«Nous avons assuré que nous serons de retour et nous le sommes. Notre voix s’élève contre vos balles et nos images sont diffusées contre vos armes. Nous sommes le “futur” et vous serez toujours le passé. »
Beirut Hall à Sin el-Fil, 16h30. Sahar el-Khatib, la journaliste qui a suscité beaucoup d’émotion quand elle avait exprimé sa révolte contre la fermeture de son institution lors d’une intervention vendredi dernier à la LBC, a donné hier le coup d’envoi à la rediffusion de la Future News et la Future TV, au terme de près de cinq jours de fermeture forcée suite aux menaces formulées par le Hezbollah contre les journalistes des chaînes. Radio-Orient a également repris ses programmes. Quant au quotidien al-Mustaqbal, il sera publié à partir de ce matin.
Dans quelles conditions les médias du Courant du futur reprendront leur travail ? « Nous revenons à l’antenne sans aucune garantie de sécurité, explique à L’Orient-Le Jour le directeur de l’information Imad Assi. Nous reprenons nos programmes comme à l’accoutumée, mais avec des moyens plus modestes. Nous estimons nous trouver actuellement dans un endroit sûr. Mais il faut préciser que l’ensemble du pays n’est pas en sécurité. Nous revenons parce que nous sommes déterminés à faire entendre notre voix. La peur n’a pas sa place dans ce projet. »
Contacté par la LBC, Nadim el-Mounla, directeur général de la Future News, a de son côté assuré que les médias du Courant du futur reprennent leurs activités avec pour slogan : « La parole face aux armes. Notre mot est le plus fort. » « Notre nouvelle politique consiste à refléter la souffrance des Libanais et les agressions qu’ils subissent, a-t-il poursuivi. La partie qui a obligé les médias du Courant du futur à fermer leurs portes voulait par ces actes couvrir les violations et les offensives qui se sont déroulées à Beyrouth et dans les autres régions. Cette partie doit être consciente que ces actes sont absurdes et que personne ne peut faire taire la voix libre et la parole libre. »
M. Mounla a par ailleurs déclaré qu’il fera assumer l’entière responsabilité au mouvement Amal et au Hezbollah d’autres répressions sur les journalistes, les employés et les locaux des médias du Courant du futur.
Sit-in à Kantari
Auparavant dans la journée, des journalistes et des employés des médias du Courant du futur, rejoints par des collègues de différents autres médias, avaient observé, de 10h à 12h, pour la deuxième journée consécutive un sit-in dans les locaux de la Future News à Kantari. Wajd Ramadan est la rédactrice en chef du journal en langue française sur la Future News. Jeudi soir, elle était encore au siège de la Future News lorsque les attaques ont commencé. « En plus d’une atteinte à la liberté d’expression, ces attaques émanent d’une volonté flagrante de faire taire la voix des habitants de Beyrouth au moment de l’invasion, dit-elle indignée. Nous sommes certes visés en tant que médias et journalistes. Mais nous le sommes aussi pour notre appartenance. Un média peut rouvrir. Mais des miliciens qui ont cette haine pour ton appartenance est plus grave. Et c’est là où se situe le vrai danger. On l’a vu au Rwanda où les gens ont été massacrés pour leur appartenance. »
Ali Matar est journaliste et scénariste au quotidien al-Mustaqbal. « Lorsque j’ai eu écho des attaques contre les institutions du Courant du futur, j’ai eu le sentiment que je vivais sous un régime totalitaire, confie-t-il. Je suis convaincu que ce qui s’est passé est contre l’évolution de l’histoire et contre la loi de la vie. Ces actes seront vaincus tôt ou tard. »
De son côté, Rimielle Nehmé, journaliste à Radio-Orient, avoue ne pas avoir été choquée par cette attaque contre les médias du Courant du futur. « Les médias ont toujours été un bouc émissaire, affirme-t-elle. Je suis triste. Je me sens humiliée et j’éprouve une immense honte de donner cette image de violence et de milices au monde. Mais j’espère que les médias auront un sursaut de conscience pour se remettre en question, d’autant qu’ils sont devenus politisés. Ils ne sont plus objectifs, mais la voix des partis politiques auxquels ils sont rattachés. »
Nada MERHI- L'Orien Le Jour 14.05.2008