dans la rencontre avec le Ressuscité, dans la contemplation de sa vie, de ses mystères… il s’agit d’une foi qui voit ».
Le pape François a fait parvenir un message au cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, à l’occasion de la XVIIIe séance publique des académies pontificales, hier, 28 janvier 2014.
Invitant toute l’Eglise à « un choix missionnaire capable de transformer toute chose », il a exhorté les Académies pontificales à collaborer, non pas par « des opérations de façade » mais en se concentrant davantage « sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire ».
Il a également encouragé « les jeunes chercheurs en théologie » à « offrir leur contribution à la promotion et à la réalisation d’un nouvel humanisme chrétien », en décernant ex aequo le Prix des Académies pontificales à deux jeunes chercheurs : Alessandro Clemenzia et Maria Silvia Vaccarezza.
Message du pape François
Au cardinal Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical pour la culture et du Conseil de coordination entre les Académies pontificales,
A l’occasion de la XVIIIème séance publique des Académies pontificales j’ai le plaisir de vous envoyer mes plus cordiales salutations que j’étends volontiers aux présidents et aux académiciens, ainsi qu’aux cardinaux, aux évêques, aux ambassadeurs et à tous les participants.
La séance de cette année, convoquée expressément le jour de la mémoire liturgique de saint Thomas d’Aquin, a été organisée par l’Académie pontificale dont le nom lui est dédié, et a pour thème: « Oculata fides. Lire la réalité avec les yeux du Christ ». Ce thème renvoie à une expression du Docteur angélique (Doctor Angelicus) citée dans la Lettre encyclique Lumen fidei. Je vous remercie d’avoir voulu proposer ce thème de réflexion, et les liens entre cette encyclique et la récente exhortation apostolique Evangelii gaudium.
Dans ces deux documents, en effet, j’ai voulu inviter à une réflexion sur la dimension « lumineuse » de la foi, et sur cette connexion entre « foi » et « vérité », qu’il faut creuser avec les yeux de l’esprit mais aussi avec les yeux du cœur, autrement dit dans une perspective d’amour. Saint Paul affirme: « Croire avec le cœur » (Rm 10,10). « C’est dans cet entrecroisement de la foi avec l’amour que l’on comprend la forme de connaissance propre à la foi, sa force de conviction, sa capacité d’éclairer nos pas. La foi connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour, dans la mesure où l’amour même porte une lumière. La compréhension de la foi est celle qui naît lorsque nous recevons le grand amour de Dieu qui nous transforme intérieurement et nous donne des yeux nouveaux pour voir la réalité. » (Lumen fidei, 26). Au lendemain de la Résurrection de Jésus, ses disciples ne contemplèrent pas une vérité purement intérieure ou abstraite, mais une vérité qui se dévoilait à eux dans la rencontre avec le Ressuscité, dans la contemplation de sa vie, de ses mystères. A juste titre saint Thomas d’Aquin affirme qu’il s’agit d’une oculata fides, d’une foi qui voit ! (cf. ibid., 30).
D’où les importantes conséquences que cela a sur l’action des croyants et sur la méthode de travail des théologiens : « La vérité aujourd’hui est souvent réduite à une authenticité subjective de chacun, valable seulement pour la vie individuelle. Une vérité commune nous fait peur, parce que nous l’identifions avec l’imposition intransigeante des totalitarismes. Mais si la vérité est la vérité de l’amour, si c’est la vérité qui s’entrouvre dans la rencontre personnelle avec l’Autre et avec les autres, elle reste alors libérée de la fermeture dans l’individu et peut faire partie du bien commun… Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous » (ibid., 34).
Cette perspective – d’une Eglise totalement en marche et entièrement missionnaire – est celle qui est développée dans l’exhortation apostolique sur l’annonce de l’Evangile dans le monde actuel. Le « rêve d’un choix missionnaire capable de transformer toute chose » (Evangelii gaudium, 27) concerne l’Eglise entière et chacune de ses parties. Les Académies pontificales, elles aussi, sont appelées à cette transformation, pour que leur propre contribution ne manque pas au Corps ecclésial. Il ne s’agit pas de faire des opérations extérieures, « de façade ». Il s’agit plutôt, pour vous aussi, de vous concentrer davantage « sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire. » (ibid., 35). De cette manière, « la proposition se simplifie, sans perdre pour cela profondeur et vérité, et devient ainsi plus convaincante et plus lumineuse » (ibid.). C’est pourquoi, chers et illustres frères, je demande votre collaboration qualifiée, au service de la mission de toute l’Eglise.
Et c’est justement pour encourager tous ceux qui, parmi les jeunes chercheurs en théologie, veulent offrir leur contribution à la promotion et à la réalisation d’un nouvel humanisme chrétien à travers leur recherche, que j’ai le plaisir de décerner ex aequo le Prix des Académies pontificales, consacré cette année à la recherche théologique et à l’étude des œuvres de saint Thomas d’Aquin, à deux jeunes chercheurs: le prof. Alessandro Clemenzia, pour son ouvrage intitulé « Dans la Trinité comme Eglise. Dialogue avec Heribert Mühlen » (Nella Trinità come Chiesa. In dialogo con Heribert Mühlen), et le prof. Maria Silvia Vaccarezza pour son livre « Les raisons du contingent » (Le ragioni del contingente. La saggezza pratica tra Aristotele e Tommaso d'Aquino).
Tout en souhaitant aux académiciens et aux personnes ici présentes un engagement fructueux dans leurs domaines de recherche respectifs, je confie chacun à la protection maternelle de la Vierge Marie Trône de la Sagesse, et demande pour moi qu’ils me portent, ainsi que mon ministère, dans leurs prières. De tout cœur, je vous donne enfin ma bénédiction apostolique.
Du Vatican, 28 janvier 2014
Traduction de Zenit, Océane Le Gall