Nous publions ci-dessous le texte intégral de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée dimanche 12 octobre lors de la messe qu'il a présidée sur la Place Saint-Pierre à l'occasion de la canonisation de 4 bienheureux.
Chers frères et soeurs, Quatre nouvelles figures de saints sont aujourd'hui proposées à la vénération de l'Église universelle: Gaetano Errico, Maria Bernarda Bütler, Alphonsine de l'Immaculée Conception et Narcisa de Jésus Martillo Morán. La liturgie nous les présente sous l'image évangélique des invités qui prennent part au banquet revêtus de l'habit nuptial. Cette image du banquet, nous la retrouvons également dans la première Lecture et dans d'autres diverse pages de la Bible: c'est une image joyeuse parce que le banquet accompagne une fête de noces, l'Alliance d'amour entre Dieu et son Peuple. C'est vers cette Alliance que les prophètes de l'Ancien Testament ont constamment orienté l'attente d'Israël. Et à une époque marquée par des épreuves en tous genres, quand les difficultés risquaient de décourager le Peuple élu, voici que s'élève la Parole rassurante du prophète Isaïe: «Le Seigneur, Dieu de l'univers – affirme-t-il -, préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés» (25, 6). Dieu mettra un terme à la tristesse et à la honte de son Peuple, qui pourra finalement vivre heureux en communion avec Lui. Dieu n'abandonne jamais son Peuple: c'est pour cela que le prophète l'invite à la joie: «Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés; (…) exultons, réjouissons-nous: il nous a sauvés!» (v. 9). Si la première Lecture exalte la fidélité de Dieu à sa promesse, l'Évangile avec la parabole du banquet nuptial nous fait réfléchir à la réponse de l'homme. Certains invités de la première heure ont refusé l'invitation, parce qu'ils étaient pris par des intérêts différents; d'autres ont même méprisé l'invitation du roi provoquant un châtiment qui s'est abattu non seulement sur eux, mais sur toute la ville. Cependant, le roi ne se décourage pas et envoie ses serviteurs chercher d'autres convives pour remplir la salle de son banquet. Le refus des premiers a ainsi eu comme effet d'étendre l'invitation à tous, avec une prédilection pour les pauvres et les déshérités. C'est ce qui est advenu dans le mystère pascal: le pouvoir incontesté du mal est vaincu par la Toute-puissance de l'amour de Dieu. Le Seigneur ressuscité peut désormais inviter tout le monde au banquet de la joie pascale, et fournir Lui-même aux convives les habits nuptiaux, symbole du don gratuit de la grâce qui sanctifie. À la générosité de Dieu doit cependant répondre la libre adhésion de l'homme. C'est justement ce chemin qu'ont parcouru également ceux que nous vénérons aujourd'hui comme saints. Ils ont reçu par le baptême l'habit nuptial de la grâce divine, l'ont conservé pur ou l'ont purifié et rendu splendide au cours de leur vie par les Sacrements. Ils prennent désormais part au banquet nuptial du Ciel. Une anticipation de cette fête finale du Ciel est le banquet de l'Eucharistie auquel nous invite chaque jour le Seigneur et auquel nous devons prendre part vêtus de l'habit nuptial de sa grâce. S'il nous arrive de tâcher voire de déchirer par le péché cet habit, la bonté de Dieu ne nous repousse pas, ni ne nous abandonne à notre destin, mais nous offre par le sacrement de la Réconciliation la possibilité de rétablir dans son intégrité l'habit nuptial nécessaire pour la fête. Le ministère de la Réconciliation est donc toujours un ministère actuel. Le prêtre Gaetano Errico, fondateur de la Congrégation des Missionnaires des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, s'est dévoué à ce ministère avec application, assiduité et patience, sans jamais se refuser, ni s'épargner. Il s'inscrit ainsi parmi les figures extraordinaires des prêtres qui, de manière inlassable, ont fait du confessionnal le lieu ou l'on dispense la miséricorde de Dieu, en aidant les hommes à se retrouver eux-mêmes, à lutter contre le péché et à progresser sur le chemin de la vie spirituelle. La route et le confessionnal furent les lieux privilégiés de l'action pastorale de ce nouveau saint. La route lui permettait de rencontrer les personnes auxquelles il adressait son invitation habituelle: «Dieu t'aime, quand nous verrons-nous?», et dans le confessionnal, il rendait possible leur rencontre avec la miséricorde du Père céleste. Combien de blessures d'âmes il a ainsi soignées! Combien de personnes il a amenées à se réconcilier avec Dieu par le Sacrement du pardon! De cette manière, saint Gaetano Errico est devenu un expert dans la «science» du pardon, et s'est employé à l'enseigner à ses missionnaires en leur recommandant: «Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, est toujours plus miséricordieux que ses ministres; aussi soyez miséricordieux autant qu'il vous est possible, parce que vous obtiendrez miséricorde auprès de Dieu». Maria Bernarda Bütler, née à Auw, dans le canton suisse d'Argovie, a vécu l'expérience d'un amour profond pour le Seigneur, alors qu'elle était encore très jeune. Comme elle l'a dit elle-même: «Il est presque impossible de l'expliquer à ceux qui ne l'ont pas éprouvé personnellement». Cet amour a conduit Verena Bütler, tel était son nom à l'époque, à entrer dans le monastère des capucines de Marie Auxiliatrice à Altstätten où, à l'âge de 21 ans, elle a prononcé ses vœux perpétuels. À 40 ans, elle a reçu l'appel missionnaire et s'est rendue en Équateur, puis en Colombie. Le 29 octobre 1995, mon vénéré prédécesseur Jean-Paul ii l'a élevée aux honneurs des autels pour sa vie et son engagement auprès des autres. Mère Maria Bernarda, une figure très chère et présente surtout en Colombie, a compris profondément que la fête que le Seigneur a préparée pour tous les peuples est représentée d'une manière particulière par l'Eucharistie. En elle, le Christ lui-même nous reçoit comme des amis et s'offre à nous à la table du pain et de la parole, en entrant en communion profonde avec chacun. C'est la source et le pilier de la spiritualité de cette nouvelle Sainte, tout comme son élan missionnaire qui l'a conduite à quitter sa patrie natale, la Suisse, pour s'ouvrir à d'autres horizons d'évangélisation en Équateur et en Colombie. Au milieu des graves difficultés qu'elle a du affronter, y compris l'exil, elle a gardé gravée dans son coeur l'exclamation du psaume que nous avons écouté aujourd'hui: «Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi» (Ps 22,4). Ainsi, docile à la Parole de Dieu, suivant l'exemple de Marie, elle fit comme les serviteurs dont parle le passage de l'Évangile que nous avons écouté: elle alla partout proclamant que le Seigneur nous invite tous à sa fête. Elle fit ainsi part aux autres de l'amour de Dieu auquel elle consacra, avec fidélité et joie, sa vie tout entière. «Il détruira la mort pour toujours. Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages» (Is 25, 8). Ces paroles du prophète Isaïe contiennent la promesse qui a soutenu Alphonsine de l'Immaculée Conception tout au long d'une vie d'extrême souffrance physique et spirituelle. Cette femme exceptionnelle, qui est aujourd'hui offerte au peuple de l'Inde, comme leur première sainte canonisée, était convaincue que sa croix était le véritable moyen de parvenir au banquet céleste, préparé pour elle par le Père. En acceptant l'invitation à cette fête de mariage, et en se revêtant de la grâce de Dieu à travers la prière et la pénitence, elle a conformé sa vie sur celle du Christ, et participe maintenant avec joie au «festin de viandes grasses et de vins capiteux» du Royaume céleste (cf. Is 25, 6). Elle avait écrit: «Je considère qu'un jour sans souffrance est un jour perdu». Puissions-nous l'imiter en portant notre croix afin de la rejoindre un jour au paradis. La jeune laïque équatorienne, Narcisa di Jesús Martillo Morán, nous offre un exemple parfait de réponse prompte et généreuse à l'invitation que le Seigneur nous fait participer à son amour. Dès son plus jeune âge, en recevant le Sacrement de la Confirmation, elle ressentit clairement dans son coeur l'appel à vivre une vie de sainteté et de dévouement à Dieu. Pour soutenir avec docilité l'action de l'Esprit Saint dans son âme, elle chercha toujours le conseil et le guide de prêtres experts et bons, considérant la direction spirituelle comme l'un des moyens les plus efficaces pour parvenir à la sanctification. Sainte Narcisa di Jesús nous montre un chemin de perfection chrétienne accessible à tous les fidèles. Malgré les grâces abondantes et extraordinaires qu'elle reçut, son existence s'écoula dans la plus grande simplicité, se consacrant à son travail de couturière et à son apostolat de catéchiste. Dans son amour passionné pour Jésus, qui la mena à entreprendre un chemin d'intense prière et de mortification, et à s'identifier toujours davantage avec le mystère de la Croix, elle nous offre un témoignage fascinant et l'exemple parfait d'une vie totalement dédiée à Dieu et à ses frères. Chers frères et soeurs, rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté qui, aujourd'hui, resplendit dans l'Église d'une beauté singulière. Jésus invite chacun de nous à le suivre, comme ces saints, sur le chemin de la croix, pour recevoir ensuite la vie éternelle dont il nous a fait don en mourant. Que leurs exemples nous servent d'encouragement; que leurs enseignements nous guident et nous confortent; que leur intercession nous soutienne dans les peines du quotidien, pour que nous puissions arriver un jour à partager avec eux et avec tous les saints la joie de l'éternel banquet dans la Jérusalem céleste. Que surtout Marie, Reine des Saints, nous obtienne cette grâce, elle que nous vénérons avec une dévotion particulière en ce mois d'octobre,. Amen.
ROME, lundi 13 octobre 2008 (ZENIT.org)