Mgr Rosario Vella, évêque de Ambanja, au nord du pays, raconte à l’Aide à l’Église en détresse (AED) la réalité de Madagascar et l’œuvre de l’Église catholique locale. L’évêque sicilien – premier salésien à la tête d’un diocèse malgache – vit sur l’île depuis 1981.
Après le coup d’État militaire qui a mis le 17 mars 2009 l’ancien DJ Andry Rajoelina à la tête de l’Haute Autorité de Transition – un gouvernement de facto dépourvu de toute reconnaissance internationale – Madagascar traverse un moment très critique.
Une Église pauvre pour les pauvres
« Nous vivons dans un chaos économique, juridique, politique, social, mais surtout moral », explique Mgr Vella : « alors que les multinationales sont en train de dépouiller l’ile de ses richesses, les nombreux, trop nombreux partis politiques pensent uniquement à leur avantage et les personnes sont achetées à bas prix… Dans certaines régions les malgaches vivent dans des conditions misérables, malgré le pétrole, l’or, les diamants », dénonce-t-il.
En outre, l’évêque constate « l’abandon des valeurs traditionnelles malgaches – famille, solidarité, respect de la personne – remplacées par la soif de pouvoir et l’envie de gains faciles, par le libertinage et le relativisme exaspéré ».
« Les parents n’arrivent plus à éduquer les enfants et les enseignants, épuisés par les adversités, ne peuvent pas accomplir pleinement leur devoir », ajoute-t-il.
Dans ce contexte, même si l’Eglise catholique malgache est « une Église pauvre pour les pauvres », qui représente seulement 25% de la population, « nous pouvons le dire la tête haute, l’Église catholique fait beaucoup, beaucoup de choses dans ce domaine. Pour ces jeunes, nos écoles représentent la seule ancre de salut », affirme Mgr Vella.
L’Eglise ouverte à tous
Sur le plan social, poursuit l’évêque, les droits minimum, comme l’école et l’accès aux soins sanitaires, ne sont pas garantis par l’État. Seule 15% de la population a accès aux soins médicaux de base : « On peut accepter la pauvreté d’une famille qui vit dans une maison de paille, mais il n’est pas tolérable qu’elle ne puisse pas soigner ses enfants faute d'argent ou d'un hôpital voisin. Parce que cela n’est pas de la pauvreté, c’est la misère », estime-t-il.
Là encore, l’Eglise catholique est active, même dans le nord du pays et dans les régions côtières où le pourcentage de catholiques est moindre (entre 2 et 15%) : dans les villages les plus reculés, l’Église a construit des écoles et des dispensaires qui accueillent les fidèles de toute religion.
« Nos portes sont ouvertes à tous », affirme Mgr Vella, rappelant l’œuvre de nombreux prêtres, religieux et religieuses qui n’hésitent pas à parcourir à pieds cent kilomètres pour rencontrer des communautés très isolées.
L’éducation, une priorité
L’éducation est l’une des priorités de l’Église catholique : « Nous sommes fortement préoccupés pour l’avenir des jeunes malgaches et il est essentiel de leur garantir le droit à l’étude et à la formation », déclare l’évêque.
Pour poursuivre leurs études après l’école primaire, les jeunes des villages – âgés de 11 ou 12 ans – sont contraints de se transférer ailleurs. Seuls, loin de chez eux et avec très peu d’argent à leur disposition, les adolescents sont exposés à de nombreux dangers. Pour les protéger, le diocèse de Ambanja a créé des ‘villages’ dans lesquels vivent les étudiants, confiés aux soins d’une famille, ou bien de religieuses ou de prêtres.
« Depuis que nous avons commencé, beaucoup plus de jeunes continuent à étudier. Avec un guide près d'eux, ils ont moins de risques d’être exploités. Car lorsqu’ils n’ont plus d’argent, les garçons risquent de tomber dans le milieu de la criminalité et les filles dans celui de la prostitution », explique Mgr Vella.
À Madagascar la prostitution est un phénomène répandu – et dans certaines zones le tourisme sexuel l’est aussi – et souvent ce sont les parents mêmes qui vendent leurs filles adolescentes pour leurs nécessités économiques.