Le présent document approfondit la thématique explorée au niveau mondial à l’occasion d’un précédent rapport paru en février dernier.
A l’ombre du Brésil et de l’Argentine, le Paraguay est le premier producteur de marijuana du continent américain et une plaque tournante de choix pour les différents trafics (drogue, armes, prostitution). Longtemps sous la coupe d’une dictature militaire (1954-1989) qui s’est appuyée sur l’économie de contrebande, le pays a aujourd’hui cédé aux mafias internationales, en particulier aux cartels brésiliens qui en ont fait leur base arrière. Depuis la décennie 2000, la population doit également faire face à l’Armée du peuple paraguayen (EPP), dont les activités criminelles n’ont pas tardé à supplanter les prétentions de “guérilla révolutionnaire”.
Dans ce contexte, les journalistes, en particulier des provinces frontalières, évoluent dans l’isolement et sans moyens, obligés de trouver des sources auprès d’autorités souvent gangrenées par la corruption voire compromises avec le trafic. Si la violence envers la presse au Paraguay n’égale pas celle du Mexique, de la Colombie ou des pays d’Amérique centrale, elle le doit d’abord à une très forte autocensure qu’alimentent des pressions directes, un manque de soutiens des rédactions à leurs correspondants, ainsi qu’une impunité judiciaire presque totale dans les affaires les plus graves.
Le présent rapport souligne en même temps quelques raisons d’espérer. Aux frontières, la solidarité s’organise entre les journalistes paraguayens et leurs collègues brésiliens et argentins. En outre, la volonté de transparence de l’actuel gouvernement d’Asunción encourage la presse et la société civile, longtemps bâillonnées, à se mobiliser davantage sur des sujets sensibles.
En accord avec les représentants du FOPEP qui ont participé à cette mission, Reporters sans frontières estime que plusieurs initiatives urgentes, de nature à améliorer les conditions générales d’exercice du journalisme au Paraguay, peuvent être envisagées :
Une réforme du système judiciaire et pénal, impliquant un meilleur suivi administratif de l’activité des magistrats et des policiers, susceptible de mettre fin à l’impunité constatée dans les affaires d’assassinats de journalistes, ou les cas les plus graves d’atteintes au droit d’informer.
Le vote d’une loi d’accès garantissant aux journalistes et au-delà, aux citoyens une capacité de mise en question et de contrôle des politiques publiques.
Une législation encadrant plus nettement le financement des médias ou de toute autre entité ou organisation produisant de l’information d’intérêt public, de façon à protéger ces structures de toute opération d’infiltration ou blanchiment par le crime organisé.
Une limitation des procédures judiciaires assorties de demandes financières exorbitantes, dangereuses pour la situation économique personnelle des journalistes, parfois pour la survie de leur média.