Tandis que les blessés s'élèveraient à 50.000.
Tels sont les chiffres, controversés et provisoires, du drame qui enflamme la Libye en ces jours. La communauté internationale exerce une pression sur le régime mais Mouammar Kadhafi ne cède pas et ordonne de bombarder aussi la mosquée Al- Zawiyah dans le seul but d'éliminer les manifestants.
« Dans aucune des crises humanitaires et des conflits vécus ces vingt dernières années, nous avions assisté à une telle violence », commente don Vittorio Nozza, directeur de la Caritas italienne. « La surprise même des pays occidentaux devant la rapidité avec laquelle évolue cette crise est le signe d'une préoccupation diffuse que nous partageons et pour laquelle nous demandons la plus haute attention ».
Plus que la pauvreté, qui n'explique pas à elle seule une révolte comme celle qui est en train de se vérifier en Afrique du Nord, c'est la liberté bafouée qui serait en cause : « Quand un peuple est opprimé trop longtemps par un régime qui ne respecte pas les droits humains, explique le président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), tôt ou tard cela éclate ».
Mgr Giovanni Martinelli, évêque de Tripoli, voit dans cette tragédie humanitaire le désir des nouvelles générations de se donner l'occasion d'une vie meilleure : « Les populations, explique l'évêque dans un entretien à Radio 24, demandent plus de démocratie. Il y a un saut de qualité de la population marqué par le désir des jeunes de profiter des biens du pays ».
« A une révolte générationnelle semblable à celle de notre 68, explique encore Mgr Martinelli, au quotidien italien « La Stampa », s'ajoute, à cause des difficultés à trouver un toit et à établir une famille, la colère des jeunes de ne pouvoir obtempérer à l'obligation musulmane du mariage ».
« La répression a été très forte et le sang qui coule dans les rues, ici, en Libye, empêche une réconciliation générale et éloigne la solution des problèmes », souligne-t-il.
Les autorités ayant perdu le contrôle de la situation, Mgr Martinelli explique être entré en contact avec le Croissant rouge et d'autres organisations islamiques pour demander protection pour les églises, les couvents, les fidèles et les religieuses qui travaillent dans les hôpitaux..
Actuellement, le centre Caritas, qui se trouve à 10kms de Tripoli est fermé au public pour une durée indéterminée : « Nous restons barricadés chez nous, comme on nous l'a demandé, et nous ne pouvons rejoindre le centre, où se trouvent les migrants que nous accueillons », rapporte Sœur Sherly Joseph, une des trois sœurs franciscaines du centre Caritas qui accueille des réfugiés provenant surtout d'Érythrée et d'autres pays d'Afrique centrale.
La religieuse d'origine indienne nous assure cependant que les sœurs et les autres religieux franciscains qui habitent là sont en sécurité, bien qu'on leur ait conseillé de ne pas sortir dans la rue.
Concernant la situation dans le pays, la religieuse préfère ne pas se prononcer pour des raisons de sécurité. Quoiqu'il en soit, leur place est en Libye, une terre qu'elles portent dans leur cœur et ne comptent pas abandonner, tout comme elles ne veulent pas se séparer entre elles : « Si nous vivons, nous vivrons ensemble ; si nous devons mourir, nous mourrons ensemble ».
Au journal italien « Avvenire », le quotidien de la CEI, le père Alan Arcebuche, directeur de la Caritas Libye, raconte que pour les travailleurs chrétiens étrangers qui ne sont pas en règle, les conditions sont bien pires que celles des autres catholiques réguliers qui peuvent compter sur les ambassades de leurs pays.
Les « 'irréguliers' sont essentiellement des africains sub-sahariens, bloqués en Libye dans leur tentative de gagner l'Europe après la fermeture des routes méditerranéennes, et ils sont vraiment très inquiets ». Leur situation est très difficile car « ils n'arrivent pas à se mettre en contact avec leurs gouvernements qui, d'ailleurs, ne font rien pour les aider ». Le père Alan lui aussi, n'a pas l'intention de partir : « Que la volonté de Dieu soit faite. Ou, comme ils disent ici, Inshallah ».
Pendant ce temps-là, les agences multiplient leurs informations, racontant ce que tout le monde assimile désormais à « un génocide d'Etat » et « un crime contre l'humanité ». La France souhaite une résolution du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, tandis que se fait de plus en plus concrète l'idée de recourir à la justice internationale.
Les dernières informations rapportent la nouvelle terrifiante, donnée par le président de la Communauté du monde arabe en Italie (COMAI), selon laquelle « les escadrons de la mort seraient en train de semer la terreur parmi les habitants de Tripoli » : des hommes enrôlés par les militaires eux-mêmes, sur ordre du gouvernement, qui sillonnent les rues, arborant un casque et des vêtements jaunes. Leur mission est de réprimer les protestations et ils le font en entrant dans les habitations, semant la panique, frappant les hommes et violant les femmes ».
Pendant ce temps-là, des fosses communes sont creusées le long des plages pour donner une sépulture décente à tous ces hommes, toutes ces femmes et tous ces enfants sur lesquels s'est déchainée la vengeance inhumaine du Raìs.
Mariaelena Finessi
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