S’étant lancé d’abord dans les films documentaires, Gilles Tarazi, souvent présent sur les tournages en tant qu’assistant de Randa Chahall, Ghassan Salhab ou sa collègue Dzovig Torikian,
aborde pour son premier court-métrage, intitulé « Tomorrow, 6h30 », le sujet du départ. Un thème brûlant, mais qui ne semble pas effrayer le jeune cinéaste qui l’entame de front.
C’est en travaillant comme assistant sur une œuvre cinématographique que Gilles Tarazi, parti du Liban pour poursuivre ses études en France, décide de participer à un concours organisé par la maison « Le Film court ». Son scénario en main, baptisé alors Butterflies, esquisse de son film actuel, lui permet d’emporter le prix décerné par cet organisme et lui balise le chemin de sa carrière de cinéaste indépendant.
« J’avais déjà travaillé sur plusieurs films en tant qu’assistant et réalisé des documentaires, dit Tarazi, mais c’était la première fois que je signais ma première œuvre de fiction. »
Ce grand jeune homme aux yeux clairs parle de ce court-métrage comme l’aboutissement d’une grande aventure qui a commencé il y a quelques années. « En arrivant en France, je voulais me spécialiser dans les documentaires. » Quelques mois plus tard passés dans la prison de la Santé, dans l’atelier de vidéo avec les prisonniers, l’artiste change d’avis et opte pour la fiction : « J’ai eu envie de faire des films avec des comédiens, des costumes et tout le reste. »
Un parcours difficile
Des difficultés ? Gilles Tarazi va en connaître, surtout avant le tournage. Mais une fois le financement assuré, « principalement avec mes économies », dit-il en rigolant, le casting et la société de production (Cactus Films) seront au rendez-vous. C’est en collaboration avec une collègue, Dzovig Torikian, que Tomorrow, 6h30 démarre.
Un film qui évoque le départ d’un jeune homme et la dernière journée passée parmi ses parents et amis. Allusion à son départ à lui ? « J’ai vécu l’enjeu d’un départ et je sais que cela transforme une personne », répond-il sans s’attarder sur d’autres détails. « C’est pourquoi, poursuit-il, je sais que les moments qui précèdent un voyage sont un petit départ en soi car ils supposent une rupture avec les personnes et les lieux qu’on aime. » « Mon caractère principal, avoue Tarazi, semble hautain, dur et distant, mais aussitôt que l’heure du voyage approche, le masque tombe et on fait face à un être faible et sensible ».
Le personnage étant en perpétuel mouvement, le film s’articule donc constamment sur une action et ne s’arrête que lorsque l’acteur est pris dans l’étau de sa décision et qu’il ne peut plus reculer. C’est alors le règne du non-mouvement, du statique.
Sans aucun pathos ni mélodrame, soutenue par une absence de musique, l’action avance au fil des allers-retours d’une voiture. « Je n’aime pas les sentiments appuyés, ni forcer les émotions des spectateurs. J’aime ce qui est évoqué, non dit et surtout lorsqu’on oublie l’existence de la caméra dans un film, souligne Gilles Tarazi. Retient-on dans une œuvre le travelling ou l’effet que procure ce travelling ? »
Tomorrow, 6h30 est une œuvre intimiste, bien ciselée, révélant une bonne maîtrise de la caméra et une profonde connaissance des rouages cinématographiques. Les comédiens, issus de l’école des arts scéniques de l’Université libanaise, achèvent d’offrir un dialogue spontané et réaliste.
Une première œuvre tout en finesse et en pudeur, et qui promet un bon « départ » à son réalisateur.
Colette KHALAF- L'Orient Le Jour 30.06.2008