai ». La une d’an-Nahar du 23 septembre montrait Mahmoud Abbas remettant sa demande d’adhésion à Ban Ki-moon. Au dos du journal, Armand Homsi a dessiné les mêmes personnages, mais cette fois une paire de ciseaux symbolisant le veto américain vient couper le document en deux. « Vous voyez, ici le dessin est plus vrai que la photo », s’amuse-t-il.
Pendant dix ans, entre 1987 et 1997, l’illustratrice Michèle Standjofski a tenu une chronique illustrée dans L’Orient-Le Jour : « Beyrouth Déroute ». « Cela racontait le quotidien d’un couple de Beyrouthins. Les quatre premières années, le Liban était encore en pleine guerre, il y avait de la matière », se souvient-elle. Mais dans son univers, on préférait rire ou s’attendrir des conséquences de la guerre pour le Libanais moyen que d’en faire une analyse au vitriol. « Je commentais l’actualité sans la commenter vraiment. Quand on fait du dessin de presse, on est responsable de ce qu’on dit. Un minimum d’autocensure doit exister et cela a d’ailleurs toujours existé. »
Cela, les jeunes illustrateurs l’ont bien intégré ; ce qui ne veut pas dire qu’ils s’y résignent. À trente-six ans, Mazen Kerbaj est le fer de lance de cette nouvelle génération, même s’il ne le revendique pas. Son trait déjanté n’a jamais cherché à éviter les tabous, bien au contraire. « C’est justement ceux-là que j’essaie d’aborder par tous les moyens. » Remuer, déranger, choquer parfois : cela ne l’effraie pas. « Il est toujours possible de parler de tout, il suffit de trouver la manière de le faire passer à la censure, qu’elle soit morale, religieuse, d’État, ou de la presse elle-même. Ça pousse souvent à trouver des manières plus originales et créatives que si on faisait du premier degré. »