spécialement quand « aucune procédure civile n'est possible ou du moins voulue par la victime ».
« Comme les autres évêques, je n'ai cessé de répéter, depuis le 23 avril dernier, que les victimes doivent toujours s'adresser par priorité à la justice civile, qui seule est habilitée à déterminer la réalité et la gravité des faits et à définir s'ils sont prescrits ou non », déclare l'archevêque de Malines-Bruxelles qui ajoute : « Tout cela est du ressort exclusif de la justice ».
Dans une lettre, où il rétablit la vérité sur les propos qu'on lui a prêtés à propos du sida, de l'homosexualité et de la gestion de la pédophilie (cf. Documents pour le texte intégral), Mgr Léonard redit sa position en la matière : « Nous renvoyons systématiquement les plaignants à la justice civile et aux organismes publics agréés pour recevoir ce genre de plaintes ». C'est la raison pour laquelle les évêques ont renoncé à mettre en place une nouvelle « Commission-Adriaenssens », et ceci en dépit des « grands services que celle-ci a rendus à de nombreuses victimes ».
Mais l'archevêque parle des dossiers internes à l'Eglise qui doivent être rédigés, « en plus des procédures civiles » et envoyés à la congrégation romaine ad hoc.
Il rappelle que « la Congrégation pour la doctrine de la foi tient en effet à s'assurer que, dans chaque diocèse concerné, l'évêque accomplira son devoir ».
C'est à cet organisme que Jean-Paul II a confié, en 2001, la charge de « déterminer les peines canoniques (c'est-à-dire prévues par le droit de l'Eglise) qui devront éventuellement être infligées aux abuseurs (retrait de toute charge pastorale, interdiction de célébrer la messe, perte de l'état clérical, etc.). »
« En attendant les décisions romaines pour chaque cas, l'évêque doit, bien sûr, si les faits semblent établis, prendre les mesures préventives immédiates qui s'imposent, surtout quand il y a risque de récidive », précise Mgr Léonard.
Que faire donc, ad intra pour « des prêtres, souvent très âgés, qui se sont rendus coupables de tels abus ».
Après avoir répété que les victimes doivent « s'adresser à la justice et/ou aux organismes publics agréés », il pose la question : « Que faire si les plaintes ont été classées par la justice parce que les faits étaient prescrits à ses yeux, ou quand les victimes se refusent obstinément à s'adresser à la justice ? Dois-je, en apprenant les faits, souvent très anciens, imposer aussitôt une punition canonique publique, sans même attendre le jugement de Rome ? »
Il cite cet exemple : « Des victimes étaient venues me raconter leur tragique histoire vécue avec un prêtre qui avait gravement abusé d'elles. Elles m'ont dit explicitement : « nous ne voulons pas aller en justice ; c'est d'ailleurs de toute façon trop tard ; nous ne voulons pas non plus que ce prêtre, vieux et malade, soit mis publiquement au pilori ; nous demandons seulement que vous alliez le trouver et que, devant vous, il reconnaisse le mal qu'il a nous a fait et dont nous souffrons encore aujourd'hui ». »
L'archevêque rapporte cette rencontre avec un vieux prêtre qu'il est allé trouver : « Il m'a dit, après que je lui eus raconté ma rencontre avec la victime : « Je n'avais jamais parlé à quiconque de ce chapitre noir de ma vie ; je suis heureux de pouvoir le reconnaître devant vous avant de mourir ». Je lui ai demandé s'il accepterait de rencontrer la victime et d'enfin reconnaître devant elle le mal qu'il lui avait infligé. Il m'a dit que « oui » et que ce serait un grand soulagement de pouvoir le faire, enfin, avant sa mort. J'ai repris contact avec les victimes, qui m'ont dit leur joie profonde en entendant cela et m'ont confirmé leur intention de rencontrer ce prêtre. J'en ai été profondément ému. Jusqu'aux larmes. »
« Quand aucune procédure civile n'est possible ou du moins voulue par la victime, il n'est pas déraisonnable d'estimer que permettre enfin à l'abuseur de reconnaître son forfait en présence de l'abusé est peut-être plus profitable pour l'un et l'autre que d'interdire simplement à ce vieux prêtre de concélébrer désormais à la messe célébrée par l'aumônier de sa maison de repos. Dans les cas que j'ai vécus personnellement, les victimes ne souhaitaient manifestement pas cette punition publique in extremis, cette espèce de vindicte finale. Elles souhaitaient surtout que la vérité odieuse des faits soit enfin reconnue par leur auteur même », a expliqué Mgr Léonard.
Mgr Léonard distingue donc entre le plan de la justice civile et celui de la responsabilité pastorale : « C'est justement la responsabilité pastorale de l'Eglise que, la justice civile ayant accompli son travail quand il est encore possible, les victimes soient écoutées avec un infini respect et que les abuseurs reconnaissent enfin leur crime. »
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