Une « Instruction sur les instituts supérieurs de sciences religieuses » a été présentée au Vatican ce jeudi, 25 septembre, par le cardinal Zenon Grocholewski, préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique (des séminaires et des instituts d'études).
Le cardinal Grocholewski était entouré de Mgr Jean-Louis Bruguès, O.P., secrétaire de cette congrégation, dont nous publions ci-dessous l'intervention, en français. Cette instruction, souligne-t-il, s'inscrit dans la ligne de « l'une des grandes intuitions du concile de Vatican II, la valorisation du laïcat ».Le document est publié par le dicastère romain en français, italien, anglais et espagnol.Intervention de Mgr Jean-Louis BruguèsLe document qui vous est présenté ce matin s'inscrit dans le droit fil de l'une des grandes intuitions du concile de Vatican II, la valorisation du laïcat. Je ne dis pas revalorisation, comme on l'entend parfois, car en réalité le mouvement couvre plusieurs siècles, exactement depuis l'élaboration d'une spiritualité propre aux laïcs, dès la fin du Moyen Age, avec les grandes figures de la « devotio moderna », puis celle de S. François de Sales. Le concile rappelle que tous les baptisés sont appelés à la sainteté, et que cette vocation doit se déployer à l'intérieur de la mission propre confiée par l'Eglise à ses fidèles laïcs.Cette mission est double. La première est, d'une certaine manière, la plus traditionnelle: témoigner de l'Evangile au sein du monde. Ce témoignage couvre un spectre très étendue d'activités variées dans la vie familiale, la vie professionnelle, les rouages de l'économie, les milieux politiques, les causes humanitaires, la culture enfin. Toutefois, il se trouve aujourd'hui profondément remanié par les exigences d'une « nouvelle évangélisation ». A monde nouveau, évangélisation renouvelée. Si la plupart des sociétés modernes se trouvent aujourd'hui caractérisées par une sécularisation envahissante, il convient de repenser à frais nouveaux la mission du témoignage séculier des laïcs.La seconde mission est plus originale. Certes, il y eut toujours des laïcs au service de l'Eglise, mais ici encore, la palette des demandes s'est ouverte de manière extraordinaire. On veut des laïcs compétents pour faire la catéchèse et enseigner dans les écoles ou les universités catholiques. On recherche des laïcs généreux pour assister les curés de paroisses et animer les conseils pastoraux paroissiaux (cf. Exhortation apostolique Christifideles 27). On attend des laïcs qu'ils prennent de nouvelles responsabilités dans les aumôneries, les mouvements d'action catholique et jusqu'aux media d'inspiration chrétienne. On en vient à parler pour eux de ministères, d'offices et de charismes propres.Pour rendre ces services dans les meilleurs conditions possible, les laïcs doivent recevoir une formation adaptée. C'est un droit pour eux de solliciter une telle formation ; c'est un devoir pour l'Eglise de la leur proposer.Déjà en 1979, dans son Exhortation apostolique Catechesi tradendae, le pape Jean-Paul II écrivait : « Cette contribution des laïcs dont nous devons être reconnaissants au Seigneur, constitue en même temps un défi à notre responsabilité de pasteurs. Ces catéchistes laïcs, en effet, doivent être soigneusement formés à ce qui est, sinon un ministère formellement institué, tout au moins une fonction de très haut relief dans l'Eglise. Or, cette formation nous invite à organiser des centres et instituts adaptés, auxquels les évêques apporteront une attention assidue. C'est un domaine où une concertation diocésaine, interdiocésaine, voire nationale, se révèle féconde et fructueuse. C'est ici également que l'aide matérielle offerte par les Eglises plus aisées à leurs sœurs plus pauvres pourra manifester sa plus grande efficacité : qu'est-ce qu'une Eglise peut apporter de meilleur à l'autre, sinon de l'aider à croître par elle-même comme Eglise ? » ( ! 71). Ce qui est dit des catéchistes vaut pour l'ensemble des laïcs qui acceptent des responsabilités.La Congrégation pour l'Education Catholique s'est ainsi attachée à concevoir une formation idoine et à lui donner une forme concrète. Les Instituts Supérieurs de Sciences religieuses répondent à ce souci.Je proposerai deux expressions qui sont autant de clés de lecture pour entrer dans la compréhension du texte qui vous est présenté : une formation adaptée, une formation visant à l'excellence.1. Une formation adaptée.On aurait pu penser que les facultés de théologie fourniraient le cadre en quelque sorte naturel, ou immédiat, de cette formation renouvelée offerte aux laïcs. Dès le début cependant, il est apparu que les laïcs avaient besoin d'une formation adaptée à leur mode de vie (beaucoup mènent une vie familiale et professionnelle incompatible avec les conditions de travail dans une faculté). Il fallait également imaginer une méthodologie plus conforme aux activités sociales et ecclésiales qui étaient les leurs.S'est donc imposé le principe suivant : les étudiants clercs suivent la formation dispensée dans les facultés ecclésiastiques; les étudiants laïcs sont invités à se diriger vers les Instituts Supérieurs de Sciences Religieuses. Ces « deux parcours distincts se différencient surtout par la nature des enseignements et le cursus de formation » (Introduction 2). On attend donc du second parcours qu'il fournisse une nouvelle occasion de participer à l'approfondissement de la vérité et qu'il réalise une synthèse entre la foi de l'Eglise, évidemment à portée universelle, et les cultures particulières des Eglises locales (Introduction 4).Une définition est proposée dans l'Introduction : les ISSR « offrent la connaissance des éléments principaux de la théologie et de ses présupposés nécessaires en philosophie et (…) en sciences humaines » (3 ; cf. art. 3). Il s'agit de promouvoir la formation religieuse des laïcs et des personnes consacrées, afin qu'elles participent plus efficacement à l'œuvre d'évangélisation et qu'elles soient préparées au mieux aux différents ministères laïcs et aux services ecclésiaux qui leur seront demandés.2. Une formation visant à l'excellenceNous venons de dire : être préparées au mieux. Une objection, en effet, ne manquera pas de se présenter dans l'esprit de plusieurs : ce second parcours ne passant pas par une faculté, et ne présentant donc pas les garanties académiques habituelles, ne serait-il pas un parcours de deuxième catégorie, presque au rabais ? Il nous faut redire que cette formation mieux adaptée est aussi la meilleure possible pour les laïcs et les religieux non-clercs.Parmi les garanties offertes et dont vous trouverez la liste dans le document que nous vous présentons, je voudrais souligner les suivantes:- Un ISSR est toujours rattaché à une Faculté ecclésiastique de théologie qui en assume la responsabilité académique (art. 4)- Un ISST est toujours placé sous la responsabilité ecclésiale d'un évêque, d'un groupe d'évêques, d'une conférence épiscopale, d'une Faculté de théologie qui se porterait garante auprès de notre Congrégation (art. 5). Par ailleurs, le Modérateur de l'ISSR est de droit l'évêque du lieu (art. 10).- Un ISSR doit comporter au moins quatre enseignants stables, c'est-à-dire totalement engagés au service des étudiants et de la recherche, quand l'Institut ne comporte qu'un premier cycle, et cinq quand il possède les deux cycles : Ecriture Sainte, Théologie dogmatique, Théologie morale et Pastorale, Philosophie, Sciences humaines (art. 15).- Les conditions d'inscription sont les mêmes que pour une entrée en faculté : être en possession du titre qui sanctionne la fin des études secondaires, exactement comme pour une Université civile (art. 18 § 3). Cette garantie se trouve renforcée par le chiffre de 75 étudiants inscrits, en deçà duquel un ISSR ne peut pas habituellement s'ouvrir ou se maintenir (art. 17).- Le curriculum comprend deux cycles, le premier de trois années, le second de deux ans (art. 23). A chacun de ces cycles, correspond un diplôme spécifique : d'abord le baccalauréat, ensuite la licence (art. 28-29). Les grades sont conférés par la Faculté de théologie à laquelle l'Institut se trouve rattaché (art. 26).*****On aura bien noté que les ISSR ne naissent pas aujourd'hui. Leur statut juridique et académique avait été fixé dans deux textes : la Nota illustrativa du 10 avril 1986, et la Normativa per l'Instituto Superiore di Scienze Religiose du 12 mai 1987. La Déclaration conciliaire Gravissimum educationis rappelait avec quel soin particulier l'Eglise avait toujours entouré ses universités, ses facultés et ses écoles supérieures ( § 10). Ce soin ne s'est jamais démenti. C'est lui qui justifie la grande innovation des ISSR. Dans certains pays, l'éclosion des instituts s'est effectuée avec une rapidité qui montrait bien à quel besoin ils répondaient.Vingt années plus tard, il convenait de faire le point. Après avoir étudié chacun des instituts nés au cours des deux dernières décennies, et ramassé la somme énorme de leurs expériences, il a paru nécessaire à la Congrégation pour l'Education Catholique de franchir un pas supplémentaire, celui de l'harmonisation des textes et des pratiques, dans le respect des particularités locales. En vingt ans, bien des choses ont changé. De nouvelles requêtes d'ordre pastoral sont apparues. Les législations civiles concernant l'enseignement supérieur se sont faites à la fois plus précises et plus contraignantes. La Congrégation a tenu le plus grand compte de ces évolutions, en rappelant toutefois que l'objectif assigné reste le même : saisir le plus profondément possible « comment foi et raison s'unissent pour atteindre l'unique vérité » (Gravissimum educationis, 10).
ROME, Jeudi 25 septembre 2008 (ZENIT.org)