A Katmandou, hindous et chrétiens commémorent l'assassinat d'un prêtre, « père du travail social » au Népal, indique « Eglises d'Asie » (EDA), l'agence des Missions étrangères de Paris.
Environ 500 personnes, en grande majorité hindoues, comprenant aussi bien des résidents du centre que des représentants du gouvernement, se sont rassemblées, le 13 décembre dernier, au St Xavier Social Center, le centre de service social des jésuites de Katmandou, en mémoire de son fondateur, un prêtre jésuite, assassiné il y a 11 ans, dans des circonstances à ce jour non élucidées. « Nous devons tout faire pour que le rêve de P. Thomas Gafney puisse devenir une réalité », a déclaré lors de cette commémoration, le P. Dilip Kumar Toppo, jésuite également et directeur du St Xavier Center. Entre autres activités, le centre social accueille des garçons pauvres et handicapés dans deux établissements et travaille à la réhabilitation de personnes dépendantes de l'alcool ou de la drogue. Le P. Thomas Gafney, 65 ans, avait été retrouvé la gorge tranchée le 14 décembre 1997, dans son bureau du centre social. Il avait été assassiné avec un khukuri, couteau courbe appartenant traditionnellement aux soldats gurkhas. Son meurtre n'a jamais été résolu (1). Le missionnaire d'origine américaine, qui avait obtenu la nationalité népalaise, est aujourd'hui encore considéré au Népal comme « le père du travail social ». Lors de la cérémonie du 13 décembre, des personnes que le P. Gafney avait aidées ont témoigné de ce que le prêtre jésuite avait fait dans leurs vies, comme Bishnu Adhikari, handicapé en fauteuil roulant, qui a réussi à trouver un travail – fait encore très rare au Népal où il existe une forte discrimination envers les handicapés – et gagner sa vie ainsi que celle de sa femme et de son fils. « S'il [le P. Gafney] n'avait pas été là, je ne serai jamais devenu ce que je suis aujourd'hui. » Bishnu Adhikari, qui a contracté la polio dans sa petite enfance, a raconté le jour où le P. Gafney l'avait fait entrer au centre et à l'école en 1983. « Je n'étais pas moins qu'un singe dans un cirque », se rappelle-t-il. Il fait allusion au fait que les autres enfants « normaux » s'étaient rassemblés pour le voir en chaise roulante et s'étaient moqué de lui. « Je suis fier de moi, dit aujourd'hui le jeune homme. Je suis plus fort qu'une personne normale. » Laxmi Prasad Dhakal, responsable de district dans l'administration népalaise, a également tenu à rendre hommage au prêtre et a rappelé que le P. Gafney était « un homme plein d'amour et de compassion et qu'il n'était pas étonnant qu'on l'appelle ‘la Mère Teresa du Népal' ». Le P. Gafney avait commencé à travailler avec les enfants des rues au Népal au début des années 1960 et construisit son centre d'accueil à Katmandou vers 1970. Le centre s'était enrichi par la suite d'un dispensaire, d'une clinique et d'un lieu d'accueil et d'écoute. Les activités du St Xavier Social Center s'étendirent ensuite aux victimes du SIDA et aux enfants rendus orphelins par le virus. Le P. Gafney fut également l'un des premiers à mettre en place des programmes de lutte contre la drogue. Au moment de sa mort, la conviction des catholiques et personnes proches du P. Gafney était qu'il avait été assassiné par la mafia locale, à la tête des réseaux de trafiquants. Mgr Anthony Francis Sharma, vicaire apostolique du Népal (2), membre lui aussi de la Compagnie de Jésus, a déclaré à ce propos à l'agence Ucanews, le 16 décembre dernier : « Il est vraiment malheureux que les autorités cachent toujours la vérité à propos de ce meurtre. Tout le monde sait qui sont les assassins mais les hommes du pouvoir continuent de les couvrir. » Depuis son installation discrète dans les années 1950, à l'image du P. Gafney, l'Eglise catholique au Népal a été pionnière, dans le domaine du travail social comme de l'instruction, en particulier auprès des plus pauvres et des castes inférieures. Elle connaît actuellement une réelle expansion ; selon les statistiques du vicariat apostolique, la communauté catholique s'enrichit de plusieurs centaines de baptisés par an. L'Eglise du Népal, comptait en 2007, près de 7 000 catholiques pour une population totale de 28 millions d'habitants, majoritairement hindous (environ 80 %), bouddhistes (autour de 11 %), animistes, musulmans et chrétiens se partageant le pourcentage restant. (1) Voir EDA 256.(2) Le vicariat apostolique du Népal a été érigé en 2007. Avant cette date, il existait une préfecture apostolique, qui avait pris la suite de la mission « sui juris » établie en 1983. Les missionnaires catholiques, présents pourtant au Népal dès le XVIIIème siècle par l'intermédiaires des capucins, furent interdits de séjour à la fin de la guerre anglo-népalaise en 1816, qui provoqua la fermeture du pays à toute influence extérieure pendant près de 140 ans. Ce n'est qu'en 1951 que les jésuites furent autorisés à enseigner au Népal mais sans y fonder ni églises ni missions. 1984 vit l'ouverture de relations diplomatiques avec le Vatican et la création de la première mission.
ROME, Lundi 22 décembre 2008 (ZENIT.org)