Tous les quelque temps, on voit se remuer la presse et les médias au nom de la sacro-sainte liberté de la presse et des médias, et de nombreux crimes sont alors commis au nom de cette liberté. Et si la liberté de la presse écrite est reconnue depuis les années vingt,
il n'en est pas de même pour l'audiovisuel qui, comme on le sait, est né au Liban en 1959 avant tous les autres pays arabes.
Or en créant la CLT et, deux ans plus tard, Télé-Orient, l'État créait deux médias indépendants, mais exigeait que chacune des deux télévisions accueille chez elle des délégués du ministère de l'Information et de la Sûreté générale pour censurer tout, mais vraiment tout ce qui passait à l'antenne, avec le pouvoir d'arrêter les émissions que leur « devoir » leur dictait d'arrêter. C'est ainsi par exemple que l'on a arrêté Athalie de Jean Racine, car dans le songe d'Athalie, le « cruel dieu des juifs l'emporte aussi sur toi », plus tous les vers qui contenaient le mot juif ou hébreu. Même dans le film sur la vie de Jésus, quand ses juges lui demandaient : es-Tu le roi des juifs, la question était devenue : es-Tu le roi des… ? Ce qui était encore plus insultant.
Avec la guerre qui a commencé en 1975, on a vu éclore de nombreuses télévisions qui n'avaient aucun droit de transmission, celui-ci étant réservé à la seule Télé-Liban née de la fusion en 1978 des deux télés existantes (50 %) et de l'État (50 %). On l'appela Télé-Liban. Et les censeurs étaient là pour censurer tout.
C'est au moment où je prenais les rênes de la présidence de Télé-Liban, qu'en lisant le décret « organisant les fonctions du commissaire du gouvernement auprès de la société Télé-Liban et son contrôle » que je découvris l'article 14 qui stipule :
« Est considéré annulé le contrôle de la télévision exercé par le département de contrôle dans le service de presse et des affaires légales au ministère de l'Information (décret n° 8 588 du 24/1/62), et le contrôle de la télévision exercé par le département de contrôle des publications et des enregistrements relatifs à la Sûreté générale (décret 2 873 du 16/12/59). »
Autrement dit, la censure n'existait plus, mais les agents de la Sûreté et de l'Information étaient toujours présents à Télé-Liban.
Cela est surtout dû au fait qu'après la création de nombreuses stations de télévision au Liban sans permis préalable, l'État avait jugé nécessaire et fondamental de créer la loi de l'audiovisuel en vertu de laquelle, l'État allait choisir les télévisions qui resteraient en service.
L'article 3 allait créer tous les malentendus :
« Art.3. L'audiovisuel est libre.
La liberté de presse est exercée dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois exécutoires. »
Ce qui laissait libre cours aux propriétaires des télés « privées » – mais appartenant pratiquement toutes à des capitaux politiques – d'interpréter la « liberté » comme ils l'entendaient en se permettant des talk-shows politiques absolument choquants sans aucune censure et sans la nomination d'un « commissaire du gouvernement » comme stipulé dans la loi sur la fondation de Télé-Liban.
Or, qu'est-il arrivé de la fonction de ce commissaire ? Le premier appelé fut un magistrat, le Dr Hassãn Rifaat, aux grandes qualités, qui fit un job très strict sous le régime d'Élias Sarkis. Avec l'arrivée d'Amine Gemayel, le président nomma un homme d'une grande compétence, le Dr Manaf Mansour, qui était également le directeur général du ministère de l'Information. Mais cela établit deux critères dans le choix du commissaire :
1- Une confirmation de la religion chiite du commissaire,
2- de sa fonction de directeur général du ministère.
Conclusion : le directeur général de l'Information avait, en sa qualité de commissaire, plus de droits sur Télé-Liban que le ministre lui-même…
Et comme ce poste était réservé au gré du président de la Chambre, les conflits ne manquaient jamais d'éclater.
Mais il n'y a jamais eu de commissaire général délégué auprès des autres stations de télévision. Néanmoins, l'article 47 de la loi sur l'audiovisuel dit : « À la demande du ministère de l'Information et par l'intermédiaire de ses services, le Conseil supérieur de l'audiovisuel exerce son contrôle sur les institutions télévisées. »
Ces sanctions n'ont été appliquées que deux fois : une fois contre …Télé-Liban pour la diffusion d'une information jugée tendancieuse (un jour d'arrêt de diffusion) et une fois par le président Rafic Hariri contre la … Future : 3 jours d'arrêt.
Alors, vous avez dit liberté ?
Oui, à condition que la liberté des uns s'arrête quand commence la liberté des autres. Ou, plus positivement, la liberté des uns commence là où elle confirme celle des autres.
Je souhaite que toutes les télés respectent ce dernier critère quand elles diffusent leurs programmes.
Et je souhaite à tous les téléspectateurs, quand ils ne sont pas satisfaits du programme qu'on leur propose, de se servir de l'arme la plus fatale contre un programme : la commande à distance, véritable assassin des émissions qui nous choquent.
L'orient le jour / Jean-Claude BOULOS/ Ancien PDG de Télé-Liban
Or en créant la CLT et, deux ans plus tard, Télé-Orient, l'État créait deux médias indépendants, mais exigeait que chacune des deux télévisions accueille chez elle des délégués du ministère de l'Information et de la Sûreté générale pour censurer tout, mais vraiment tout ce qui passait à l'antenne, avec le pouvoir d'arrêter les émissions que leur « devoir » leur dictait d'arrêter. C'est ainsi par exemple que l'on a arrêté Athalie de Jean Racine, car dans le songe d'Athalie, le « cruel dieu des juifs l'emporte aussi sur toi », plus tous les vers qui contenaient le mot juif ou hébreu. Même dans le film sur la vie de Jésus, quand ses juges lui demandaient : es-Tu le roi des juifs, la question était devenue : es-Tu le roi des… ? Ce qui était encore plus insultant.
Avec la guerre qui a commencé en 1975, on a vu éclore de nombreuses télévisions qui n'avaient aucun droit de transmission, celui-ci étant réservé à la seule Télé-Liban née de la fusion en 1978 des deux télés existantes (50 %) et de l'État (50 %). On l'appela Télé-Liban. Et les censeurs étaient là pour censurer tout.
C'est au moment où je prenais les rênes de la présidence de Télé-Liban, qu'en lisant le décret « organisant les fonctions du commissaire du gouvernement auprès de la société Télé-Liban et son contrôle » que je découvris l'article 14 qui stipule :
« Est considéré annulé le contrôle de la télévision exercé par le département de contrôle dans le service de presse et des affaires légales au ministère de l'Information (décret n° 8 588 du 24/1/62), et le contrôle de la télévision exercé par le département de contrôle des publications et des enregistrements relatifs à la Sûreté générale (décret 2 873 du 16/12/59). »
Autrement dit, la censure n'existait plus, mais les agents de la Sûreté et de l'Information étaient toujours présents à Télé-Liban.
Cela est surtout dû au fait qu'après la création de nombreuses stations de télévision au Liban sans permis préalable, l'État avait jugé nécessaire et fondamental de créer la loi de l'audiovisuel en vertu de laquelle, l'État allait choisir les télévisions qui resteraient en service.
L'article 3 allait créer tous les malentendus :
« Art.3. L'audiovisuel est libre.
La liberté de presse est exercée dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois exécutoires. »
Ce qui laissait libre cours aux propriétaires des télés « privées » – mais appartenant pratiquement toutes à des capitaux politiques – d'interpréter la « liberté » comme ils l'entendaient en se permettant des talk-shows politiques absolument choquants sans aucune censure et sans la nomination d'un « commissaire du gouvernement » comme stipulé dans la loi sur la fondation de Télé-Liban.
Or, qu'est-il arrivé de la fonction de ce commissaire ? Le premier appelé fut un magistrat, le Dr Hassãn Rifaat, aux grandes qualités, qui fit un job très strict sous le régime d'Élias Sarkis. Avec l'arrivée d'Amine Gemayel, le président nomma un homme d'une grande compétence, le Dr Manaf Mansour, qui était également le directeur général du ministère de l'Information. Mais cela établit deux critères dans le choix du commissaire :
1- Une confirmation de la religion chiite du commissaire,
2- de sa fonction de directeur général du ministère.
Conclusion : le directeur général de l'Information avait, en sa qualité de commissaire, plus de droits sur Télé-Liban que le ministre lui-même…
Et comme ce poste était réservé au gré du président de la Chambre, les conflits ne manquaient jamais d'éclater.
Mais il n'y a jamais eu de commissaire général délégué auprès des autres stations de télévision. Néanmoins, l'article 47 de la loi sur l'audiovisuel dit : « À la demande du ministère de l'Information et par l'intermédiaire de ses services, le Conseil supérieur de l'audiovisuel exerce son contrôle sur les institutions télévisées. »
Ces sanctions n'ont été appliquées que deux fois : une fois contre …Télé-Liban pour la diffusion d'une information jugée tendancieuse (un jour d'arrêt de diffusion) et une fois par le président Rafic Hariri contre la … Future : 3 jours d'arrêt.
Alors, vous avez dit liberté ?
Oui, à condition que la liberté des uns s'arrête quand commence la liberté des autres. Ou, plus positivement, la liberté des uns commence là où elle confirme celle des autres.
Je souhaite que toutes les télés respectent ce dernier critère quand elles diffusent leurs programmes.
Et je souhaite à tous les téléspectateurs, quand ils ne sont pas satisfaits du programme qu'on leur propose, de se servir de l'arme la plus fatale contre un programme : la commande à distance, véritable assassin des émissions qui nous choquent.
L'orient le jour / Jean-Claude BOULOS/ Ancien PDG de Télé-Liban