Le rapport de l’ONG française Reporters sans frontières, portant sur le classement mondial annuel des pays respectant la liberté de la presse, a été rendu public hier. Concernant le Liban, il donne quelques exemples justifiant le recul du classement libanais, dont « la détention et la torture du journaliste Ramy Aïcha » et le décès de Ali Chaabane à la frontière libano-syrienne.
Après le « printemps arabe » et les mouvements contestataires qui, en 2011, avaient provoqué des hausses et des chutes, le classement mondial de la liberté de la presse 2013 publié par Reporters sans frontières marque un retour à une configuration plus habituelle, indique le texte dans son introduction. Le rang d’un grand nombre de pays est moins lié à l’intensité de l’actualité politique. Ainsi, avec le « Classement 2013 », apprécie-t-on mieux l’attitude et les intentions des régimes vis-à-vis de la liberté de la presse à moyen ou à long terme.
La Finlande, les Pays-Bas et la Norvège occupent la tête du classement, qui place en queue de peloton l’Érythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan. La Syrie et la Somalie, l’Iran, la Chine, le Vietnam, Cuba, le Soudan et le Yémen complètent la liste des pays les moins respectueux de la liberté de la presse.
Le bilan mitigé des mouvements de contestation
La précédente édition du classement était fondée sur une actualité particulièrement riche, portée par le printemps arabe, dressant le bilan du lourd prix payé par les acteurs de l’information à la couverture des mouvements de contestation. En 2012, des cas de figure se distinguent, entre les pays où des changements de régime se sont produits (Tunisie, Égypte, Libye), les États où les rébellions et leur répression ont encore cours (Syrie, Bahreïn), et enfin les pays où les autorités ont réussi à faire suffisamment de compromis et de promesses pour calmer de potentielles revendications de changements politiques et/ou socio-économiques (Maroc, Algérie, Oman, Jordanie, Arabie saoudite…).
Certains nouveaux gouvernements engendrés par ces mouvements, dont les revendications et les aspirations à davantage de libertés avaient été largement relayées par les journalistes et les « net-citoyens », se retournent contre ces derniers. La Tunisie (138e, -4) et l’Égypte (158e, +8), entre vide juridique, nominations à la tête des médias publics, agressions physiques, procès à répétition et absence de transparence, stagnent à des positions peu glorieuses qui donnent à la Libye (131e, +23), en progression cette année, une idée des écueils à éviter pour assurer et pérenniser sa transition vers une presse libre.
En Syrie (176e, 0), pays le plus meurtrier pour les journalistes en 2012, une guerre de l’information fait rage et n’épargne ni les journalistes ni les net-citoyens, pris à partie par le régime de Bachar el-Assad, prêt à tout pour réprimer en silence, mais aussi par des factions proches de l’opposition, de plus en plus intolérantes face aux voix discordantes. Au Bahreïn (165e, +8), la répression baisse très légèrement en intensité ; au Yémen (169e, +2), les perspectives restent inquiétantes malgré un changement d’exécutif. La vague d’arrestations de net-citoyens à Oman (141e, -24) fait chuter le pays, secoué par des revendications socio-économiques.
« Le classement mondial publié par Reporters sans frontières ne tient pas compte directement de la nature des régimes politiques. Néanmoins, il apparaît clairement que les démocraties protègent mieux la liberté de la production et de la diffusion des informations factuelles que les pays dans lesquels les autres droits humains sont méprisés », observe Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. « Dans les dictatures, les acteurs de l’information s’exposent à des représailles impitoyables pour eux-mêmes et pour leurs proches. Dans nombre de démocraties, ils font face à la crise économique de la presse et aux conflits d’intérêts. Si leurs situations ne sont pas toujours comparables, il convient de rendre hommage à tous ceux qui résistent aux pressions, qu’elles soient martiales ou diffuses », relève-t-il.
Des chutes et des améliorations
Côté « chutes vertigineuses », le Mali est relégué à la 99e place (moins 74 places par rapport au bilan 2011), notamment suite au putsch du 22 mars à Bamako.
Quant à la Turquie (154e, moins 6 places), elle est « à ce jour la première prison au monde pour les journalistes, en particulier ceux qui développent des vues critiques à l’égard des autorités sur la question kurde ».
L’ONG pointe pour d’autres pays quelques « améliorations majeures » et des progressions importantes, comme le Malawi qui gagne 71 places et se classe 75e. La Côte d’Ivoire (96e, +63 places) semble sortie de la crise postélectorale entre partisans de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara.
La Birmanie (151e, +18 places) confirme sa légère augmentation à la faveur du printemps birman. En Asie toujours, l’Inde (140e, moins 9 places) est à son pire niveau depuis 2002. Notamment en cause, une censure du Net qui continue à se développer.
La Chine (174e) « ne montre aucun signe d’amélioration » avec toujours un grand nombre de journalistes et de net-citoyens en prison et une web-censure qui « demeure un obstacle majeur pour l’accès à l’information », selon le rapport.
RSF souligne aussi que « le tour de vis répressif mis en place depuis le retour à la présidence de Vladimir Poutine » fait perdre six places à la Russie qui devient 148e.
Enfin, le rapport estime que si 16 pays de l’Union européenne figurent toujours dans les trente premières places du classement, « le modèle européen s’érode ». « Les institutions instrumentalisent dangereusement les “lois bâillons” », comme en Hongrie (56e, -16 places) et en Grèce (84e, -14 places).
Pour son classement, RSF table sur six critères pour chaque pays : le pluralisme, l’indépendance des médias, les notions d’environnement et d’autocensure, le cadre légal, la transparence et enfin les infrastructures d’information. Chaque pays obtient une « note » de 0 à 100, zéro représentant une « situation idéale ».
L'orient le jour