Or, ce « désir de Dieu » n’a pas disparu et ne disparaitra jamais, commente l’historien et sociologue des religions Massimo Introvigne, en citant les paroles du pape.
Il analyse pour les lecteurs de Zenit la voie à suivre proposée par le pape pour décrypter puis soigner ce désir qui « est inscrit dans le cœur de l’homme » :
Le Catéchisme de l’Eglise catholique le réaffirme très clairement: « Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher » (n. 27).
Or, le pape relève que s’il y a encore des cultures où cette affirmation « semble tout à fait partagée, presqu’évidente », il y en a d’autres comme « dans le cadre de la culture occidentale sécularisée » où cette thèse est presque perçue comme « une provocation », beaucoup de nos contemporains pouvant en effet objecter de ne « sentir en rien ce désir de Dieu ». Pour de larges couches de la société, Il n’est plus « l’attendu » le « désiré », mais plutôt une réalité qui laisse indifférent, devant laquelle on ne doit même pas faire l’effort de se prononcer. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Le désir de Dieu, explique le pape, « n’a pas complètement disparu », et dans un certain sens il ne peut pas disparaître et ne disparaîtra jamais.
Benoît XVI invite à relire sa première encyclique, que beaucoup ont peut-être oubliée, Deus caritas est, où il affirme qu’à une époque sécularisée comme la nôtre il ya encore « un moment d’extase, de sortie de soi », un « endroit où l’homme sent qu’il est traversé par un désir qui le dépasse »: c’est l’expérience de l’amour entre l’homme et la femme, qui expérimentent de manière nouvelle, l’un par l’autre, la grandeur et la beauté de la vie et du réel ». Même là où le désir de Dieu semble avoir disparu, il reste le désir d’un amour vrai et total, pas facile à trouver et à réaliser, sur la route duquel « on doit s’exercer, s’entrainer, et même se corriger » pour arriver au but.
L’amour pourra partir du classique coup de foudre, mais ce n’est qu’avec le temps et avec une sorte de travail sur soi que « l’homme pourra progressivement approfondir sa connaissance de cet amour qu’il avait expérimenté au début ». Grâce à ce travail, chacun finira par découvrir un mystère : qu’aucun homme, aucune femme « n’est en mesure d’étancher le désir qui habite le cœur humain, au contraire, plus l’amour de l’autre est authentique, plus il laisse entrevoir la question de son origine et de sa destinée, de la possibilité qu’a cet amour de durer pour toujours ». A la fin, l’amour entre l’homme et la femme nous met « face au mystère qui entoure toute l’existence », il nous renvoie – si nous avons le courage d’aller jusqu’au bout, de ne pas nous fermer aux conséquences ultimes – à Dieu.
Et ceci ne vaut pas seulement pour la relation entre un homme et une femme mais vaut aussi pour « l’amitié, l’expérience du beau, l’amour de la connaissance : tout bien expérimenté par l’homme tend vers le mystère qui enveloppe l’homme ; tout désir qui se manifeste au cœur humain se fait l’écho d’un désir fondamental qui n’est jamais pleinement rassasié ». Comprenons bien, dit le pape : ces expériences ne permettent pas d’arriver « directement » à la foi. « On ne saurait connaître Dieu à partir uniquement du désir de l’homme ». Toutefois, quand nous voyons la personne aimée, une œuvre d’art, un paysage enveloppé dans une lumière mystérieuse, surgit en nous « le désir de connaître la lumière qui fait briller les choses du monde et qui, avec elles, éveille le sens de la beauté ».
Comprendre que cette lumière est Dieu n’est plus évident ni automatique, car aujourd’hui nous vivons une époque « réfractaire à la dimension transcendante ». Il faut que quelqu’un nous aide à travers « une sorte de pédagogie du désir » en deux étapes. Dans la première, nous devons « apprendre ou réapprendre le goût des joies de la vie authentique » dans tous les domaines : « la famille, l’amitié, la solidarité avec ceux qui soufrent, le renoncement de soi pour servir l’autre, l’amour de la connaissance, de l’art, des beautés de la nature ».
« Contre la banalisation et l’aplatissement si diffus aujourd’hui » il faut éduquer tout jeunes les enfants à exercer leur « goût intérieur », « en se purifiant de cette médiocrité dans laquelle ils peuvent se trouver entraînés. La beauté ça s’apprend et ça s’enseigne.
La seconde étape consiste à « ne jamais se contenter de ce que l’on a obtenu »: il est juste, en termes de beauté, de vouloir toujours plus, ce qui nous portera à « percevoir de plus en plus clairement que rien de ce qui est fini ne peut combler notre cœur ». Peut-être, admet le pape avec franchise, que ce désir nous conduise sur des mauvais chemins. Alors dans ce cas-là aussi, il nous dit de ne jamais oublier que « le dynamisme du désir est toujours ouvert au salut. Même lorsqu’il se présente sur des chemins détournés, lorsqu’il poursuit des paradis artificiels et semble perdre sa capacité à aspirer au véritable bien ». Nous devons tous (et nous pouvons tous) « parcourir un chemin de purification et de guérison du désir ». Il ne s’agit jamais « d’étouffer le désir qui habite le cœur de l’homme, mais de le libérer, afin qu’il puisse atteindre sa vraie hauteur ».
Beaucoup n’ont pas encore réussi à appeler Dieu la lumière vers laquelle tend inconsciemment leur désir. Mais qui «se laisse interroger avec sincérité par le dynamisme de son propre désir » est au moins déjà sur le chemin qui conduit à la foi.
zenit