du livre ait été réduit à des articles sur le préservatif, alors qu'il y est question de « l'avenir de la planète », comme l'indique le sous-titre : « Le pape, l'Eglise et les signes des temps ».
Lors de la présentation au Vatican, ce mardi 23 novembre, le journaliste écrivain bavarois a répondu aux questions des journalistes, en allemand, et il a déploré devant eux une « crise du journalisme ».
« Notre livre, affirme-t-il, évoque la survie de la planète qui est menacée, le pape lance un appel à l'humanité, notre monde est en train de s'effondrer, et la moitié des journalistes ne s'intéresse qu'à la question du préservatif ».
Faisant allusion à l'écologie et aux conflits qui traversent le monde, il montre sa déception en disant : « La vie de notre planète est en train de s'éteindre et nous nous demandons si l'Eglise permet le préservatif ».
Depuis la sortie de bonnes feuilles en allemand, vendredi dernier, et en italien, samedi, le passage du livre qui fait couler le plus d'encre est en effet celui où Benoît XVI répond à la question sur « l'interdiction » catholique de « l'utilisation de préservatifs à une population menacée par le sida ».
Le pape répond en quatre moments et avant tout qu'il « persiste et signe » sa réponse de 2009 dans l'avion qui l'emportait au Cameroun, et que la réponse de l'Eglise est crédible : « L'Église en fait plus que les autres parce qu'elle ne se contente pas de faire des discours dans les journaux, mais aide les sœurs et les frères sur le terrain ».
Ensuite, il rappelle que sur le terrain on sait bien que le préservatif ne suffit pas à vaincre le sida : « Depuis peu s'est développée, y compris dans les milieux laïcs, ce que l'on a appelé la théorie ABC, pour Abstinence – Be faithful – Condom [Abstinence – Fidélité – Préservatif], où le préservatif n'est conçu que comme un pis-aller si les deux autres éléments ne fonctionnent pas ».
Il ajoute que « la seule fixation sur le préservatif représente une banalisation de la sexualité » et que justement « cette banalisation est à l'origine d'un phénomène dangereux : tant de personnes ne trouvent plus dans la sexualité l'expression de leur amour, mais uniquement une sorte de drogue qu'ils s'administrent eux-mêmes ».
Le pape souligne encore que « c'est la raison pour laquelle le combat contre la banalisation de la sexualité est aussi une partie de la lutte menée pour que la sexualité soit vue sous un jour positif, et pour qu'elle puisse exercer son effet bénéfique dans tout ce qui constitue notre humanité ».
Quatrième étape de la réponse du pape, qui ne s'éloigne pas de la morale catholique mais en souligne un aspect, la gradualité : « Il peut y avoir des cas particuliers, par exemple lorsqu'un prostitué utilise un préservatif, dans la mesure où cela peut être un premier pas vers une moralisation, un premier élément de responsabilité permettant de développer à nouveau une conscience du fait que tout n'est pas permis et que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut. Mais ce n'est pas la véritable manière de répondre au mal que constitue l'infection par le virus VIH. La bonne réponse réside forcément dans l'humanisation de la sexualité ».
Seewald insiste sur cette expression, « l'humanisation de la sexualité », et il pose cette question de fond : « La sexualité a-t-elle quelque chose à voir avec l'amour ? » Il s'agit en somme aussi de la « responsabilité de la sexualité ».
Ainsi pour Seewald, l'excès de concentration sur le seul thème du préservatif devient « ridicule », et même pour lui « pénible », alors qu'il est question de transformer le monde car « on ne peut pas continuer comme avant », insiste le pape dans ce livre.
Peter Seewald évoque le large « panorama » ouvert sur le monde pendant ces six heures d'entretien avec le pape, à Castel Gandolfo, en juillet dernier : en six heures il dit ne pas avoir pu poser toutes ses questions !
Il souligne que ce qui est important c'est de découvrir ce que le pape « fait » et « dit » vraiment : c'est le « cadeau » que fait ce livre que « d'entendre sa voix », comment il « interpète » lui-même son pontificat, il fait « vivre » le pape de façon très personnelle. Alors que le pape se place lui-même dans la catégorie des petits papes, face aux « grands » papes comme Jean-Paul II, Seewald n'hésite pas à parler d'un « géant », mais aussi de son « authenticité », et de sa capacité de « dialogue ».
Il avoue avoir travaillé sans « censure » du pape, qui l'a laissé écrire et n'a fait ensuite qu'apporter des « précisions ».
Le journaliste bavarois admire chez le pape à la fois sa « hauteur de vue » d'intellectuel « brillant », et sa « force spirituelle », sa « simplicité » aussi. En somme, il fait découvrir un Ratzinger qui est le « contraire » de ce que l'on dit de lui trop souvent : ni « Panzer Kardinal » naguère, ni « Panzer Papst » aujourd'hui. Mais un Benoît XVI qui rayonne de « lumière ».
Anita S. Bourdin