confie-t-il à L’Orient-Le Jour. Déclaration séduisante, qui sied de prime abord au profil moderne du jeune ministre, mais qui n’a de fondement que les seules bonnes intentions du ministre en question.
Or les intentions n’ont jamais été les garantes des libertés. Et le texte de loi proposé ne présente d’ailleurs pas les moyens de mettre en œuvre cette « volonté de protéger les sites électroniques », que défend M. Daouk. Depuis que le projet de loi a été avancé par le ministre en novembre 2011, les cercles de débat se sont intensifiés sur Internet : des bloggeurs ont dénoncé « la formulation douteuse » du texte, « la répression de l’échappatoire de liberté par un gouvernement autoritaire » ou encore « les allégations mensongères du ministre » ; des activistes de la société civile ont mené la campagne « STOP LIRA » (arrêtez la loi sur la réglementation d’Internet), se frayant une tribune sur le réseau Facebook.
Débat en continu
Parallèlement, la controverse a meublé les conversations sur Twitter, auxquelles ont pris part progressivement les hommes politiques, invités au cœur d’Internet, cette mouvance virtuelle, pourtant si propice à la fermentation palpable d’idées, au défoulement réel de la pensée, à l’expression la moins entravée de la liberté. Le ministre Daouk a lui-même pris part à l’une des conversations sur Twitter, avec l’association Onternet (jeune ONG qui s’est affichée dans la lutte contre les limitations sur les médias électroniques). Soucieux de clarifier « les points de ce projet de loi que la plupart critiquent sans même l’avoir lu », le ministre de l’Information a reçu hier une délégation de Onternet, avec laquelle il a débattu directement du projet. « Notre entretien a été très fructueux », a confié M. Daouk à L’OLJ.
Une impression confirmée par les messages sur le réseau Twitter, qui relataient les principales précisions apportées par le ministre. Il a ainsi précisé que « le projet de loi n’oblige pas les sites à faire une déclaration de leur présence auprès du ministère de l’Information, mais leur offre cette option ». S’ils choisissent de le faire, les sites se verront accoler la mention « AOC, ou appellation d’origine contrôlée », qui devrait accroître leur crédibilité auprès du public, tout en permettant d’identifier le site en cas de litige sur fond de diffamation.
« Rédaction vague »
Or, ces réassurances restent discutables. D’abord, l’article 4 de la proposition de loi qui prévoit la procédure de déclaration auprès du ministère ne fait aucune mention ni du caractère facultatif ni du caractère obligatoire de cette procédure. Pour M. Daouk, « il suffit que le texte ne mentionne pas le caractère obligatoire de la procédure pour lui ôter toute contrainte ». Reste que la « rédaction du texte est vague », comme le relèvent nombre d’associations de la société civile, dont le centre SKeyes pour la liberté d’expression.
Ces failles rejaillissent au niveau de la définition du site électronique (« tout système informatique portant un nom et une adresse clairement précisés », selon l’article 4 de la proposition), une définition qui risque d’englober les blogs, « ce qui serait très grave », prévient un jeune juriste qui suit l’affaire de près. De plus, l’article 9 précise que « cette loi sera mise en application par des décrets pris en Conseil des ministres », ce qui accorde une marge de manœuvre à l’exécutif dans un domaine étroitement lié aux libertés. Si cet article a suscité la vive indignation des internautes, M. Daouk a jugé « évident de légiférer en termes larges lorsqu’il s’agit de liberté », minimisant ainsi la portée de cet article.
Mais ce sont justement pareilles marges de manœuvre qui sont exploitées au Liban par les détracteurs des libertés, sous couvert d’une démocratie desservie par des lois désuètes. Si ce projet de loi vise à pallier l’absence d’une loi sur les médias électroniques, en attendant la réforme des lois en vigueur, son apport reste minime par rapport au risque qu’il comporte à l’égard des libertés. C’est d’ailleurs ce risque qui aurait amené le Premier ministre Nagib Mikati à refuser, la semaine dernière, de mettre le projet de loi sur les médias audiovisuels à l’ordre du jour du Conseil des ministres. M. Mikati s’est toutefois réuni hier avec le ministre Daouk et le député Hassan Fadlallah (président de la commission de l’Information). Les protagonistes ont convenu d’insérer le projet dans le débat en commission parlementaire, à laquelle le ministre Daouk prendra part, où un projet global de loi sur les médias est en gestation. Un projet où les phobies à l’égard des nouveaux médias, qui assaillent notamment le régime de Damas, risquent de se manifester…
L'orient le jour