« Lourdes, les mots de Marie » est un « livre dont le sous-titre pourrait être : Petit traité de théologie spirituelle ou Marie, maîtresse de vie spirituelle ou Guide pour une retraite prêchée par la Sainte Vierge ». Le livre est sorti le 25 août dernier, aux Éditions CLD (250 pages, 18 €), avec une préface de Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes.
Zenit – Père Régis-Marie de La Teyssonnière, vous êtes chapelain des sanctuaires Notre-Dame de Lourdes et vous publiez un livre sur les mots de Marie en cette année du Jubilé de Lourdes. Y a-t-il un lien entre votre livre et le chemin du Jubilé ?P. Régis-Marie – C'est vrai qu'en cette année 2008, le cent cinquantième anniversaire des apparitions de Lourdes est marqué par le « Chemin du Jubilé ». C'est d'ailleurs en parcourant les trois premières des quatre étapes de ce chemin que le Pape Benoît XVI a commencé son pèlerinage à Lourdes samedi soir 13 septembre. A la suite de millions de pèlerins, le Saint-Père s'est d'abord rendu à l'église paroissiale de Lourdes. Devant le baptistère où Bernadette Soubirous est devenue enfant de Dieu le 9 janvier 1844, chacun est invité à faire mémoire de son baptême. Ensuite, le Saint-Père s'est rendu au « cachot », cette pièce minuscule et insalubre où Bernadette habitait avec sa famille. Là chaque pèlerin peut prier pour entrer dans une meilleure acceptation de sa propre existence. Le pape Benoît XVI a ensuite accompli la troisième étape de ce « Chemin du Jubilé », en se rendant à la grotte des apparitions. C'est le lieu de la rencontre, où, dans le secret de son cœur, chacun peut s'ouvrir au mystère.Lundi matin 15 septembre, quelques heures seulement avant de quitter Lourdes, Benoît XVI s'est rendu à la « chapelle de l'hospice », quatrième et dernière étape du « Chemin du Jubilé ». C'est là que, quelques semaines avant la dernière apparition, Bernadette a fait sa première communion. Au terme de leur chemin, les pèlerins d'aujourd'hui sont invités à retrouver la place de l'Eucharistie dans leur vie de baptisés. Mais ce « Chemin du Jubilé » n'est possible que parce que, à Lourdes, la Vierge Marie a parlé à Bernadette Soubirous. Voilà pourquoi publier « Lourdes, les mots de Marie » en l'année du Jubilé a toute son importance.Zenit – Y a-t-il une parole de Marie à Bernadette plus directement liée au « Chemin du Jubilé » ?P. Régis-Marie – Oui, la troisième parole de la Vierge se trouve correspondre exactement à la troisième étape du « Chemin du Jubilé ». En effet, lorsque Marie demande à Bernadette : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours », la Sainte Vierge propose à la jeune enfant de se rendre du « cachot » à la « grotte », et cela pendant quinze jours. Mais la parole qui rend possible le « Chemin du Jubilé » est la neuvième des dix paroles de la Vierge Immaculée : « Allez dire aux prêtres que l'on bâtisse ici une chapelle et que l'on y vienne en procession ». Parce que Bernadette s'est acquittée de sa mission, quatre ans plus tard l'évêque de Tarbes a pu reconnaître l'authenticité des apparitions et fonder le pèlerinage. C'était le 18 janvier 1862.Zenit – Les paroles de Marie à Bernadette ont-elles joué un rôle important dans la reconnaissance par l'Eglise de ces apparitions ?P. Régis-Marie – A Lourdes, en 1858, Bernadette Soubirous, alors âgée de 14 ans, est la seule a avoir vu et entendu la Vierge Marie. Tout repose donc sur son témoignage. Or son témoignage ne s'appuie pas uniquement sur les paroles entendues. Il repose aussi sur les gestes qu'elle a accomplis, en lien avec les paroles qui lui ont été dites. Certaines paroles ont donc été d'emblée évidentes pour tous. Ainsi, lorsque les personnes présentes auprès d'elle ont vu Bernadette embrasser avec dégoût le sol de la grotte, ils ont ensuite compris la parole de Marie : « Embrassez la terre en signe de pénitence pour les pécheurs ». Mais lorsqu'ils ont vu Bernadette gratter le sol de ses doigts, avoir accès à de la boue dont aussitôt elle se barbouille le visage, puis boire de l'eau boueuse avant de continuer à creuser et finalement découvrir de l'eau assez propre pour se laver et boire, ces mêmes personnes ont pu comprendre que la demande de Marie à Bernadette : « Allez à la source boire et vous y laver » ne peut être sortie de son contexte, si on veut en comprendre le sens véritable et la portée spirituelle.Zenit – On peut s'étonner du peu de paroles et du peu de mots dits par Marie. Bernadette a-t-elle tout retransmis ?P. Régis-Marie – Bernadette a retransmis ce qui devait l'être et elle a gardé pour elle ce qui était pour elle. De ces dix paroles destinées « aux prêtres », Bernadette dira simplement après la reconnaissance des apparitions : « Ce qui me concerne, ne me concerne plus ». La messagère a donc été irréprochable. Quant aux paroles qui n'étaient destinées qu'à elle-même, Bernadette ne les a dites à personne, comme la Sainte Vierge le lui avait demandé. Et lorsqu'on lui a posé la question : « Diriez-vous ces paroles au pape ? », dans son bon sens, Bernadette s'est contentée de répondre : « A personne, pas même au pape, puisque le pape est une personne ».Zenit – Père Régis-Marie, qu'est-ce qui vous frappe plus particulièrement dans les mots de Marie à Bernadette ?P. Régis-Marie – Je répondrai d'abord que le sujet n'est guère traité. Le grand historien de Lourdes, le Père René Laurentin, a fait un travail essentiel en établissant ces paroles dans leur langue originale, le patois de Lourdes, l'une des formes du Gascon. Mais, semble-t-il, personne jusqu'à présent n'a pris le temps d'expliquer ces paroles. Le mérite de ce livre consiste donc d'abord dans le fait que les mots de Marie à Bernadette sont commentés et médités, à la lumière de l'Evangile, de la situation de Bernadette, de l'expérience humaine commune, de la vie chrétienne dans sa dimension personnelle et ecclésiale. Je dirais ensuite que considérer les dix paroles d'un seul regard est une expérience enrichissante. En effet, chaque parole a un sens, un poids, une valeur en elle-même. Et en même temps les paroles s'articulent entre elles. De fait, ces mots s'inscrivent dans une histoire.Zenit – Pouvez-vous préciser ?P. Régis-Marie – Bien sûr. Lorsqu'on lit les dix paroles dans leur contexte, on voit que quatre étapes se dégagent dans la relation de Marie et de Bernadette. La première, faite de silence et de trois paroles, va permettre à leur relation de se nouer sur le mode de la confiance. La parole centrale est alors la demande que la Sainte Vierge offre à la liberté de Bernadette : « Voulez-vous ma faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? ». Avec la deuxième étape, faite de silence et de cinq paroles pénitentielles, apparaît le message qui est un message d'Espérance : « Allez à la source, boire et vous y laver ». Là où la boue a souillé Bernadette, là même l'eau qui lave et désaltère jaillie. Ou, comme le dit l'Apôtre : « Là où le péché a abondé, là même, la grâce surabonde ». La troisième étape n'est constituée que de silence et d'une seule parole. C'est la mission que Bernadette reçoit qui ouvre à la communion avec la multitude et pour la multitude : « Allez dire aux prêtres que l'on bâtisse ici une chapelle et que l'on vienne ici en procession ». La quatrième et dernière étape est à nouveau constituée de silence et d'une seule parole : « Je suis l'Immaculée Conception ». C'est la signature du message. C'est son accomplissement.Zenit – Les mots de Marie à Bernadette sont donc importants pour les pèlerins qui se rendent aujourd'hui à Lourdes ?P. Régis-Marie – Ces mots de Marie ne sont pas réservés aux seuls pèlerins de Lourdes. Ils peuvent, en effet, permettre à tous ceux et celles qui veulent bien les accueillir de mieux comprendre comment Dieu s'adresse à l'homme ou à la femme que nous sommes. Le Fils de Dieu se fait homme pour rendre présent l'Amour de Dieu pour chacun d'entre nous. Immaculée, Marie peut à son tour nous montrer ce dont est capable une créature qui vit en Dieu, par Dieu et pour Dieu. Voilà la formidable expérience dont Bernadette a bénéficié à Lourdes il y a cent cinquante ans. Voilà ce qui peut être aujourd'hui l'expérience de tous ceux et celles qui se laisse conduire par Marie à son Fils Jésus Christ. A Lourdes ou ailleurs.
ROME, Mercredi 17 septembre 2008 (ZENIT.org)