En tant que chrétiens, il faut se remettre aujourd’hui en question en raison des nombreuses et graves erreurs commises. C’est le principal message transmis hier par l’ancien ministre Michel Eddé, président de la Fondation maronite dans le monde, au cours d’une entrevue menée par le père Youssef Mouannès à Télé-Lumière.
Un débat qui a été étayé par la lecture de nombreux passages d’œuvres significatives, notamment de l’Exhortation apostolique. Un appel à l’examen de conscience, au pardon, à la patience, au retour aux sources et à l’identité profonde, ainsi qu’un véritable cri d’alarme sur les dangers qui guettent le pays, et qui atteignent, selon l’ancien ministre, le seuil du véritable risque d’anéantissement. Il a aussi exposé sa vision de la solution à l’impasse actuelle, qui passe, selon lui, par l’élection du candidat consensuel, le général Michel Sleimane, commandant en chef de l’armée, ainsi que la formation d’un gouvernement réduit de six ministres, avec un représentant de chaque communauté principale. Une solution qui a souvent été envisagée dans l’histoire du Liban, a-t-il précisé.
M. Eddé a parlé de son inquiétude de chrétien qui, par excellence, est appelé à se remettre en question continuellement. Il s’est attardé sur la situation désastreuse du pays et sur l’émigration massive de Libanais, les chrétiens en particulier. « Nous nous disons “ chrétiens ”, mais nous comportons-nous en tant que tels ? » s’est-il demandé. Pour lui, les chrétiens (puisqu’il parlait d’eux hier) ont commis et commettent de graves erreurs à l’encontre d’eux-mêmes et du pays, alors qu’ils devraient être un exemple pour le monde entier en raison de leur longue coexistence réussie avec les communautés musulmanes.
Au cours de l’entrevue, le synode pour le Liban, qui s’est tenu en 1991, a été évoqué à plusieurs reprises, ainsi que l’Exhortation apostolique qui l’a suivi en 1997, et le conclave maronite qui a duré trois ans. « Nous devons effectuer un bilan aujourd’hui, a déclaré M. Eddé. Y a-t-il eu une amélioration ? Je dis que non, malgré tous les efforts de l’Église. Y a-t-il eu rectification du tir suite aux nombreuses erreurs ? Au contraire, nous allons de mal en pis. Nous portons atteinte à l’image du Christ et au message des Évangiles. »
L’ancien président de la Ligue maronite a beaucoup insisté sur le rôle des maronites dans la préservation du pays, un rôle qu’il considère comme proéminent en vertu, notamment, de leur attachement viscéral aux libertés. Mais il n’a pas caché son pessimisme quant à la situation générale du pays. « Nous n’avons rien appris, a-t-il même lancé. Tout le monde s’intéresse à nous alors que nous ne faisons que nous autodétruire. »
Au cours de l’entrevue, M. Eddé n’a ménagé ni l’opposition ni la majorité, les deux camps qui se divisent le pays actuellement. Il a stigmatisé aussi, et à plusieurs reprises, les divisions interchrétiennes et les accusations lancées de part et d’autre, soulignant que si nous persistons dans cette voie, nous perdrons le Liban. Il s’est déclaré particulièrement inquiet pour la jeunesse qui, il le constate, considère aujourd’hui avec trop de légèreté la perspective d’une nouvelle guerre. « Tout le monde est en train de s’armer aujourd’hui, chacun veut annuler l’autre, a-t-il dénoncé. Nous devons rejeter cette course à l’armement. »
M. Eddé a fait suivre ce constat pessimiste d’un appel au retour aux valeurs théologales, qui sont la foi, l’espérance et la charité, ainsi que d’un appel au pardon et à l’exercice de la patience les uns envers les autres, pour arriver à la paix. « Notre histoire à nous autres maronites est jonchée de martyrs, a-t-il dit. Par respect pour eux, nous devons effectuer aujourd’hui un examen approfondi de conscience. »
L'Orient le jour- 12/3/2008