dans tous les lieux où vous vivez et travaillez ; allez aussi là où personne ne va, et où tant de monde attend ce message de lumière.
Et surtout, laissez Jésus vous entraîner dans l’aventure de feu de sa Passion, cette grande SORTIE, dans laquelle Il sauve le monde", déclare le cardinal Philippe Barbarin.
L'archevêque de Lyon a en effet adressé un message aux jeunes qui ont participé, du 10 au 15 août au Forum international des jeunes organisé à Paray-le-Monial, par la Communauté de l'Emmanuel, avec quelque 2500 participants.
Toutes les sessions d'été de Paray-le-Monial peuvent être suivies en direct sur Radio Espérance (http://www.radio-esperance.fr). Le message a été lu mercredi soir, 14 août, sous la grande tente dressée au Moulin Liron, lors de la dernière veillée du rassemblement. Après de longs applaudissements, les jeunes ont répondu à la demande du cardinal de prier pour lui. Il est en effet revenu à Lyon, mardi soir, 13 août, après l'infarctus qui l'a frappé à Cayenne, le 21 juillet et son triple pontage en Martinique, le 23 juillet (cf. Zenit du 14 août 2013, http://www.zenit.org/fr/articles/le-forum-des-jeunes-de-paray-le-monial-prie-pour-le-card-barbarin).
Message du cardinal Philippe Barbarin
Chers Amis,
Vous devinez la joie que j’aurais eue d’être avec vous, ce mardi 13 août. Une journée bien préparée avec quelques-uns d’entre vous : Messe, carrefours l’après-midi, ensei-gnement au cours de la veillée… L’objectif était de réfléchir à la mission que Jésus nous confie en nous donnant son ultime consigne, à la fin de l’Evangile de saint Matthieu : « Allez, et de toutes les nations faites des disciples … » (Mt 28, 19). C’était le thème des JMJ de Rio, et plusieurs jeunes m’ont écrit : « Nous avons bien retenu la triple consigne que le Pape François nous a fait répéter : ‘ALLEZ ! SANS PEUR ! POUR SERVIR !’ » Que ces mots restent gravés dans vos mémoires !
« Mieux se connaître pour mieux se donner », tel est le sujet de votre journée. Chacun de nous est aimé de manière unique par Dieu : c’est ce qu’on appelle « sa grâce », un mot chrétien essentiel. Chacun doit « agir selon sa grâce ». Si nous connaissons et si nous faisons fructifier l’amour particulier de Dieu déposé en chacun de nous, si nous avons conscience de notre fragilité et de nos infidélités, alors nous saurons donner le meilleur. C’est cela, justement, la grâce, un cadeau personnel et gratuit dont nous ne profiterons vraiment que si nous mettons toute notre énergie à le partager avec les autres. Bref, retenez bien cette formule : « Ta grâce, c’est ta mission ! »
13 août, c’était aussi, pour moi, un petit anniversaire intérieur, car il y a environ 30 ans, j’ai participé à mon premier forum de Paray-le-Monial, en concélébrant la Messe du 13 août, mémoire des Saints Pontien et Hippolyte. Je me rappelle encore l’homélie de l’évêque qui présidait ce jour-là, et les longues heures de confession, l’après-midi… le cœur et le trésor de notre ministère de prêtres, ce sacrement où se jouent tant d’événements essentiels de nos vies !
Lors de la veillée, je devais vous parler sur les JMJ de Rio, sur le Pape François et sur notre envoi en mission, des sujets qui m’intéressent… particulièrement ! « Sortir » de nous-mêmes, nous mettre au service des autres, pour le bien de notre société, des générations futures et de tous ceux qui ne connaissent pas encore Jésus, ni l’espérance et la lumière de son Evangile !
Pour moi, vous le savez peut-être, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Un infarctus en Guyane, où je venais de rejoindre les jeunes qui se préparaient à partir à Rio, m’a amené à subir une opération en Martinique. Les JMJ, je les ai donc vécues autrement, mais intensément, soyez-en sûrs. Tout était offert au Seigneur pour le fruit spirituel de ces journées, dans le cœur des jeunes.
Mon retour en Métropole est prévu justement pour ce mardi 13 août… mais mon état ne me permet pas de vous rejoindre aussitôt. Et voilà que le P. Manoukian m’a proposé de vous adresser quand même un message, à la fois simple et vigoureux. On va essayer.
La « première » parabole
Je voudrais attirer votre attention sur le verbe « sortir », parce qu’il correspond bien à la dernière consigne de Jésus : « Allez, enseignez toutes les nations … » Vous avez certainement remarqué combien ce verbe compte aussi beaucoup pour le pape François. Bien sûr, je vais d’abord aller le chercher dans l’Evangile … où on n’a pas de mal à le trouver !
Depuis quelque temps, je me suis aperçu que la première phrase donne l’essentiel des grands textes chrétiens. Vous savez que Jésus a enseigné une quarantaine de paraboles. Dès que je les évoque, les plus belles vous viennent à la mémoire : le bon Samaritain, l’enfant prodigue…. Mais si je vous demandais : « Quelle est la ‘première’, celle qui dit tout, qui résume le programme de Jésus ? Selon moi, la parabole essentielle, le pivot de toutes les autres, c’est celle du Semeur. Elle est racontée à la fois par Matthieu, Marc et Luc, et plusieurs de ses éléments sont disséminés dans l’Evangile selon saint Jean. Jésus prend ensuite le temps de l’expliquer à ses disciples, en privé. Et cela, il ne le fait que deux fois dans l’Evangile, pour « le Semeur » et « le bon grain et l’ivraie ». Les autres paraboles restent sans explication… On sent d’ailleurs que Jésus souffre ; il aimerait parler clairement, mais voilà « l’esprit de ce peuple s’est épaissi ; ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux » (Mat 13, 15), constate-t-il au moment où il va donner à ses disciples l’explication de la parabole du semeur.
Oui, la parabole du semeur est première et, en plus, elle est parfaitement résumée dans sa première ligne : « Voici que le semeur est sorti pour semer » (Mat 13, 3-9 ; Marc 4, 1-9 ; Luc 8, 5-8, et les explications qui suivent chacun de ces trois textes). Comme par hasard, le verbe « sortir » est là, et l’on peut dire que Jésus l’utilise pour résumer le cœur de sa mission.
Dans son explication, assez détaillée, Jésus commence en disant : « La semence, c’est la Parole de Dieu. » Puis, Il parle de « ceux qui sont au bord du chemin », du diable qui vient dérober le cadeau semé en eux, comme les oiseaux picorent le grain. Il dit aussi que, chez certains, la parole est étouffée par les chardons ou les épines qui symbolisent « les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie ». « Ceux qui n’ont pas de racines… ce sont les hommes d’un moment ».
Toutes ces remarques nous amènent à réfléchir et à faire notre examen de conscience, exercice fort utile ! … Heureusement, il y a aussi les grains qui sont tombés dans la bonne terre, et qui donnent du bon fruit, « trente, soixante, cent pour un » (Marc 4, 8).
« Le semeur est sorti … »
Pourtant, Jésus laisse un grand silence sur la première ligne : « Le semeur est sorti pour semer sa semence… ». Pourquoi n’explique-t-il pas qui est ce semeur, qui sort… ? En fait, tout le monde comprend. Nous savons bien que dans les paraboles, il faut toujours chercher la présence de Jésus. Les paraboles, et l’Evangile en général, ne sont pas seulement un code de bonne conduite, destiné à nous montrer nos défauts et à nous faire faire des progrès d’ordre moral, mais d’abord et avant tout, la contemplation silencieuse du mystère de Jésus. Parfois, cette présence de Jésus est assez cachée et Lui, en tous cas, reste toujours discret sur lui-même. Mais dans cette parabole, évidemment, dès les premières syllabes, l’auditeur comprend bien que le semeur, c’est Lui, Jésus. Tout est clair.
Comme je vous le disais, dans tous les grands textes de l’Evangile et de la foi, la seule chose qui m’intéresse, en fait, c’est la première phrase. Une fois qu’elle a été prononcée, on a l’impression que l’essentiel est dit, à la fois sur Lui, et même pour nous.
Et quel est le premier mot que Jésus utilise pour présenter et résumer sa mission ? C’est justement le verbe « sortir », qui résume bien tout l’engagement de Dieu envers nous. Jésus est « sorti » du ciel et, dans l’événement de l’Incarnation, il a fait plonger tout le mystère de l’Amour trinitaire dans notre aventure humaine. Après les trente années de vie cachée à Nazareth, il est « sorti », pour semer la Parole. C’est le temps de son ministère public. Puis, dans la grande « sortie » de sa Passion, Il s’est abaissé et humilié plus encore.
Il avait fait du bien à tout le monde en multipliant les miracles et pourtant, Il a vu se dresser devant lui des murailles et obstacles de tous genres. Aucune difficulté ne l’a arrêté car il voulait, dans la logique d’un amour qui va « jusqu’à l’extrême » (cf. Jean 13, 1), « tenter une sortie » contre le péché, contre la haine et la mort. Les gens en le voyant crucifié, au sommet du Golgotha, ont pensé que sa vie était un échec, mais nous, nous savons qu’il a ouvert une brèche victorieuse dans la muraille de la mort. Le vrai fruit de sa sortie, c’est l’événement du matin de Pâques : un homme nouveau, une vie et une espérance éternelles, offertes à tous. Tel est le fondement de notre foi et de notre mission.
Revenons au verbe « sortir ». On voit que Jésus l’aime beaucoup. Au début de l’Evangile de St Marc, qui est comme une « page arrachée à l’agenda de Jésus », ce verbe apparaît plusieurs fois. « Le lendemain, bien avant l’aube, il se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait » (1, 35). Avez-vous remarqué que la première « sortie » de Jésus, c’est pour son Père, pour aller à sa rencontre dans le silence, la prière et la solitude ? Au bout d’un moment, ses compagnons, partis à sa recherche, le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche … » Et Jésus répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti » (v. 38). Il sait qui Il est et voit clairement quelle est sa mission.
Le moment est solennel. Jésus prend avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. L’événement de la Transfiguration, c’est un peu comme le miracle des miracles. Il ne s’agit plus de faire le bien aux autres : guérir les malades, chasser des démons, apaiser la tempête ou multiplier des pains … C’est dans la personne et le corps même de Jésus que s’accomplit ce miracle, et on peut dire que c’est la seule fois dans l’Evangile. Son visage, ses vêtements deviennent d’une blancheur fulgurante … Alors apparaissent Moïse et Elie, deux figures qui résument toute la Bible (la Loi et les Prophètes), et ils s’entretiennent tous les trois. On a l’impression que Jésus frémit, tremble devant l’épreuve qui s’annonce et que ses deux aînés sont là, en cette heure décisive, pour l’encourager à partir vers Jérusalem et accomplir sa mission.
L’Evangile de St Luc nous rapporte même le sujet de leur conversation : « Ils parlaient de son départ… ». Comme par hasard, il s’agit de la « sortie » que Jésus va accomplir à Jérusalem. Le mot grec utilisé ici est celui-là même qui a donné son titre au deuxième livre de la Bible : L’Exode. Quelle conversation impressionnante ! Le peuple hébreu est sorti de l’esclavage d’Egypte, il a traversé la Mer Rouge pour se mettre en chemin vers la Terre Promise (vous vous rappelez les péripéties douloureuses et merveilleuses de ces quarante années passées dans le désert). Ainsi, Moise et Elie parlent avec Jésus qui va maintenant « tenter une sortie » contre tous ces esclavages et contre la loi, semble-t-il implacable, de la mort.
Le verbe « sortir »
Voilà pourquoi, j’aime beaucoup ce verbe sortir et je ne suis pas le seul, vous le savez. En mars dernier, au Vatican, après la renonciation de Benoît XVI, nous avons vécu quelques journées de concertation et d’échanges entre cardinaux, avant de procéder à l’élection du nouveau pape.
Il y a eu près de 200 interventions, mais leur contenu doit rester secret. Toutefois, le pape François nous a autorisés à dévoiler ses propos du jeudi 7 mars. Vous vous en doutez, le verbe sortir y tenait une place centrale. Pour le cardinal Bergoglio, l’Eglise est en mauvaise santé quand elle s’occupe d’elle, de ses rouages, de son institution, de ses affaires… Au contraire, elle va bien quand elle part sur les routes, et qu’elle s’occupe des hommes, tels qu’ils sont aujourd’hui avec leurs interrogations, leurs souffrances, leurs doutes… En vérité, le cœur de l’Eglise n’est pas dans les sacristies, les évêchés ou le Vatican, mais plutôt dans ce lieu secret où un cœur est touché, retourné par la grâce de Dieu. Avec force, le futur Pape François incitait les chrétiens à sortir et à aller sans peur porter le Christ, partout, au loin, et « jusqu’aux périphéries existentielles ».
La phrase qui m’a le plus touché (je ne l’ai pas vue rapportée dans les journaux, mais je l’avais immédiatement notée, avec précision), c’est quand il a expliqué : « Parfois, j’ai l’impression que Jésus frappe à la porte, mais ce n’est pas comme dans l’Apocalypse où il dit : ‘’Voici que je me tiens à la porte et que je frappe’’ … » (3, 20). J’ai l’impression que c’est l’inverse. Jésus frappe parce qu’il voudrait sortir ; il se sent prisonnier à l’intérieur du système de l’Eglise ! Il voudrait aller sur les routes, comme un messager d’espérance et de joie, auprès de tous ceux qui souffrent et qui attendent de découvrir à quel point ils sont aimés. »
« N’ayez pas peur : Sortez ! »
Voilà, mes amis, quelques idées que je voulais partager avec vous autour de cette dernière consigne de Jésus : « Allez enseigner toutes les nations … » Ce verset nous décrit à la fois la trajectoire de Jésus, et celle de notre avenir et de notre mission, puisque nous avons la joie d’être ses disciples.
Je voulais surtout vous faire entendre un mot de l’Evangile, extraordinaire et si vigoureux, le verbe sortir.
N’ayez pas peur de sortir ! Chaque matin, SORTEZ de vous-mêmes et allez à la rencontre du Dieu Vivant, dans un endroit désert, pour l’écouter et vous remplir de sa Parole. Puis, SORTEZ au-devant des autres, dans tous les lieux où vous vivez et travaillez ; allez aussi là où personne ne va, et où tant de monde attend ce message de lumière.
Et surtout, laissez Jésus vous entraîner dans l’aventure de feu de sa Passion, cette grande SORTIE, dans laquelle Il sauve le monde.
Je me recommande à votre prière et demande à Dieu de vous bénir tous.
A vous et à chacun des membres de vos familles, la grande joie de la fête du 15 août !
Fort-de-France, le 11 août 2013
Cardinal Philippe Barbarin
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