Il est toutefois important d'affirmer sa foi pour ne pas laisser de place à l'ambiguïté et donner vie à un vrai dialogue qui ne réduit pas la foi au syncrétisme ou à une religion passe-partout.
C'est ce qu'a affirmé le 4 mars le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, en intervenant à l'université pontificale Antonianum de Rome pour l'inauguration d'une nouvelle chaire de spiritualité et dialogue interreligieux, dédiée à Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique d'Anatolie, tué le 3 juin 2010 à Iskenderun, en Turquie.
Parmi les personnes présentes au symposium, diverses autorités religieuses et civiles dont l'ambassadeur de Turquie près le Saint-Siège, Kenan Gursoy.
Le cardinal Tauran a tout d'abord rappelé « le sourire de Mgr Padovese, sa préparation intellectuelle et sa bonté, parce qu'il n'y avait en lui ni duplicité ni sens de supériorité, mais un désir d'être pasteur, successeur de Paul de Tarse ».
Puis le cardinal a évoqué « un autre martyr, le jeune Shabaz Bhatti, ministre pakistanais pour les minorités religieuses qu'il a eu l'honneur et la joie de rencontrer plusieurs fois, y compris l'année dernière ». Visiblement ému, il a rappelé une de ses confidences : « Je sais que je mourrai assassiné, mais j'offre ma vie pour le Christ et pour le dialogue ». Des circonstances, a-t-il ajouté, « qui me rendent fier d'être chrétien ».
Evoquant le dialogue interreligieux, le président du dicastère a rappelé que durant le concile Vatican II, « pour la première fois dans l'histoire du Magistère, un jugement positif avait été porté sur les religions non chrétiennes ».
Le cardinal a indiqué un point important : le dialogue interreligieux « est un dialogue entre croyants » et donc « pas un dialogue entre les religions mais entre des personnes concrètes, un dialogue qui se déroule entre des personnes qui professent des religions différentes, qui a pour but la connaissance et l'échange de dons spirituels, en respectant la liberté de conscience, en évitant le prosélytisme et en acceptant que l'un ou l'autre puisse changer de religion ».
Alors, a-t-il souligné, « chacun accepte de ne pas renoncer à ses propres considérations mais de se laisser interpeller. Et de prendre en considération des arguments différents de ceux de sa communauté, en cherchant à avoir une meilleure connaissance pour regarder la religion de l'autre avec objectivité et enrichir sa vie spirituelle avec des éléments positifs ».
Le cardinal a indiqué trois éléments inséparables : « l'identité, l'altérité et l'échange d'idées », soulignant qu'il ne s'agit pas de créer une religion universelle « mais de se mettre face à Dieu et d'accomplir ensemble ce pèlerinage vers la vérité ». Il est donc indispensable « d'avoir une identité claire de sa propre religion » et « pour un chrétien, Jésus est l'unique Sauveur et médiateur entre Dieu et les hommes ».
Sans « cette identité spirituelle » – a-t-il précisé – on ne peut pas dialoguer. Et nous avons la chance d'avoir un pape comme Benoît XVI qui nous enseigne ces contenus de la foi. Parce que la foi n'est pas un ensemble d'émotions ».
Par ailleurs, il faut « être humbles, reconnaître les erreurs d'hier et d'aujourd'hui » et « reconnaître les valeurs des autres » pour ensuite se comprendre les uns les autres et vivre en bonne harmonie et partager des valeurs communes ».
Pour le cardinal, quatre autres dimensions doivent servir : « le dialogue de la vie, des relations de bon voisinage et des rencontres occasionnelles ; le dialogue des œuvres, quand nous collaborons ensemble pour le bien commun, comme dans le volontariat ; le dialogue théologique, quand il est possible, pour comprendre en profondeur les héritages religieux respectifs et le dialogue de la spiritualité ».
Et de rappeler que « pour éviter toute sorte de syncrétisme, nous ne disons pas que toutes les religions sont plus ou moins la même chose. Mais que tous les croyants ont la même dignité, ce qui n'est pas la même chose ». Et ainsi, « un catholique commence par l'affirmation de sa propre foi, pour ne pas laisser de place à l'ambiguïté ».
« L'Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces préceptes et ces doctrines qui, bien qu'ils diffèrent dans ce qu'elle croit et propose, reflètent toutefois souvent un rayon de cette vérité qui éclaire tous les hommes », a-t-il affirmé en rappelant la déclaration conciliaire Nostra Aetate.
Le cardinal Tauran a rappelé certaines considérations faites par don Andrea Santoro – lui aussi assassiné le 5 février 2006 alors qu'il priait dans sa paroisse de Trébizonde, une localité turque sur la Mer Noire -, qui racontait avoir découvert sur place plusieurs vertus parmi les musulmans.
« L'attitude de nos interlocuteurs musulmans est devenue ces derniers temps plus disponible et cordiale – a-t-il dit. Exception faite de ces faits terribles dont nous avons parlé, qui comme l'a indiqué l'ambassadeur de Turquie, ne sont pas perpétrés par de vrais musulmans mais par des personnes sorties du droit chemin ».
Le cardinal a enfin conclu en rappelant que le dialogue interreligieux pouvait fournir un soutien important à la société et au respect de la personne humaine, en invitant aussi à refuser les modes et le consumérisme. Parce qu'aujourd'hui, « le problème n'est pas l'athéisme mais l'idolâtrie ».
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