Après le Akkar, et malgré l'explosion d'une bombe qui s'y était produite la veille, Zahlé a fait un triomphe hier au patriarche Sfeir, premier patriarche maronite à visiter le chef-lieu de la Békaa depuis… 1938. La visite a été marquée par d'enthousiastes et folkloriques accueils populaires, ainsi que par un cordon de sécurité assez étroit, assuré par les commandos de l'armée, en raison de l'incident de la veille.
Accueilli au sérail de Zahlé par Antoine Sleiman, mohafez de la Békaa, ainsi que par plusieurs hauts magistrats et responsables militaires locaux de ce qui est considéré comme étant la plus grande agglomération chrétienne du Moyen-Orient, le patriarche a reçu, symboliquement, la clé de la ville. Il y a tenu un discours tout en nuances, dans lequel il a rappelé certaines des constantes de Bkerké.
« Le siège patriarcal est ouvert à tous », a notamment affirmé le chef de l'Église maronite, applaudi de Mreijate à Zahlé, en passant par Kab Élias, Taalabaya, Karak et Maallaka, par des foules enthousiastes portant toutes sortes de drapeaux partisans, sauf ceux du Courant patriotique libre, qui flaire dans cette visite pastorale une opération politique.
« Cette visite a trop tardé », a affirmé le chef de l'Église maronite, faisant allusion aux circonstances difficiles qui l'ont empêché de l'effectuer. Le chef de l'Église maronite s'est par ailleurs félicité de ce que les trois évêques maronite, grec-catholique et grec-orthodoxe de la ville forment un conseil pastoral commun, « ce qui a poussé les habitants de la ville à nouer des relations responsables entre eux et a accentué l'ouverture de Zahlé et sa volonté de complémentarité avec son environnement humain et géographique ».
« La convivialité a été l'un des atouts de Zahlé, un atout qu'elle a su conserver aux pires moments de la guerre, a affirmé le patriarche Sfeir. C'est elle qui donne aujourd'hui, à la ville, des dividendes de paix civile plus abondants qu'ailleurs. »
Par ailleurs, le patriarche a lancé un appel très discret, presque elliptique, à l'instauration de bonnes relations entre Zahlé et le Liban tout entier, d'une part, et la Syrie d'autre part, en affirmant : « Comme les individus et les collectivités, les patries ont aussi besoin de coopération et d'échanges entre elles et avec des États voisins et coopérants, d'autant qu'ils entretiennent des relations de bon voisinage, de sorte que l'adage se vérifie, qui affirme que bon voisin vaut mieux que frère lointain. »
Évoquant l'ouverture, en octobre prochain, d'une assemblée spéciale du Synode des évêques à Rome, le patriarche a ajouté que cette assemblée imposera aux Églises catholiques au Moyen-Orient de « purifier leur mémoire » et de « regarder vers l'avenir avec de nouvelles résolutions, à l'instar de ce qui s'est passé avec le Synode pour le Liban ».
« Nous invitons nos fidèles à faire preuve de plus de sens de l'unité entre eux et avec les autres fractions de la population. C'est par l'unité que nous protégeons le présent et que nous préparons l'avenir, que nous protégeons notre présence et la rendons utile aux autres », a affirmé le patriarche Sfeir.
À l'issue de cette cérémonie, le convoi du patriarche a effectué une courte tournée dans les grands boulevards de Zahlé, avant de se rendre à Hoch el-Oumara, au domicile de l'ancien président Élias Hraoui, où un accueil fastueux lui a été réservé par son épouse, Mona, et son fils, Georges, vice-président du conseil municipal de la ville. Le convoi s'est ensuite rendu au siège de l'évêché, où une messe solennelle a été célébrée par le patriarche dans la nouvelle cathédrale Saint-Maron, construite en grande partie grâce aux inlassables efforts et aux contributions du président Hraoui, et signe pour certains d'une « autonomie » ecclésiale acquise par la ville, qui était rattachée aux débuts du XXe siècle au diocèse de… Sarba.
Un déjeuner au salon de l'évêché, donné par Mona Hraoui pour plus de 100 convives, a suivi la messe. Au cours de la pause qui a suivi, le patriarche a reçu la visite du mufti de Zahlé et de la Békaa, cheikh Khalil el-Meiss, avec lequel il s'est entretenu en tête à tête.
À 16 heures, pour clôturer sa visite pastorale, le patriarche s'est rendu au sanctuaire de Notre-Dame du Tell, où il a pu recevoir l'hommage de l'évêque grec-catholique de Zahlé, Mgr André Haddad, et le lui rendre. Le retour à Bkerké s'est fait par hélicoptère.
L'orient le jour