Marquée par un entretien avec le président français Nicolas Sarkozy, la journée parisienne d'hier du patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, a été l'occasion de creuser avec ses interlocuteurs une série de thèmes, notamment la situation des chrétiens d'Orient,
la conjoncture régionale sous l'angle des inquiétudes suscitées par les menaces israéliennes répétées contre le Liban et la Syrie, et la nécessité d'une véritable entente entre les parties libanaises qui permettrait au gouvernement d'accélérer son action, notamment au niveau des réformes.
Avec le président Sarkozy, qui l'a accueilli sur le perron de l'Élysée et l'a reçu durant près de 30 minutes, le chef de l'Église maronite a échangé des vues sur diverses questions dont les trois thèmes susmentionnés. C'est Mgr Sfeir qui a exposé la situation au Liban et dans la région, sans oublier bien entendu l'affirmation de la solidité des liens entre Bkerké et la France en particulier, et entre le Liban et la France en général.
Le président français a surtout écouté son hôte, a indiqué une source proche de l'Élysée, ajoutant que le chef de l'État n'a pas manqué de poser des questions tout en manifestant son grand intérêt sur les sujets évoqués.
À l'issue de cet entretien, le patriarche a déclaré aux journalistes qu'il voulait avant tout remercier son hôte pour son accueil et la réaffirmation du soutien de la France au Liban. Il a ajouté qu'il y a eu un échange de vues sur le Liban en général signalant que le président Sarkozy connaît bien la situation au pays du Cèdre, « autant que nous »… et réaffirmant que la France ne ménagera aucun effort pour aider le Liban.
« Nous avons remercié le président pour ses sentiments », a encore dit Mgr Sfeir, qui a souhaité que « les liens d'amitié entre ce petit pays qu'est le Liban et le grand pays qu'est la France se maintiennent et se poursuivent comme par le passé. »
En réponse aux questions des journalistes, le patriarche maronite a réaffirmé que la question des chrétiens d'Orient a été évoquée à l'Élysée, rappelant que leur nombre se réduit du fait d'un exode massif et souhaitant que la situation se stabilise afin de permettre aux chrétiens se trouvant à l'étranger de revenir dans leurs pays respectifs au Moyen-Orient. Le cardinal Sfeir a ajouté que le président Sarkozy restera toujours aux côtés du Liban et qu'il restera à l'écoute de ses problèmes. Il a conclu en exprimant sa satisfaction pour le soutien ferme et constant de la France, souhaitant que ce soutien se maintienne.
Confirmant les grandes lignes de la réunion Sarkozy-Sfeir, une personnalité proche de l'Élysée a tenu à rappeler que la France est l'amie de tous les Libanais et que les entretiens de l'Élysée ont abordé diverses questions locales et régionales, dont les difficultés que rencontrent les chrétiens d'Orient dans leur vie quotidienne. Il a ajouté que la coopération franco-libanaise dans divers domaines a été évoquée et que le président Sarkozy a réaffirmé que cette coopération se poursuivra et se renforcera.
Ce haut responsable élyséen a indiqué qu'en ce qui concerne les chrétiens d'Orient, c'est le patriarche qui a exposé leur situation à la lumière de sa récente rencontre à Chypre avec le pape, expliquant la gravité de la situation des chrétiens d'Irak et aussi l'inquiétude que l'on peut éprouver face à la poursuite de l'émigration de jeunes Libanais.
Prié de dire s'il a été question des relations libano-syriennes, ce responsable a déclaré que le sujet n'a pas été évoqué sous cet angle-là, mais par le biais de la réaffirmation par les parties libanaise et française de l'indépendance et de la souveraineté du Liban. Il en est de même de la question des armes extralégales, qui a été abordée sous l'angle de la nécessité de l'établissement par l'État libanais de son autorité sur l'ensemble de son territoire.
Avant de se rendre à l'Élysée, le patriarche Sfeir s'était rendu à l'Assemblée nationale, où il a rencontré les membres de la commission des Affaires étrangères qui lui ont posé des questions pertinentes sur la conjoncture libanaise, la situation dans la région et les problèmes qui se posent sur le plan interne, notamment les obstacles qui ralentissent l'action du gouvernement.
À l'issue de son entretien, le patriarche a précisé que le Liban souhaite avoir de bonnes relations avec tous ses voisins, notamment le plus proche, la Syrie. « Cependant, cette relation n'a pas toujours été comme il fallait qu'elle soit », a-t-il dit, évoquant « des pressions iraniennes par le biais du Hezbollah, qui a sa propre stratégie et ses propres intérêts ». « La majorité des Libanais n'est pas d'accord avec la présence de deux armées au sein d'un seul État », a-t-il dit, estimant que le Hezb peut introduire des armes au Liban par le biais d'un soutien arabe. Il a ajouté que l'arme nucléaire « effraie le monde ».
L'hôte de la France devait ensuite rendre visite au président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, à l'hôtel de Lassay pour un entretien empreint de la plus grande courtoisie. M. Accoyer s'était rendu au Liban récemment, tout comme d'ailleurs le président du Sénat, M. Gérard Larcher. Comme son homologue du palais du Luxembourg, le président Accoyer a réaffirmé le soutien des parlementaires français, toutes tendances confondues, au Liban, à son peuple et à son gouvernement.
En soirée, le patriarche Sfeir a été l'invité d'honneur d'un dîner organisé au Quai d'Orsay par le ministre des Affaires étrangères et européennes. Ce dîner a permis à Mgr Sfeir et à son hôte d'approfondir un certain nombre de questions évoquées tant à l'Élysée que lors des autres entretiens franco-libanais tenus durant ces deux derniers jours.
En guise de bilan de la journée éminemment politique du séjour du patriarche Sfeir en France et avant le dîner d'hier au Quai d'Orsay, le ministre Bernard Kouchner et son hôte ont reçu un groupe restreint de journalistes pour un entretien à bâtons rompus dont les points principaux, au gré des questions-réponses, étaient les suivants :
Pour le patriarche, la France « n'a pas changé de politique car elle maintient le même cap. Et puis on ne demande pas à la France d'être avec les uns contre les autres. C'est pour cela qu'elle doit ménager tout le monde ». Selon lui, « l'émigration des jeunes doit être stoppée, mais on ne peut pas blâmer ceux qui partent pour trouver des emplois. Ceux qui restent dans les pays arabes pourraient revenir, mais pour ceux qui vont en Australie ou au Canada, cela est plus difficile ». Enfin, « la réconciliation des chrétiens est difficile, dit-il, car ils sont divisés et ils le disent, alors que les autres communautés connaissent elles aussi des divergences, mais elles ne l'expriment pas ».
De son côté, Bernard Kouchner a estimé qu'il existe « un danger général d'intolérance dans la région, mais pas au Liban. L'été s'annonce bien et les banques sont dans une bonne situation. Pour l'avenir, il faut de la sagesse politique et tout finira par s'équilibrer ». Sur les relations Liban-Syrie, le ministre des Affaires étrangères estime qu'« il y a des progrès, mais que cela reste insuffisant ». « Nous n'avons rien à apprendre sur le Liban, sauf des leçons de la réalité libanaise, et c'est cela qui nous intéresse », ajoute-t-il. Et de conclure : « Pour le suivi de la visite du patriarche, j'irai lui rendre visite au Liban… »
Il convient de signaler qu'aujourd'hui, le patriarche doit rencontrer un certain nombre d'intellectuels libanais de France et donner diverses interviews à des journaux, radios et chaînes de télévision françaises et libanaises.
L'orient le jour