« Votre détermination à défendre la presse libre est remarquable », salue Virginie Jouan, directrice de la WAN-IFRA, à l'ouverture de ce IVe Forum annuel de la presse arabe indépendante, devant un parterre de journalistes, venus pour l'essentiel du monde arabe.
Alors qu'à Beyrouth, le 2 juin, a eu lieu la 5e commémoration de l'assassinat de l'éditorialiste au an-Nahar Samir Kassir, ils se réunissaient hier et aujourd'hui à l'hôtel Monroe pour examiner la possibilité pour les médias arabes de réaliser leur mission en toute indépendance.
Les coups de boutoir du « soft-censorship »
Telle est la méthode qui semble prévaloir dans le monde arabe pour museler une presse qui parlerait trop fort. Sous la houlette du directeur juridique de la Media Legal Defense Initiative, Aboubakr Jamaï (journaliste fondateur du Journal hebdomadaire marocain, récemment dissous), Samir Jubran (ancien rédacteur en chef d'al-Masdar au Yémen), Nidal Mansour (directeur exécutif du Centre de défense de la liberté des journalistes en Jordanie) et Yousef Ahmad (consultant pour l'Index de la censure et membre de l'IFEX en Tunisie) évoquent les méthodes sourdes, utilisées dans leurs pays respectifs, pour entraver le travail des journalistes. Méthodes d'autant plus difficiles à combattre qu'elles se prévalent souvent de valeurs louables : sécurité nationale, prévention de la diffamation, etc., mais qui se traduisent par une forme de harcèlement judiciaire à l'égard des médias. « Ce sont des restrictions législatives cohérentes, mais qui sont mal utilisées », explique Samir Jubran. Aboubakr Jamaï évoque également comment son hebdomadaire a subi ce qui s'apparente à une censure économique, quand les agences publicitaires, qu'il dit de connivence avec le gouvernement, cessent de travailler avec lui. La publication tirait alors près de 40 % de ses revenus de la publicité. Aujourd'hui, elle est condamnée. Dans l'assemblée, on évoque la possibilité pour les gouvernements occidentaux de faire pression sur les pays concernés. Mais ces formes de censure sont trop ténues, trop subtiles pour qu'une puissance étrangère puisse y faire quoi que ce soit. « La majorité des gouvernements occidentaux appuie nos gouvernements », ajoute Aboubakr Jamaï. Il porte cependant ses espoirs sur la société civile et rappelle aux journalistes cet élément d'éthique professionnelle : « Notre seule arme, c'est la transparence. »
C'est au journaliste Kamel Labidi qu'a été confiée la tâche de rendre hommage à Samir Kassir. Il a appelé les autorités responsables à mener sérieusement l'enquête devant aboutir à identifier les coupables. Des criminels qu'il n'a pas hésité à qualifier de « chiens errants ».
L'information, parent pauvre d'Internet
C'est du divertissement que l'on cherche sur Internet, d'après une étude menée par Jad Melki, professeur assistant en journalisme à l'Université américaine. Le contenu de ses travaux brise par ailleurs un grand nombre d'idées reçues sur l'utilisation d'Internet. Alors qu'on vantait ce média participatif, qui devait permettre à chacun de s'exprimer librement, on constate aujourd'hui que les internautes sont plus consommateurs de contenus que créateurs. Le journaliste palestinien Daoud Kuttab, fondateur d'AmmanNet, en Jordanie, constate par ailleurs que ce média que l'on croyait inaccessible pour les censeurs n'échappe pas à la répression. Il s'appuie notamment sur les exemples de bloggeurs arrêtés pour leur prises de position. « Du Golfe à l'océan, le monde arabe est très répressif par rapport à Internet », dit-il.
Des initiatives pour que la presse vienne aux jeunes
Les jeunes ne lisent pas la presse, la presse doit donc venir à eux. Tel était enfin le mot d'ordre de plusieurs organisations représentées au forum. Mildrade Cherfils, coordinatrice du programme « Jeunes Lecteurs » de la WAN-IFRA, a expliqué comment son organisation tente de faire des journaux un nouveau support pédagogique en travaillant dans les écoles.
L'orient le jour