Des ONG israéliennes dénoncent la presse locale qui paraît incapable d’exercer son esprit critique sur la guerre à Gaza.
« La couverture médiatique des premiers jours a été marquée par le sentiment de « cause juste » (…), à la suite d’une période de retenue perçue comme excessive face aux attaques de l’ennemi », dit à l’AFP Yizhar Be’er, directeur de Keshev, association spécialisée dans l’étude des médias israéliens. Dès le 28 décembre, au lendemain des premières frappes, le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot donne le ton en une avec un « Mieux vaut tard que jamais ». Son rival Maariv titre quant à lui : « Contre-attaque ». Les grandes chaînes de télévision couvrent minute par minute la « guerre dans le Sud », à grands renforts d’équipes dans les villes israéliennes cibles des roquettes, quand leurs homologues du monde entier parlent de « guerre de Gaza ». Il existe « une couverture patriotique de la guerre », admet sous couvert d’anonymat un responsable de la chaîne privée « 10 ». Mais elle « n’est pas le résultat d’une démarche consciente », assure-t-il.
Si plus de 1 000 Palestiniens ont été tués en 20 jours, l’enfer vécu par la population de Gaza trouve peu d’écho. Pour exemple, la mort de plus de 40 Palestiniens dans le bombardement de trois écoles de l’ONU, le 6 janvier. L’armée israélienne a assuré que les bâtiments étaient utilisés par des combattants palestiniens, avant de reconnaître sur le tard qu’il s’agissait d’une erreur tragique. Dans ce cas, « il n’y a eu aucune étude indépendante des faits par les médias, qui s’en sont complètement remis à la version de l’armée (…) quand bien même le porte-parole n’était pas sûr de ces faits », souligne M. Be’er.
Cette absence de recul a été dénoncée par huit ONG locales. « Les points de vue critiquant la décision de lancer l’offensive ou le comportement de l’armée dans la guerre sont à peine audibles », ont-elles déploré dans une lettre aux rédacteurs en chef des journaux, chaînes de télévision, radios et sites d’information. « La grande majorité des points de vue que l’on entend dans les médias sont quasiment unanimes (…). Malheureusement, il n’y a pas de débat sur la justification de la manière dont Israël se comporte », ajoute le texte. Les « “incidents” très meurtriers à Gaza » sont évoqués même si « peu de critiques » sont émises, se défend le responsable de la chaîne 10. Surtout, il évoque la complexité de « couvrir » le conflit, alors que l’armée limite sévèrement ou interdit l’accès à la bande de Gaza aux journalistes. L’impossibilité de se rendre dans le territoire palestinien, en vigueur depuis des mois, et le contrôle strict par l’armée de l’information en provenance des champs de bataille rendent très délicat l’accès à une information indépendante, clame-t-il.
Une situation qui tranche avec la guerre de l’été 2006 contre le Hezbollah. À l’époque, les médias israéliens avaient joué un rôle majeur dans les critiques sur la conduite de la guerre, soulignant ses carences. Une commission d’enquête avait été créée et le gouvernement d’Ehud Olmert critiqué.
Pour Akiva Eldar, éditorialiste au Haaretz, quotidien qui fait exception en accordant une large place aux morts de Gaza, le « mal » est toutefois plus ancien : « Depuis le déclenchement de la seconde intifada, en 2000, les médias disent que les Palestiniens sont les fautifs », dit-il. Selon lui, « à partir du moment où des civils israéliens sont touchés dans des attaques menées à l’intérieur du pays, les médias présentent la réponse israélienne comme une (…) guerre défensive inévitable ».
Par ailleurs, selon un sondage rendu public hier, 78 % des Israéliens estiment que l’opération menée dans la bande de Gaza est un succès. 13 % des sondés pensent qu’il s’agit d’un échec et 9 % sont sans opinion.
L'Orient Le Jour 16.01.2009