S’agit-il d’une coïncidence ou les organisateurs l’ont-ils voulu ainsi ? La présence du patriarche au Chouf tombe, à trois jours près, 10 ans après la tournée que son prédécesseur, le cardinal Nasrallah Sfeir, avait effectuée dans cette région, les 3 et 4 août 2001, pour y sceller la réconciliation nationale avec le chef du PSP, Walid Joumblatt. Une cérémonie officielle avait été organisée pour l’occasion à Moukhtara. Elle coïncide également avec la 10e commémoration des rafles arbitraires et sauvages effectuées juste après dans les rangs des militants aounistes contre l’occupation syrienne du Liban. Des rafles effectuées pour court-circuiter principalement les retombées positives de la réconciliation du Chouf où Mgr Sfeir et M. Joumblatt avaient tous deux promis que la page de la guerre était à jamais tournée, prôné un dialogue national et plaidé pour la coexistence.
Mais cette année, le chef du PSP, Walid Joumblatt, n’était pas au rendez-vous. En visite en Turquie, c’est son fils Taymour qui l’a représenté à la messe solennelle organisée en présence du président Michel Sleiman, en l’église Notre-Dame du Tell de Deir el-Qamar, à l’occasion de la fête de Notre-Dame du Tell.
Un accueil populaire avait été organisé à l’entrée de la ville à Mgr Raï, qui a pris à pied le chemin de l’église, entouré des notables et des habitants de la région.
La messe s’est déroulée en présence du chef de l’État, du ministre des Déplacés, Alaeddine Terro, de M. Taymour Joumblatt, représentant le chef du PSP, des députés Akram Chehayeb, Élie Aoun, Marwan Hamadé et Georges Adwan, de l’ancien ministre Nagi Boustany, du caïmacam du Chouf, Georges Salibi, du président du conseil municipal de Deir el-Qamar, Antoine Boustany, et d’un grand nombre de notables et de personnalités religieuses chrétiennes et druzes de la région.
« Dangers internes et externes »
Dans son homélie, Mgr Raï a rappelé l’histoire de la fête de Notre-Dame du Tell (Notre-Dame de la Colline) proclamée en 1951, avant d’aborder les questions politiques. Il a notamment exprimé l’espoir que le chef de l’État parviendra à « concrétiser son souhait de relancer le dialogue national entre les dirigeants et les représentants du peuple, dans le but de rétablir la confiance entre eux et les différentes composantes de la société libanaise, de protéger le Liban contre les dangers internes et externes et de s’entendre sur une stratégie nationale de défense ».
Après avoir rappelé le souhait exprimé en ce sens par M. Sleiman dans le discours qu’il avait prononcé à Amchit, le 16 juillet dernier, le patriarche a affirmé qu’il aspire à ce que la conférence nationale du dialogue « se développe pour devenir un congrès national général qui permettra l’établissement d’un nouveau pacte national qui se fondera sur le pacte actuel et sur la coexistence, de manière à ce que les deux deviennent compatibles avec les défis auxquels le monde arabe est confronté et les exigences de la mondialisation ».
Au terme de la messe, qui s’est déroulée dans la cour de l’église, Mgr Raï a levé le voile d’une plaque commémorative de la visite.
Deir el-Qamar était la deuxième étape de la tournée du patriarche au Chouf où il est arrivé le matin. La première étape a été Beiteddine où il a eu avec le président Michel Sleiman un entretien en tête à tête qui a porté sur l’actualité locale et régionale. À la même occasion, il a effectué une tournée dans les différentes ailes du palais qui est, comme on le sait, la résidence d’été du chef de l’État.
Hamadé : « Un printemps chrétien »
Dans la journée, il a visité plusieurs villages du Chouf où un accueil populaire lui était à chaque fois réservé. Dans le discours qu’il a prononcé à la bibliothèque nationale de Baakline où une cérémonie a été organisée pour le patriarche, le député Marwan Hamadé a d’emblée rappelé la visite de Mgr Sfeir au Chouf en 2001, soulignant que celle de Mgr Raï, « placée sous le signe de la communion et de l’amour, consacre et renforce la réconciliation ». Il a en outre relevé que le patriarche « concrétise cette réconciliation par des initiatives et des actes quotidiens » dans lesquels il a dit voir « un nouveau printemps chrétien authentique qui n’est pas loin du printemps arabe, dans sa quête de liberté et dans ses efforts pour que la démocratie prenne le dessus sur toute forme de tyrannie ». M. Hamadé a ensuite mis l’accent sur la concorde et la cohésion qui subsistent à Baakline « et sur lesquelles notre ami, Walid Joumblatt, insiste ».
Prenant à son tour la parole, le chef de l’Église maronite a rendu hommage au chef du PSP, « artisan de la réconciliation nationale avec Sa Béatitude », Mgr Sfeir. Au terme de la cérémonie, M. Hamadé a remis à son hôte une série d’ouvrages sur Baakline, et a planté un olivier dans le jardin de la bibliothèque.
Le patriarche clôturera aujourd’hui sa tournée dans le Chouf. Il doit être accueilli le matin par le député Mohammad Hajjar, le commandement du Courant du futur et les responsables locaux des différentes localités à sa première étape, au couvent Mar Charbel, à Jiyeh.
Dans le caza de Saïda
Samedi, le patriarche maronite a effectué une tournée dans le caza de Saïda, visitant notamment la ville ainsi que les localités chrétiennes ou mixtes de la région. À Rmeïlé, où des banderoles lui souhaitant la bienvenue avaient été hissées par les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, il a plaidé en faveur de l’unité de l’Église, du pays et de la société. « Nous ne pouvons pas perdurer au sein d’une Église dont les fils sont divisés, rongés par une haine réciproque et éloignés les uns des autres. Nous ne pouvons pas, en tant que chrétiens, accepter que le Liban demeure déchiqueté pour diverses raisons. Aussi, sommes-nous appelés à édifier verticalement la communion avec Dieu, par la prière et la piété, pour pouvoir l’édifier horizontalement avec les autres. »
À Saïda, un accueil officiel et populaire lui a été réservé au palais municipal, en présence des députés Fouad Siniora, Bahia Hariri, Ali Osseirane, Michel Moussa et Abdel Latif Zein, du mohafez du Liban-Sud, Nicolas Abou Daher, du directeur du bureau du président de la Chambre Nabih Berry, Ahmad Moussa, de l’ancien ministre Élias Hanna, des anciens députés Georges Najm et Antoine Khoury, des évêques maronite, grec-catholique et grec-orthodoxe de Saïda, NN.SS Élias Nassar, Élie Haddad et Élias Kfoury, aux côtés d’un grand nombre d’officiels, de leaders locaux et de notables de la région.
Au terme du discours du président du conseil municipal de la ville, Mohammad Seoudi, qui a mis l’accent sur la coexistence islamo-chrétienne, Mgr Raï a prié pour le « maintien de la paix et de la stabilité à Saïda, dans le cadre de l’unité, de la diversité et de la démocratie qui la caractérisent ». Il a ensuite salué la mémoire des martyrs de la ville, citant notamment l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, et le chef de l’OPN, Maarouf Saad, ainsi que son fils, Moustapha.
Il a ensuite jugé « indispensable de dépasser les différends, les divergences d’opinion, les disputes politiques et les visions privées pour se concentrer sur l’essence du Liban, dans son système, son modèle, sa culture et sa civilisation ».
Au terme de la cérémonie au palais municipal, Mgr Raï s’est rendu au siège de l’évêché maronite de la ville où il a présidé la messe.