Reporters sans frontières se joint aux journalistes d’Irlande du Nord pour condamner la récente menace de mort contre un des plus importants journalistes de Belfast, exactement six années après le meurtre toujours non élucidé du reporter d’investigation Martin O’Hagan.
“ Nous appelons les services de police d’Irlande du Nord à intensifier les efforts pour protéger les journalistes et à poursuivre sans rêlache ceux qui veulent les faire taire. Nous dénonçons la lenteur avec laquelle les enquêteurs peinent à retrouver les assassins de Martin O’Hagan. Néanmoins, nous saluons l’apport de nouveaux éléments au dossier ainsi que de nouvelles pistes mettant enfin l’accent sur une possible collusion entre les forces de sécurité et les groupuscules loyalistes paramilitaires au moment des faits, relation sur laquelle enquêtait le reporter lors de son assassinat ”. La menace présentée sous la forme d’une balle sur laquelle étaient gravés le nom, l’adresse et le numéro de la plaque d’immatriculation de Robin Livingstone, éditeur du Andersontown News, a été envoyée à un studio de télévision. Elle a été revendiquée par des membres de la Main rouge, un groupuscule de loyalistes paramilitaires. “Les récents événements montrent que les paramilitaires se sentent encore tout pouvoir d’intimider les journalistes. Cette menace est d’autant plus alarmante que les forces de police peinent toujours à retrouver les assassins de Martin O’Hagan” a déclaré Reporters sans frontières. Le 28 septembre 2001 au soir, le reporter du Sunday World rentrait à pied chez lui à Lurgan lorsqu’il a été abattu, vraisemblablement par un même groupuscule de loyalistes paramilitaires. Le correspondant au Royaume-Uni de Reporters sans frontières, Glyn Roberts, a fait part de la pression des journalistes sur la police locale pour que soit mis au jour le rapport d’enquête prenant en compte les nouveaux éléments apportés au dossier, six ans après la mort du reporter. Les nouvelles pistes dans l’assassinat de O’Hagan sont actuellement suivies par une commission d’enquête récemment mise en place. L’enquête qui avait suivi la mort du journaliste avait été vivement critiquée pour avoir négligé les rapports plus que douteux entretenus par les forces de sécurité avec les groupuscules loyalistes paramilitaires. Pour marquer l’anniversaire de la mort du reporter cette semaine, les membres du Syndicat national des journalistes auquel appartenait Martin O’Hagan ont demandé à rencontrer les forces de police pour discuter des récents développements.Une enquête interne de la police d’Irlande du Nord ainsi qu’une enquête indépendante menée par la police des polices, chargée d’examiner une éventuelle responsabilité des forces de l’ordre, sont actuellement en cours. En décembre 2006, une enquête de l’officier de police judiciaire du comté chargé du dossier a enfin abouti à la conclusion que le journaliste avait été assassiné en raison de ses activités professionnelles, et plus particulèrement à cause de ses récentes investigations sur les trafics de drogue au sein d’un groupe paramilitaire, la Loyalist Volunteer Force. Huit suspects potentiels ont été intérrogés mais, faute de preuces suffisantes, le police s’est vue contrainte d’abandonner les poursuites. Cependant, seules les organisations non gouvernementales locales, telle que le British Irish Watch ainsi que le Special Rapporteur on Freedom of Expression pour lesquelles travaille Jane Winter, ont, d’après elle, poursuivi leurs efforts pour apporter des éléments et témoignages nouveaux au dossier. “Après que les autorités ont dans un premier temps rejeté les nouveaux éléments apportés, ces personnes viennent nous voir pour ne pas qu’ils soient occultés” a-t-elle déclaré. Nombreux sont les éléments d’enquête qui font référence à la collusion entre les forces de sécurité et les groupuscules paramilitaires sur laquelle enquêtait le journaliste lors de son assassinat. Jane Winter critique “le caractère expéditif des enquêtes des forces de police retenant un peu trop facilement l’hypothèse des trafics de drogue sur lesquels travaillait le journaliste, comme cause de sa mort”. Toutefois, elle salue la mise en place de cette nouvelle commission d’enquête qui prend enfin en compte “de nouvelles pistes qui étaient jusqu’alors inconnues”. Un loyaliste paramilitaire aurait récemment déclaré être prêt à réveler des informations capitales en échange d’une immunité pénale. La police d’Irlande du Nord a, quant à elle, déclaré qu’elle réétudiait le dossier et qu’elle rendrait compte de ses travaux “en temps voulu” ajoutant que “la famille de M. O’Hagan est au courant de la situation”. Le bureau du chef de la commission d’enquête de la police des polices déclare avoir “bien avancé” son investigation, et peu d’éléments restent à examiner avant qu’il ne rende son rapport. Les plaintes à l’encontre de la première enquête suivant la mort du journalite accusaient les forces de police, plus préoccupées de protéger les informateurs au sein de la Loyalist Volunteer Force que de rendre justice au journaliste. Séamus Dooley, secrétaire irlandais du Syndicat national des journalistes a écrit à M. Skelton, policier présidant la nouvelle commission d’enquête, pour lui faire part de son désir de le rencontrer “afin que nous puissions être au courant de l’état de l’enquête, malgré la nécessaire confidentialité dans un cas aussi sensible”. Dans sa lettre, il a insisté sur “la gravité de la situation du fait que personne n’ait encore été mis en examen ou soupçonné d’une quelconque responsabilité dans les événements survenus la nuit du meurtre”. M. Dooley a fait part de l’effort qu’offriraient tous les membres du Syndicat des journalistes “susceptibles d’apporter une aide quelle qu’elle soit bien qu’un bon nombre d’entretiens aient déjà eu lieu”. En plus de Robin Livingston, des politiciens républicains et le journal qui emploie le journaliste, Andersontown News, situé dans un quartier catholique de Belfast, ont eux aussi été les cibles de menaces de la part d’extrémistes loyalistes. Une dizaine d’autres journalistes en Irlande du Nord travaillent toujours dans un état de peur constant. Jeremy Dear, secrétaire général du Syndicat national des journalistes, a déclaré “condamner fermement ce genre de menaces. Il est vital que la police protège ceux qui sont victimes de ce type d’intimidation et que les politiciens de tous bords délivrent un message on ne peut plus clair sur la défense de la liberté de la presse et du droit des journalistes à travailler libres de toute peur”. Jane Winter, du British Irish Rights Watch, a rappelé que “depuis la mort en 2001 de Martin O’Hagan et l’incapacité des forces de police à mettre des noms derrière cet assassinat, toutes les menaces contre des journalistes doivent être prises au sérieux”.
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